Succédant à Patrick Modiano, cette journaliste et écrivain a été récompensée pour son «oeuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque», a expliqué l'Académie suédoise. Svetlana Alexievitch, 67 ans, née Soviétique sous Staline, est la quatorzième femme à remporter le prestigieux Nobel depuis sa création en 1901. À cause de sa dénonciation du régime autoritaire du président bélarusse Alexandre Loukachenko, elle s'est périodiquement exilée, vivant ainsi en Italie, en France, en Allemagne et en Suède, relève l'Académie. Avec le prix, le régime de Minsk «va être obligé de m'écouter. Il y a tellement de personnes fatiguées qui n'ont plus la force de croire. (Le prix) peut signifier quelque chose pour eux», a affirmé la lauréate au quotidien Svenska Dagbladet. En 2011, elle dénonçait dans un entretien au PEN Club de Suède la «machinerie staliniste» dans son pays, dont l'homme fort depuis plus de vingt ans devrait sans surprise être réélu pour un cinquième mandat lors de l'élection présidentielle de dimanche. Donnée favorite depuis plusieurs années, Svetlana Alexievitch est l'auteure de livres poignants sur la catastrophe de Tchernobyl ou l'invasion soviétique en Afghanistan, interdits dans son pays qui ne lui pardonne pas le portrait d'un «homo sovieticus» incapable d'être libre. Beaucoup de ses compatriotes la lisent, même si le régime empêche ses apparitions en public à Minsk où elle vit une partie de l'année. Née le 31 mai 1948 dans l'ouest de l'Ukraine dans une famille d'instituteurs de campagne, diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Minsk, elle commence à enregistrer sur son magnétophone les récits de femmes qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale. Elle en tire son premier roman, en russe comme les suivants, La Guerre n'a pas un visage de femme. Depuis, Svetlana Alexievitch utilise toujours la même méthode pour écrire ses romans documentaires, interrogeant pendant des années des gens qui ont vécu une expérience bouleversante. Cercueils de zinc, un ouvrage mémorial sur la guerre d'Afghanistan (1979-1989), publié en 1990, la rend célèbre. Son oeuvre, dont La Supplication, Tchernobyl, chroniques du monde après l'Apocalypse (1997), est traduite en plusieurs langues et publiée à travers le monde. Son dernier roman La Fin de l'homme rouge ou Le temps du désenchantement, sur l'histoire et la tragédie de «l'homo sovieticus», avait reçu le Prix Médicis essai en 2013.