Le malaise est profond au sein de la communauté estudiantine. L'accumulation de problèmes sociopédagogiques au fil des années rend parfois certaines situations inextricables. Et à chaque rentrée, ses contestataires. L'année 2015-2016 ne dérogera pas à la règle, car la couleur est d'ores et déjà annoncée. L'université des Frères Mentouri compte actuellement un effectif global de 35 560 étudiants, dont 8157 nouvellement inscrits, selon les chiffres communiqués par le rectorat. Cette année encore, les filières enseignées au sein de l'université de Constantine, qui englobe huit facultés, seront renforcées par plusieurs autres. Ainsi, en plus des 105 masters déjà dispensés, l'on comptera 14 nouvelles réparties sur 4 filières. Mais au-delà de l'aspect pédagogique, les campus à Constantine, quelques-uns du moins, connaissent une fébrilité, annonciatrice de journées de contestation. Dès le 7 octobre, les étudiants inscrits à la faculté des lettres et langues ont bloqué l'accès aux salles de cours. Cette journée de protestation à laquelle a appelé l'organisation estudiantine, l'Union des étudiants libres (UGEL), et qui a reçu un écho largement favorable, a traduit un raz- le-bol au sein de cette faculté en raison de l'absence des enseignants des amphis. «C'est inacceptable, nous nous déplaçons chaque jour juste pour rebrousser chemin, car les enseignants ont fait défection», nous ont déclaré des étudiants. Au-delà de cette action symbolique, la communauté estudiantine a voulu, à travers cette mobilisation, interpeller le rectorat sur un ensemble de problèmes qui minent le bon déroulement du cursus universitaire. Différentes revendications sociopédagogiques sont brandies à l'occasion, mettant à nu l'opération des inscriptions effectuées dans des conditions très critiquées, en passant par les sempiternels problèmes liés au transfert. Et dans cette liste revendicative, il est même question des Conseils de disciplines, pointés du doigt dans leur «traitement des cas disciplinaires». A l'Institut des sciences politiques et interprétariat, les étudiants, dans les différentes graduations, ont décidé de boycotter les amphithéâtres, pour la seconde année consécutive, afin d'interpeller la tutelle et les pouvoirs publics sur l'impasse professionnelle qui les guette. L'objet de cette protesta est le diplôme qui sanctionne leur cursus, non reconnu par la Fonction publique. Et partant, ils se retrouvent exclus des concours organisés par cette dernière, mais aussi par ceux du secteur de l'éducation. Face à cet aléa législatif qui continue de pénaliser des milliers de diplômés, une coordination nationale a vu le jour. Un porte-étendard de leurs revendications. Il s'agit de la revalorisation du diplôme et de son intégration dans la nomenclature des concours de la Fonction publique ainsi que dans d'autres activités économiques. Le cas Inataa Ces appréhensions, quant à leur avenir professionnel, sont largement partagées par leurs camarades de l'Institut de nutrition, alimentation et technologie agroalimentaire (INATAA), qui observent une grève depuis janvier dernier. Les tribulations auxquelles ont été exposés ces étudiants n'ont pas altéré le mouvement. D'aucuns ont en mémoire l'épisode de leur agression par des agents de sécurité affiliés à une société de gardiennage privée, en mai dernier. Un grave précédent qui repositionnera les étudiants grévistes sur l'échiquier des négociations avec la tutelle sans pour autant solutionner le problème. D'ailleurs, l'année blanche a-t-elle la moindre chance d'être évitée ? Du côté du rectorat, il est soutenu que tout a été mis en place pour se soustraire au spectre de l'année blanche. «Il a été procédé à l'allongement de l'année universitaire jusqu'au mois de novembre pour permettre aux étudiants de rattraper le retard et éluder l'année blanche». Certains grévistes nous ont déclaré que tant que leur revendication principale, à savoir la reconnaissance de leur ingéniorat par la Fonction publique, n'a pas été prise en compte, leur détermination restera intacte. Pour leur part, les étudiants de la faculté de médecine sont en colère et l'ont fait savoir bruyamment. Ils revendiquent le transfert des 1re et 2eannées vers la nouvelle faculté, implantée sur le site de la ville universitaire à la nouvelle ville Ali Mendjeli. Récemment, ils ont tenu un sit-in devant l'université Constantine 3 pour interpeller le rectorat sur leurs doléances. Prévue pour cette rentrée universitaire, l'ouverture de la nouvelle faculté de médecine semble prendre du retard, ce qui a exacerbé les étudiants concernés qui souffrent des surcharges des amphis au Chalet des pins et Faubourg. L'université des Frères Mentouri a fait un bond dans l'utilisation des nouvelles technologies et les procédés d'enseignement, dont le e-learning et la numérisation. Mais de l'avis même de certains de ses responsables, «l'institution a dégringolé dans le classement des universités mondiales. Elle ne dispose d'aucune stratégie de développement ni de vision pour l'avenir, d'ailleurs, à peine 13% des étudiants en post-graduation ont présenté leurs thèses». Un constat qui soulève des questionnements et impose des réponses sur la mission de l'université qui se retrouve, aujourd'hui, au centre de la contestation estudiantine.