Comment êtes-vous venus à la chanson sportive ? Le groupe Milano existe depuis 1998. Nous chantions à l'époque des chansons à la gloire de l'USM Alger. Le groupe Torino est né en 2003 avec l'idée d'encourager le Mouloudia d'Alger (MCA). Le premier album de Torino, édité en 2007, a été réalisé avec beaucoup de sacrifices et peu de moyens. A l'époque, les gens ne croyaient pas à l'avenir de la chanson sportive. En tout et pour tout, nous avons réalisé 3 albums dédiés à l'USMA et 2 albums au MCA. Dans le stade, les fans de l'USMA reprenaient en chœur nos titres. Pour ce qui est du MCA, c'est autre chose, les supporters sont tellement nombreux… Nous avons un peu souffert pour éditer ces albums d'autant qu'il n'existe pas en Algérie une politique d'aide pour les chanteurs sportifs. Dans d'autres pays, les présidents des clubs sportifs apportent une aide financière aux groupes de musique qui les encouragent. Mais comment les frères ennemis du football algérien ont-ils décidé de chanter ensemble ? Nous tenions à montrer que cette adversité est toute sportive et artistique. Certains nous ont imputé la violence dans les stades, disant que les groupes de musique attisaient la haine entre les supporters. Nous nous sommes unis pour montrer que tout cela n'est que du sport. Il ne s'agit que de querelles passagères. Les deux groupes se sont mis ensemble pour encourager la sélection nationale. Nous avons été parmi les premiers à avoir investi ce secteur. Avant le match de l'Algérie face au Sénégal, nous avons édité la chanson Ya l'Algérie ya kthir el chan. Votre situation financière s'est-elle améliorée après les succès retentissants de vos albums ? Nous avons entendu notre musique dans toutes les voitures qui défilaient pour la victoire des Verts, mais nous n'avons pas vu la couleur de l'argent. C'est le travail de l'ONDA que de lutter contre le piratage. Nous ne faisons que subir les méfaits. De notre grand succès en musique, nous n'avons gagné que le nom. Mais il y a tout de même quelques gratifications. Ayant été sollicités pour la cérémonie des Ballons d'or, nous avons été très émus de voir que Madjd Bougherra avait mis notre chanson Bladi sakna fi qalbi, en sonnerie de son portable. Vous avez tout de même gagné un peu d'argent... Nous avons travaillé très dur, mais nous ne voyons pas le fruit de notre travail. Les artistes doivent participer à des galas pour vivre. Or, on nous évite dans les festivités alors qu'on invite d'autres chanteurs qui interprètent nos chansons. Nous sommes complètement marginalisés. Ce n'est pas toujours facile dans un milieu où ce sont les passe-droits et la « maârifa » qui priment. Il y a des artistes qui nous appuient, des gens qui sont avec nous, comme Assia Djermoune et Reda City 16. Les artistes qui nous créent des problèmes doivent savoir que rien n'est immuable et qu'il peut y avoir des retours de bâton. Vous vous dites donc marginalisés… Si on n'aimait pas ça, on aurait abandonné depuis longtemps, mais nous avons grandi avec les chansons sportives. Heureusement qu'il existe des gens qui nous conseillent comme Lotfi Double Kanon, Hamidou et Allaoua. Tous ces chanteurs apparus à la dernière heure disparaîtront au moindre faux pas de l'équipe nationale. Ils chantent pour leurs intérêts et non pour le drapeau. Quant à nous, nous avons tous été dans la chanson sportive. Quoi qu'il arrive, nous continuerons à encourager les Verts. C'est justement en cas de défaite qu'il faut se mettre du côté de notre équipe. Notre point fort, c'est la sincérité. Beaucoup qualifient les chansons sportives à la gloire des Verts de « chanson sandwich », qu'avez-vous à leur répondre ? Ceux qui nous critiquent n'ont qu'à écrire des chansons avec autant de succès. Nous, nous n'avons pas besoin de paroliers. Nous pensons que les paroles sont plus importantes que la musique. Les autres se contentent de faire du « commercial ». Il faut savoir que pour réussir dans le domaine de la chanson sportive, il faut connaître l'ambiance des stades. Aux côtés du MCA et de l'USMA, nous avons fait tous les matchs. Lors de notre première scène en juillet, nous leur avons montré ce que nous valons. Tous les spectateurs ont allumé les fumigènes. Avez-vous réalisé des clips ? Il y a plusieurs sortes de clips. Nous avons réalisé un clip à la hauteur de nos moyens pour la chanson Sud-Afrique rayhine : Un clip de pauvres, nous devions faire un clip pour une chanson en collaboration avec Kader Japonais et Lotfi Double Kanon mais la défaite de l'équipe nationale face au Malawi a stoppé net nos projets. La télévision a passé plusieurs séquences et a fait notamment des montages sur notre musique. Avez-vous une idée du nombre d'albums vendus ? Il est quasiment impossible de le savoir. Les disquaires n'ont même pas le temps d'ouvrir que l'on installe une table à côté. Nous comprenons les gens qui vendent dans l'informel, nous savons que ces jeunes travaillent pour joindre les deux bouts. L'Etat devrait faire quelque chose pour les aider.