Il est normal que tout le monde se préoccupe de la crise économique qui est partiellement avec nous, mais dont la partie invisible est encore plus sérieuse. Nul ne peut prédire avec précision les futurs développements des phénomènes qui nous intéressent et plus particulièrement les prix de l'énergie. Il nous faut donc travailler à rendre l'économie plus résistante. Les débats sur les plateaux de télévision, les journaux et les séminaires tournent autour de la question des priorités : faut-il focaliser sur le court terme et préparer des dispositions de riposte pragmatique, faisables à court terme et qui nous permettraient d'optimiser l'utilisation des ressources ; et soit espérer une remontée des prix des hydrocarbures, soit simplement investir dans des projets prioritaires qui nous permettraient de produire plus dans les domaines agricole, industriel et des services. L'autre manière de réfléchir consiste à tracer d'abord un plan à long terme (Algérie 2040 par exemple) et le décliner en plans quinquennaux et programmes annuels qui seront matérialisés par des lois de finances. Et le débat continue sur la supériorité de l'une ou de l'autre méthode. Ce n'est pas un débat théorique. Il a des implications très pratiques. Si on devait privilégier les budgets du court terme, les experts nationaux à tous les niveaux (centres de recherche universitaires, séminaires, CNES, chargés d'études des ministères, etc.) plancheraient sur trois ou quatre années de projections budgétaires et par la suite faire un plan Algérie 2040, par exemple. Au-delà de la méthode, c'est surtout la mobilisation des ressources, des énergies et l'intelligence des élites et des parties prenantes – syndicats, patronat, ONG et autres – qui est en jeu. Peut-on trouver une réponse quelque part ? Il y a deux principes de base qui doivent guider les actions du gouvernement. Ils ne sont pas antinomiques, mais plutôt complémentaires. Le premier consiste à s'inspirer des expériences étrangères. Ce n'est pas pour reproduire tels quels les schémas qui ont bien fonctionné ailleurs. Il y a toujours des ajustements à faire. Il n'y a pas un système économique qui fonctionne bien et qui est purement national. Il y a toujours un mix à réaliser entre ce qui est propre et ce qui est universel. Mais dans ce domaine, il y a un principe capital. On l'enseigne à nos étudiants en business management. Lorsqu'on fait des comparaisons entre entreprises et pays, on apprend un peu des erreurs d'autrui. Même les pays qui sont parvenus à faire des bonds extraordinaires commettent des erreurs parfois inexplicables. La Chine a obtenu des résultats spectaculaires. En trente-cinq ans, elle est passée d'une économie rurale à la deuxième super puissance économique mondiale avec une croissance de 12% durant les années 2000. Pourtant, en autorisant les deux tiers de sa population à acheter des actions des grandes entreprises à crédit, elle provoqua le krach de la bourse et le début du déclin de son taux de croissance. Il faut donc apprendre de cette erreur et ne jamais autoriser pareille chose dans notre pays. Eviter les erreurs d'autrui est très utile ; surtout si ces errements causent de sérieux dommages. Cependant, ce serait nettement insuffisant pour gérer une entreprise ou gouverner un pays. Dans ce cas, on apprend beaucoup plus des réussites des autres. On arrive petit à petit à la conclusion que le nombre d'erreurs possible est trop grand. Cela rend difficile le management par évitement d'erreurs. Car si l'on échappe à quelques égarements, il en reste beaucoup d'autres à faire. Cela sert à peu de choses d'éviter 15 erreurs, alors qu'il y a des milliers d'autres possibles. Par contre, les causes des succès sont à un nombre tout à fait maîtrisable. On peut donc s'en inspirer pour mieux faire. Par exemple, l'une des recettes qui a été appliquée par tous les pays qui ont réussi leur émergence a trait au développement humain. Ces pays ont créé des industries des recyclages, des universités de qualité internationale et ont qualifié la vaste majorité de leurs ressources humaines selon les standards internationaux. Il faut donc gérer en focalisant plus sur les succès que les erreurs à éviter. En ce sens, on trouverait les pratiques internationales capables de nous aiguiller sur la manière de résoudre cette problématique. L'importance du contexte Pour ce qui est du débat, devons-nous prioriser le court terme ou le long terme ? Il faut regarder du côté des connaissances, des expériences réussies et des spécificités nationales. Les pays développés ont des dizaines de think tanks qui prodiguent des scénarios et des pistes d'actions à leurs gouvernements. Les départements internes des gouvernements font un large usage de ces analyses. Tout en ayant en vue un très long terme peu précisé, ils fondent leurs décisions sur l'horizon du moyen terme, sauf pour certains programmes spéciaux (changements climatiques, espaces, recherche scientifique, etc.). Ceci s'explique par le fait que les fondamentaux de base sont considérés comme acceptables (éducation, mode de fonctionnement des institutions, recherche et développement, création d'entreprises, etc.). Les pays émergents penchent vers la planification stratégique à long terme : Corée du Sud 2040 ; Malaisie, pays développé en 2020 (le plan a été établi en 1992). Par ailleurs, ces objectifs sont déclinés en plans quinquennaux, puis en budgets-programmes. Nous avons un contexte national spécifique caractérisé par une faiblesse manifeste du système éducatif qui induit de graves déficiences managériales et une grande faiblesse de l'évolution de la productivité. Un correctif sérieux de ces déficiences appelle forcément des plans indicatifs à long terme déclinés en plans sectoriels à moyen et à court termes. Ce qui signifie que nos responsables doivent travailler conjointement sur deux approches parallèles et cohérentes. On ne doit pas privilégier le court terme et oublier de développer une vision. Par exemple, s'il serait nécessaire de démultiplier quelques industries spécifiques du savoir (comme les incubateurs), nous devons commencer déjà à former les experts formateurs dans ce domaine. Des lignes budgétaires doivent être dégagées en ce sens. Sinon on risque de se trouver face à un désert scientifique et le plan qui sera décrété plus tard sera lettre morte. Par ailleurs, si les plans n'intègrent pas la situation à court terme du pays, nous aurions des réflexions et des schémas peu ancrés dans la réalité du pays. Nous avons une crise qui lamine nos ressources ; il faut bien faire des choix et réduire le train de vie de l'Etat et des citoyens aisés. Cependant, le peu de ressources gagnées doit maintenant financer les réussites. La solution serait de planifier conjointement le court et le long termes. PH.D en sciences de gestion