Le récit de l'histoire nationale part d'une mauvaise foi. Ou d'une mauvaise intention : la révélation du caché, (du crime), pas la construction de la vérité. La mémoire a les airs hagards de la délation. La révélation se fait dans la concurrence pas dans le désir de la transmission. L'Histoire est un sujet fétichisé : il est objet de culte mais dans l'exercice de l'abstraction. C'est le propre des décolonisations devenues psychorigides et dictatures : on enseigne l'histoire dans le but de la légitimation, pas celui de l'explication. La vérité n'y est pas nécessaire, seulement le consensus. Et il sera brisé de temps à autre selon les besoins ou les concurrences. Il n'y a pas donc de récit national qui donne une vision du passé et une manière d'envisager le futur, mais seulement des moments de rupture dans le récit d'usurpation. Voilà, dit en condensé ce que l'histoire a fait de nous et ce que nous avons fait d'elle. Alors on continue dans cet exercice de délation parce que la question du témoin probe et des origines n'a pas été réglée, ni l'éthique de l'exactitude qui transcende les lâchetés ou les calculs. Les uns se taisent jusqu'à la tombe par lâcheté, les autres ne se mettent «à table» que menacés ou menaçant. Cela nous mènera où ? A la détestation collective puis à la disparition peut-être. Les Algériens ont une perception étrange de leur histoire : racontée, elle est un alibi de traîtres ; silencieuse, elle est confirmation du crime ; révélée, elle est délation entre complices d'un crime. L'histoire n'est vraie que clandestine. D'où l'impossibilité d'avoir un récit national. Seulement un soupçon. Ou du mépris.