L'Université pour tous offrira désormais à ses auditeurs libres «une formation interdisciplinaire de niveau académique, gratuite et ouverte à tous sans condition de diplôme… et au-delà des clivages culturels et linguistiques et des affirmations et revendications identitaires», prêchent Khaoula Ibrahimi et ses acolytes, membres du comité scientifique de la nouvelle institution affiliée à l'Archevêché d'Alger. La sociolinguiste a inauguré l'institution, hier, par une communication clamée avec ferveur en langue arabe, portant sur «La pédagogie et les espaces de transmission du savoir». Porté par Guillaume Michel (directeur du Centre diocésain) secondé par Frédéric Soulu (doctorant et bénévole aux Glycines), le projet Université pour tous a finalement vu le jour grâce à l'adhésion d'une dizaine d'universitaires algériens, certains bénévolement et d'autres moyennant rémunération. En effet, le Centre diocésain a invité des intervenants étrangers et rallié des professeurs d'université algériens, dont bon nombre de l'intérieur du pays. Selon ses administrateurs, l'Université pour tous «reste ouverte à toute forme de partenariat» pour développer l'offre et élargir son rayonnement. Il s'agit d'une première dans le paysage académique algérien. Les universités dites populaires, anciennement renommées pour «donner aux milieux populaires une instruction appropriée», suscitent, ces derniers temps, l'engouement de disciples en Europe et notamment en France. En Algérie, aucune initiative de ce genre n'avait pu voir le jour faute de financement. C'est donc à la grande joie d'une centaine d'étudiants que l'initiative du Centre diocésain d'Alger vient d'être concrétisée. Le centre des Glycines — réputé pour son engagement dans le paysage culturel algérien depuis les années soixante-dix, notamment à la faveur de ses conférences et journées d'étude ainsi que par la disponibilité de sa riche bibliothèque de recherche — vient ainsi d'enrichir ses offres de formation, auparavant limitées à l'apprentissage des langues. Désormais, plusieurs cycles de conférences hebdomadaires en sciences humaines et sociales seront prodiguées selon une programmation trimestrielle. La première session commencera le 5 mars et s'étalera jusqu'au mois de juin au profit des auditeurs libres inscrits. Les thèmes retenus pour ce premier trimestre sont variés et seront dispensés par des professeurs d'histoire, d'archéologie, d'architecture, de sociologie, d'anthropologie, de littérature, de philosophie… Accès libre et gratuit «Les modules thématiques proposés seront dispensés en français ou en arabe», selon Nadia Aït Saïd Ghanem, doctorante en assyriologie au SOAS de Londres et responsable pédagogique chargée de l'organisation et du suivi des activités formatives de l'Université pour tous. Et d'ajouter qu'«ils atteindront un volume horaire de 4h à 6h par mois. Des groupes d'un maximum de quinze personnes y seront privilégiés». Les enseignements seront dispensés par des professeurs, chercheurs et doctorants, algériens et étrangers, dont certains sont en permanence réunis au sein d'un comité scientifique garant de la qualité de l'offre de formation. L'accès à l'Université pour tous est libre et gratuit, selon les organisateurs ; il est ouvert aux étudiants désireux de rejoindre ses bancs. «Ils sont invités à s'inscrire sur le site internet de l'Université avant de choisir à leur guise et selon leurs intérêts scientifiques les modules de leur choix» indique Saadia Gacem, socio-anthropologue et responsable de la communication de l'Université pour tous d'Alger. Cette offre universitaire, dans sa première mouture, a déjà suscité l'intérêt d'une centaine d'adhérents venus d'horizons divers. «Un certain nombre d'inscrits sont des étudiants en sciences humaines et sociales, mais nous comptons également des scientifiques, des architectes et des médecins passionnés par d'autres disciplines transversales issues des sciences sociales que proposent nos intervenants», précise-elle. Et d'ajouter qu'«un certain nombre de personnes non issues de la sphère universitaire se sont inscrites avec autant d'enthousiasme». A l'image justement d'un étudiant, travailleur dans le secteur des travaux publics, de niveau scolaire modeste mais passionné d'archéologie qui est enchanté de pouvoir poursuivre une formation de niveau académique dans son domaine de prédilection. Ainsi, les cycles de conférences de l'Université pour tous sont, comme son nom l'indique, accessibles à tous sans condition d'âge ou de niveau d'études. Toutefois, les cursus proposés ne préparent à aucun examen et n'assurent aucune forme d'évaluation ; ils ne donnent droit à aucun un diplôme. Riche programme Le premier trimestre sera initié dès le 5 mars par une conférence sur l'archéologie funéraire dispensée par Yasmina Chaid Saoudi. Une communication qui s'inscrit dans le cycle intitulé «La ville dans tous ses états» qui tentera, selon le programme annoncé, d'explorer la ville comme espace physique et social. L'histoire des villes antiques jusqu'aux villes nouvelles, en Algérie et ailleurs, sera inculquée, entre autres enseignements, sur les dynamiques et les pratiques sociales au sein des espaces publics. Le concept de la ville sera également étudié comme objet de discours symbolique dans la littérature et le cinéma algérien et dans certaines autres formes d'expression populaire. Une autre thématique passionnante est à découvrir dès ce trimestre : «La fabrique des mythes» : comment les sciences humaines et sociales et la philosophie apprennent à déconstruire les mythes. Ce cycle de conférences permettra aux étudiants de mieux appréhender «les représentations qu'une société se fait d'elle-même et de sa place dans l'univers». Ce programme d'enseignement évoquera les mythes fondateurs et les rites anciens en parallèle avec ceux contemporains. A partir de la session d'octobre, l'université des Glycines proposera une initiation aux grands courants de pensée, un cycle de conférences dédiées, selon les concepteurs, à la réflexion philosophique et à la pensée critique. Cette thématique abordera l'étude de textes fondateurs des sciences humaines et d'œuvres philosophiques pour permettre «une meilleure compréhension du monde contemporain». «L'altérité et ses paradoxes» seront questionnés à la lumière des identités culturelles et de l'imaginaire collectif véhiculé par les civilisations antiques, médiévales et jusqu'à nos jours par une série de conférences intitulée «Voyage vers l'autre». Les conflits et les temps de paix seront examinés le trimestre suivant par des études portant sur les périodes d'instabilité et de stabilité historiques. Le cycle «Guerres et paix» examinera les dimensions économique, sociale et culturelle des conflits et des temps de paix marquants de l'histoire des sociétés humaines. Il reste à faire savoir aux universitaires intéressés que l'Université pour tous est à la recherche d'intervenants, notamment arabophones, pour parfaire et enrichir son offre de formations.