Le passage obligé de Mohamed Laksaci à l'APN aura surtout permis aux quelques députés, qui ont décidé de ne pas faire l'école buissonnière, de malmener un gouverneur que la rumeur dit être sur le départ. Les parlementaires de la majorité s'en sont d'ailleurs donnés à cœur joie et certains se sont même risqués à recommander au patron de la BA de tirer sa révérence avec les honneurs. C'est le cas du député FLN Slimane Saâdaoui qui n'a pas hésité à conseiller au gouverneur de la BA de «démissionner», si celui-ci doit faire face seul à l'Assemblée pour évoquer l'échec des politiques économiques menées jusqu'à aujourd'hui et si les autorités ne prennent pas en compte ses recommandations. Et d'apostropher par la même occasion l'ensemble des membres du gouvernement à l'effet d'assumer, chacun, leurs responsabilités dans cet échec. D'autres parlementaires de la majorité tiendront des propos plus durs à l'endroit du gouverneur de la Banque d'Algérie, contre lequel les accusations n'ont pas arrêté de fuser durant la séance plénière du Parlement. Certains l'inviteront à ne plus faire de promesses en vain, tandis que d'autres exigeront «la vérité» concernant la gestion des réserves de change et d'or, ainsi que le contrôle des opérations de commerce extérieur. La séance au Parlement aura été marquée par un certain unanimisme. D'abord, en ce qui concerne le déphasage flagrant entre les chiffres présentés par Mohamed Laksaci et la réalité économique d'aujourd'hui. Les députés qui se sont succédé ont quasiment tous mis à l'index l'inutilité d'un rapport qui traite de l'évolution économique du pays en mars 2016, au moment où les cours du brut chutaient et que la loi de finances 2016, une loi d'austérité, était en vigueur depuis trois mois. L'artifice de la dépréciation du dinar C'est ce même unanimisme qui a marqué les interventions des députés qui critiquent les choix de la BA quant à la gestion du taux de change du dinar. Tous ont reproché au gouverneur d'avoir opté pour la solution de facilité et acquiescé à une dépréciation de la monnaie nationale, dans le seul objectif d'augmenter artificiellement les ressources budgétaires de l'Etat libellées en dinars, ce qui aura contribué à affaiblir le pouvoir d'achat des ménages. «Vous avez détruit le dinar, qui a perdu 50% de sa valeur !» lance d'ailleurs le député du FJD, Lakhdar Benkhelaf. Les parlementaires ont, dans ce sens, invité le gouverneur de la Banque d'Algérie, et avec lui les pouvoirs publics, à chercher d'autres alternatives à travers l'élargissement de l'assiette fiscale. C'est ainsi que le député du PT, Djelloul Djoudi, propose de chercher la ressource dans les niches fiscales qui absorbent, selon son propos, 90 milliards de dinars. Il propose aussi de chercher cette ressource dans la lutte contre l'évasion fiscale qui induit un manque à gagner de 9400 milliards de dinars, selon ses estimations. Les députés ont également fustigé l'effacement de la dette que détenait l'Algérie sur de nombreux pays africains et disent ne pas comprendre comment le pays réfléchit à l'endettement extérieur, au moment où il détient une créance de 5 milliards de dollars sur le FMI. Le gouverneur de la BA a aussi eu à essuyer de nombreuses critiques concernant le marché parallèle des changes. Les appels pour la révision de la réglementation afin de faciliter l'ouverture de bureaux de change se sont multipliés. Certains n'ont d'ailleurs pas hésité à accuser des autorités qui ferment, selon eux, les yeux sur les activités de l'informel. C'est le cas du député FLN Lyès Saâdi qui a estimé que l'élimination du marché des devises du square Port-Saïd «est la responsabilité de la Banque d'Algérie». De même qu'il affirme que c'est le niveau actuel de l'allocation devises attribuée aux citoyens qui pousse ces derniers vers le marché informel. Preuve encore, ajoute-t-il, que les «affaires économiques du pays marchent suivant une arrière-pensée» et que c'est là que l'on peut déceler «l'empreinte des lobbies». Le député FLN demandera aussi des comptes sur la gestion des réserves officielles de changes et des réserves en or dont dispose le pays et qui devra être, selon lui, empreinte de transparence. Mais l'ensemble des députés ont surtout critiqué la gestion des opérations de commerce extérieur par les instances de contrôle, la Banque d'Algérie en tête ! Les intervenants se sont succédé pour demander des explications sur les transferts illicites de devises opérés par des importateurs indélicats et ont critiqué, dans ce sens, le manque de coordination entre les services de la BA et les instances du ministère des Finances. La députée FFS Hayat Taïati a, quant à elle, exposé l'iniquité dans la distribution du crédit qui a bénéficié aux opérations de commerce au détriment de l'investissement. Elle s'est aussi interrogée sur les raisons qui ont empêché la mise en place de la prédomiciliation bancaire avant aujourd'hui. La députée a ensuite souligné les lacunes dans le contrôle des opérations de commerce extérieur au niveau des banques. Elle a rappelé, à ce titre, qu'en 2014, seules quatre missions de contrôle des opérations de commerce extérieur ont été opérées par la BA.