Les engagements économiques et commerciaux du groupe Sonatrach durant le quinquennat 2015-2020 étant sans commune mesure avec les réserves d'hydrocarbures réellement disponibles, il est à craindre que nombreuses commandes ne soient pas honorées et que la viabilité économique de certains gros investissements (nouveaux gazoducs vers l'Espagne et l'Italie, construction de deux complexes GNL à Skikda et Arzew, acquisition de méthaniers, etc.) soit compromise. Les 70 à 80 milliards de dollars que le Groupe pétrolier algérien compte investir durant cette période étant essentiellement destinés à l'aval pétrolier et gazier (construction de gazoducs, acquisition de gros méthaniers, réalisation d'usines de liquéfaction de gaz naturel, construction de nouvelles raffineries, etc.), il y a fort à craindre que l'amont (découvertes et exploitation de nouveaux gisements) ne soit pas à la hauteur des demandes croissantes en provenance de l'étranger et de l'Algérie où on consomme de plus en plus d'énergie. Toutes les quantités d'hydrocarbures supplémentaires générées par les récents investissements ont déjà trouvé preneurs, mais la crainte est d'assister, à plus ou moins brève échéance, à une saturation de la production par rapport aux commandes additionnelles endossées et aux gros investissements qui avaient été lancés dans l'euphorie de la hausse des prix du pétrole. Exporté dans à peu près les mêmes proportions, le gaz naturel, transporté au moyen de gazoducs et ou de méthaniers verra son volume augmenter sensiblement, pour atteindre 85 milliards de mètres cubes dans les toutes prochaines années, sans pour autant atteindre le volume des commandes contractuellement engagées. Ce volume sur lequel a tablé Sonatrach, sans avoir la certitude de l'atteindre, serait déjà totalement casé et il resterait encore de clients à satisfaire. En effet, tout en augmentant les quantités de gaz naturel livrées à l'Europe à travers les 4 gazoducs en service à l'horizon 2020, la compagnie pétrolière algérienne compte également promouvoir l'industrie du gaz naturel liquéfié avec, à la clé, la construction de deux complexes GNL à Skikda et Arzew devant porter la capacité globale de production supplémentaire du groupe à 40 milliards de m3 par an à l'échéance sus-indiquée. Il est par ailleurs question d'acquérir cinq gros méthaniers pour desservir des contrées lointaines d'Asie et d'Amérique fortement demandeuses en gaz naturel liquéfié. Les grosses quantités de gaz supplémentaires escomptées sont en grande partie destinées à l'exportation grâce au surcroît de capacités de transport développées par Sonatrach (gazoducs et méthaniers) devant dépasser, une fois mises en service, 420 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep). Des objectifs que ne corrobore malheureusement pas l'état actuel des réserves disponibles, estimées à à peine 140 milliards de barils équivalent pétrole (Bep). Les objectifs d'exportations ont-ils pris en compte la consommation intérieure de gaz naturel dont la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG) estimait, en 2014 déjà, à plus de 40 milliards de m3 ? Rien n'est moins sûr ! Des voix s'élèvent çà et là pour promouvoir les énergies renouvelables et non conventionnelles dans le but de faire face à cette demande intérieure en constante progression. Se pose alors avec acuité la question de la rentabilité des nouveaux investissements programmés et, notamment, celle des équipements de transport (gazoducs et méthaniers) acquis à grands frais sans qu'ils n'aient la garantie d'une utilisation optimale, les quantités de gaz à transporter n'étant pas suffisantes au regard des réserves disponibles et des maigres découvertes (en volume) tirées de la centaine de découvertes effectuées durant la dernière décennie. Pour que Sonatrach puisse tenir ses engagements commerciaux, notamment avec ses clients étrangers avec lesquels de gros contrats ont déjà été signés, mais également avec ses partenaires locaux en pleine phase d'investissement pour augmenter leurs capacités de raffinage, développer la pétrochimie et satisfaire des besoins énergétiques croissants de la population, il est à espérer que ce groupe fasse un effort gigantesque à l'amont du secteur pour découvrir de nouveaux gisements et accélérer l'entrée en production de ceux qui ont déjà été mis en évidence. Ce n'est qu'à ces conditions que le groupe Sonatrach pourra tenir les ambitieux engagements économiques et commerciaux qu'il s'est fixés dans un évident excès d'optimisme. A défaut, il sera contraint de se tourner plus résolument vers l'exploitation de gaz de schiste avec toutes les conséquences que Sonatrach pourrait subir en termes de rentabilité aujourd'hui que les prix sont bas. Cette option n'est, en tout cas, pas à exclure au regard des quantités importantes que Sonatrach doit absolument livrer aux clients liés par des contrats fermes. Au sein des associations opposées à l'exploitation de gaz de schiste, on susurre même que l'ex-ministre de l'Energie Chakib Khelil, connu pour ses accointances avec les milieux texans, serait en mission commandée par les Américains pour précisément mettre à leur service les immenses réserves algériennes de gaz de schiste classées, de par leur importance, au troisième rang mondial .