Des spots publicitaires portant atteinte à l'éthique médicale diffusés sur les chaînes algériennes offshore ne semblent pas inquiéter ni offusquer les responsables, que ce soient les autorités sanitaires et encore moins le ministère de la Communication de Hamid Grine, qui se veut le garant en se substituant à l'Autorité de régulation de l'audiovisuel. Le spot publicitaire porte sur une clinique chirurgicale privée tunisienne. Elle propose des actes de chirurgie esthétique pour se refaire le nez, des augmentations mammaires ou des liposuccions moyennant un paiement sur 12 mois et plus. Le spot est donc diffusé durant les prime-time de la grille de diffusion, au moment où les Algériens regardent le plus la télévision. Une publicité introduite dans ces médias depuis plusieurs mois, malgré l'interdiction par la loi de ce type de publicité consacré par le code d'éthique et de déontologie médicale cité dans l'article 19 qui stipule que «la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale». Laquelle notification a été faite par le ministère de la Santé à l'ENTV qui a sollicité l'avis de l'instance sanitaire pour le même spot publicitaire qu'elle avait jugé comme étant un produit interdit à la publicité. Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière n'a-t-il pas saisi les autorités concernées pour leur signifier justement cette interdiction ? Une question qui reste posée, car le chargé de la communication affirme que cela relève de l'autorité de régulation. La semaine dernière, l'instance tunisienne chargée de l'audiovisuel, la Haica, a indiqué dans un communiqué avoir interdit la diffusion d'un spot publicitaire pour des actes de chirurgie esthétique diffusé aux heures de grande écoute et dénoncé par le corps médical comme une atteinte à l'éthique. «Cette publicité pour une clinique chirurgicale passe sur la chaîne privée Attessia TV depuis le premier jour du mois de Ramadhan, notamment lors de la rupture du jeûne, heure à laquelle de très nombreux Tunisiens, dont des enfants, sont attablés devant leur télévision. Cette publicité banalise des actes chirurgicaux non dénués de risques», a dénoncé la Société tunisienne de chirurgie. «Elle est inacceptable et porte atteinte à notre spécialité et à l'image de toute la médecine tunisienne», a-telle ajouté. Saisie par le ministère de la Santé et l'Ordre des médecins, l'instance tunisienne chargée de l'audiovisuel a notamment jugé que la publicité contrevenait «au code de déontologie médicale selon lequel la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce et interdit aux médecins l'utilisation de la propagande et de la publicité, directe et indirecte». Ce que confirme le président du conseil national de l'Ordre des médecins algérien, le docteur Mohamed Bekkat Berkani, en rappelant la force de la loi qui est bafouée en faisant référence justement au code de l'éthique et de la déontologie médicale. Pour lui, il est inadmissible qu'un établissement de santé étranger recrute des patients sur les chaînes de télévision en Algérie alors que cela est interdit pour les cliniques algériennes. «L'Etat est garant de la santé des citoyens. Comment pourrait-il l'être pour des actes chirurgicaux liés à l'esthétique ou autre ? Il s'agit d'actes chirurgicaux médicaux et la responsabilité de celui qui les pratique est engagée à 100%», a-t-il rappelé. Et de signaler que «cela abuse de la bonne foi sous prétexte que l'Algérie n'arrive pas à prendre en charge ses citoyens». Interdiction totale en Tunisie Pour le président de l'Union internationale de médecine esthétique (UIME) et de la Société algérienne de médecine esthétique (SAME), le docteur Mohamed Oughanem, la santé est loin d'être un bien marchand. «De même que le contrat de soins qui est la base de la responsabilité médicale ne peut, en aucun cas, être considéré comme une denrée, une marchandise échangée pour une contrepartie financière», a-t-il souligné en faisant référence au code de déontologie, notamment son article 20 : «La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Tous les procédés directs ou indirects de publicité sont interdits à tout médecin.» «Que cet événement régional puisse servir de déclic afin d'assainir les manquements aux devoirs déontologiques du même type existant sur la scène nationale», souhaite le Dr Oughanem. Tout en se félicitant de la réaction du corps médical tunisien contre ce manquement à l'éthique, le Dr Oughanem estime qu'«il ne s'agit aucunement de bataille d'arrière-garde ou de protectionnisme». Le président de la SAME et de UIME relève que «le médecin algérien est suffisamment formé et expérimenté pour répondre correctement aux attentes et sollicitations de ses patients. La plupart ont complété leurs formations par des stages, DU, DIU à l'étranger. En plus de la certification professionnelle, du suivi post-op, les tarifs pratiqués en Algérie défient toute concurrence». Et de signaler : «Quant à l'appel des sirènes, n'est-il pas plus judicieux d'établir des passerelles et un partenariat bénéfique à la fois pour nos médecins et pour nos patients ? De les faire tous profiter des techniques les plus innovantes là où elles se trouvent.» Ces chaînes de télé n'en sont pas à leur premier acte contrevenant à la déontologie et à l'éthique médicale. L'une d'elles a bien fait la promotion d'un pseudo-inventeur d'un médicament qui guérit le diabète qui a fini par avouer qu'il s'agissait d'un complément alimentaire à base d'huile d'olive…