Rachid Tlemçani. Politologue : « Les scandales sont révélateurs des luttes au pouvoir » « Les scandales révélés dénotent clairement qu'il y a des luttes de clans au sein du pouvoir. Une lutte entre le clan présidentiel et le DRS qui n'ont pas trouvé d'autre issue, d'autre moyen d'expression que le scandale. A mon avis, c'est le DRS qui mène le jeu. Les scandales révélés ne sont pas déconnectés de la réalité sociale qui exerce une pression énorme. Plutôt que d'ouvrir un débat contradictoire et démocratique, on essaie de désamorcer par ricochet, par intermédiaire, de le différer. Ces luttes au pouvoir ne sont pas un leurre pour autant, car elles ont toujours existé. Cependant, il y a des moments où elles crèvent les yeux. » « Le timing est un élément important. Ces affaires ne sont pas aussi déconnectées du bilan présidentiel. La politique menée par le président Bouteflika depuis plus d'une décade s'est soldée par un taux de chômage très élevé, une crise du logement qui persiste malgré les millions de logements construits, la croissance économique n'est pas au rendez-vous et il y a un mouvement social de contestation qui n'a jamais existé dans l'histoire de l'Algérie indépendante. C'est là également une donnée fondamentale. Les classes populaires, le peuple en général, rejettent les élites politiques au pouvoir. » Abdelaziz Rahabi. Diplomate et ancien ministre : « Le système n'est pas près d'admettre sa responsabilité politique dans la corruption » « Les règlements de comptes sont la nature même du système. S'ils sont de nature à aider à engager le débat sur la corruption et sur la responsabilité politique dans la corruption, je m'en félicite. Le fait de sortir massivement ces scandales, de façon simultanée, alors qu'ils couvaient en réalité depuis dix ans, dénote de leur connotation politique. Ce n'est pas une affaire de juges, une affaire ordinaire. Il y a, à mon sens, une volonté de solder tous les comptes. Une chose est sûre : le système n'est pas près d'admettre sa responsabilité politique dans la corruption. Ce qui fait que ces scandales qui mettent en cause le clan présidentiel et ses hommes leur serviront au moins à leur assurer l'impunité après leur départ. On fera certainement des procès retentissants, mais dont l'objectif est de disculper les politiques. En définitive, le politique gardera le monopole de la corruption mais aussi celui de la lutte contre la corruption. » Mohand Issaâd. Juriste, président de la commission de réforme de la justice : « Il y a trop de saletés » « Campagne "mains propres" ? Non… non… je ne le pense pas. Il y a trop de saletés pour penser qu'on puisse les faire partir ainsi d'un simple coup de balai… On ne peut pas faire tout cela d'un seul coup, sans au préalable mettre beaucoup de choses au point. Cela demande une préparation de longue haleine, en admettant qu'il y ait une volonté réelle de faire campagne. Celle-ci, pour l'heure, ne se manifeste pas ; en tout cas, il faudrait attendre. Il n'y a que les journalistes, à mon sens, qui la présentent comme une campagne "mains propres". Quant à l'enjeu, ce ne peut être que le pouvoir. Tous les spécialistes de sciences-po vous le diront. A ce niveau de responsabilité, quand cela touche au plus haut sommet de l'Etat, les luttes de clans n'ont d'enjeu que le pouvoir. »