– Les grenouilles et autres batraciens sont mal connus et peu étudiés chez nous. Est-ce à cause de la phobie qu'ils provoquent ? Non, certainement pas, ce sont des animaux qui passent inaperçus en raison de leur statut de proies de plusieurs prédateurs, mais aussi parce qu'ils ont comme habitat des milieux que l'homme n'affectionne pas forcément, les petites mares, les oueds, les bassins humides. Les études universitaires d'écologie sont actuellement trop orientées sur le laboratoire, de grandes difficultés de financement pour les déplacements sur le terrain limitent les horizons des investigations. Il reste un peu de lest pour les études qui reposent sur des prélèvements d'échantillons avec les moyens des étudiants et de leurs parents. – Avec les données dont nous disposons, a-t-on une idée sur les populations de grenouilles et de leur état ? Les quelques études menées ça et là sur les amphibiens ont montré que c'est l'espèce la plus abondante, mais en même temps la plus exposée aux dangers de diminution des populations. L'abondance de cette espèce est avant tout une réaction naturelle aux pressions de prédation exercées par plusieurs autres animaux (loutre, hérons, cigogne blanche, mangouste, renard, etc.) et aux menaces qui pèsent sur la qualité de son habitat, des menaces naturelles exprimées par l'intensité de la sécheresse, des perturbations climatiques qui déroutent les processus de reproduction et de productivité du milieu en proies nécessaires au grand effort de la reproduction. Les menaces sont aussi anthropiques, puisque les milieux aquatiques sont de plus en plus sujets à des changements tant dans leur disponibilité que dans la qualité des eaux. La majorité des oueds sont déjà à sec au moment de la reproduction des batraciens, de plus quand de l'eau y coule, elle est de qualité répugnante pour tout organisme vivant malgré ses capacités d'adaptation. La grenouille verte d'Afrique du Nord se nourrit essentiellement de larves et d'adultes d'insectes aquatiques, la chimie de l'eau a une grande influence sur ces insectes, allant d'espèces qui vivent dans les eaux douces et claires de montagnes à celles des mares et marais, mais sans jamais atteindre les limites de pollution. – La grenouille africaine, comme beaucoup de batraciens, est en voie de disparition, elle n'est cependant pas portée sur la nouvelle liste des espèces protégées de 2012. Comment l'expliquer ? Le manque d'études de synthèse pour faire le point sur son statut à l'échelle de son aire de répartition algérienne a affecté la décision des instances responsables des démarches de classement des espèces. Actuellement, à l'échelle des structures de recherches scientifiques, très peu de travaux sont engagés au bénéfice des amphibiens et reptiles, en raison d'un manque de visibilité malheureusement découlant de l'ignorance de leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes. Evidemment, le lien est vite établi concernant leur apport à l'économie, mais il y a aussi l'absence d'aide ou assistance aux études qui se déroulent sur le terrain. Les enseignants chercheurs et les étudiants financent toujours leurs déplacements, ce qui rebute plus d'un à aborder l'herpétologie. – La raniculture est l'élevage des grenouilles pour les besoins de la gastronomie certes, mais aussi pour les travaux expérimentaux qui ont malheureusement disparu, peut-on encore l'envisager chez nous ? Certainement pas pour la gastronomie nationale populaire, mais par contre, la production de cuisses de grenouilles en conditions biologiques idéales, sans intervention chimique, peut se placer en alternative réaliste pour l'exportation ou à destination des restaurants de grand standard des chaînes hôtelières présentes en Algérie. Ceci reste à développer en partenariat en tenant compte de cette demande sociale. L'expérience de la production de caviar à base d'œufs d'escargots dans les années 1990 a montré que tout est faisable et porteur d'activité économique à même d'impliquer des jeunes en quête de nouvelles expériences tenant compte de l'écologie du pays.