L'économie algérienne a vécu une situation d'aisance financière exceptionnelle, suivie d'une crise multidimensionnelle. Durant plus d'une décennie, l'Algérie a connu une aisance financière jamais égalée auparavant : un niveau de réserves en devises qui peut couvrir trois années d'importations, une dette extérieure presque nulle, un fort excédent budgétaire, un taux d'épargne qui a atteint jusqu'à 50% du PIB, un taux de thésaurisation de plus de 20% du PIB, une surliquidité au niveau du système bancaire. Autrement dit, des moyens importants pour financer des programmes d'investissement productifs ambitieux. Malheureusement, cette aisance financière était accompagnée par plus de dépendance, plus de vulnérabilité et plus de volatilité ainsi qu'une pénurie de moyens de financement du budget de l'Etat et de l'économie. Le crépuscule de la rente et de la prédation est visible aujourd'hui ! Il est inscrit dans une politique budgétaire très fortement expansionniste et laxiste, au moment même où le pays enregistre une baisse tendancielle de la production et une augmentation notable de la demande nationale en énergie, ce qui débouche sur une forte baisse des exportations d'hydrocarbures. Ces exportations en volume qui ont enregistré une baisse de 25,6% entre 2006 et 2011, ont connu une autre baisse de 10% en 2012 par rapport à 2011 et continuent à baisser jusqu'à ce jour ; malgré l'utilisation très répandue de l'extraction tertiaire assistée, à savoir l'injection d'eau pour faire sortir le pétrole ou le gaz. Le volume des exportations algériennes d'hydrocarbures continuera à baisser du fait de la forte hausse de la consommation interne d'énergie de source fossile, de la baisse de production à cause du départ notable du personnel qualifié de Sonatrach et du moindre intérêt des compagnies étrangères pour l'exploration, la recherche et le développement. Lorsque nous parlons de 286 milliards de dollars d'investissement, nous ne parlons pas d'une épargne réalisée sur des revenus permanents renouvelables à partir de notre travail ou de notre développement technologique, mais d'extraction en quelques années d'un patrimoine non renouvelable que la nature a mis des centaines de millions d'années à constituer. Les réserves de change accumulées et les dépenses budgétaires réalisées sont une dette non remboursable qu'auront à payer les générations de l'après-2020 ! Et ceci, en situation de réserves d'hydrocarbures en voie d'épuisement. Des constructions et des infrastructures sans développement qui vont exiger plus d'exportations de ressources naturelles pour financer leur maintenance et leurs frais d'exploitation. Un budget de fonctionnement appelant à plus d'exportations d'hydrocarbures pour combler un déficit très élevé. D'où un fort besoin d'exportation d'hydrocarbures face à des réserves de plus en plus rares et à une capacité de production en baisse, accompagnée d'une augmentation de la demande nationale en énergie. En ce qui concerne les disponibilités en eau, il faut bien considérer que l'Algérie est classée dans la catégorie des pays à pénurie absolue. En effet, le classement des pays se réfère à la disponibilité de 1000 mètres cubes d'eau par an et par habitant. En deçà de 1000 m3, le pays est en situation de pénurie. L'Algérie a une capacité de 490 mètres cubes par habitant, donc en pénurie absolue. Autrement dit, des ressources limitées, vulnérables et inégalement réparties. Le déficit d'approvisionnement est aggravé par une mauvaise qualité de service et une carence dans la gestion technique des ouvrages. La zone du Tell, qui ne représente que 7% de la superficie du pays, reçoit 90% de l'écoulement des eaux de surface. En ce qui concerne l'eau souterraine, c'est un système qui a fonctionné pendant longtemps par les sources et les foggaras. Depuis un siècle, il y a eu l'apparition des forages, avec leur danger sur l'épuisement. Les réserves aquifères totales du Sud algérien sont estimées à 60 000 milliards de mètres cubes, avec un renouvellement annuel d'un milliard de mètres cubes et une consommation de 2,5 milliards ! C'est donc une eau quasiment non renouvelable et un abaissement continu des niveaux qui se traduit par une dégradation de la qualité et la salinisation de l'eau. Il faut bien noter que ces réserves en eau ne logent pas dans une mer souterraine mais sont constituées de poches. Bien entendu, seules les poches, dans et autour des oasis, sont exploitables. Les autres sont inaccessibles lorsque sous les dunes et les rochers, soit trop couteuses pour les longues distances de transport des eaux. Dans les régions de l'oued R'hir, du Souf et du Djerid, le rabattement du niveau d'eau prévu en 2050 est de 50 mètres. Donc attention à l'injection d'eau dans les gisements de pétrole, à l'eau industrielle, au transfert de l'eau sur de longues distances ainsi qu'à l'exploitation de grandes surfaces pour la production de lait de vaches, par exemple. La production d'un litre de lait de vache nécessite, en Europe, 600 litres d'eau pour la boisson de l'animal, son nettoyage et la production de son alimentation. Aux Etats-Unis, ce chiffre se situe à 1000 litres d'eau. Est-ce raisonnable de gaspiller tant d'eau non renouvelable pour produire du lait dans les régions qui ne sont pas faites pour ce type d'exploitation ? Ne faut-il pas penser sérieusement et raisonnablement à la production de lait de chèvre et de chamelle dans ces régions ? Ne pas oublier que ce type d'exploitation avec un partenariat étranger aggravera la dépendance alimentaire en comparaison avec l'importation de lait en poudre et coûtera plus cher en devises pour le pays ! Alors que l'on s'apprête à concrétiser un partenariat pour l'exploitation de 30 000 hectares dans le Sud pour la production de lait de vache, il est nécessaire de passer par une évaluation très sérieuse des coûts et bénéfices d'un tel projet aussi bien pour la dépendance que pour les coûts et surtout l'environnement ! C'est le moment de s'en inquiéter sérieusement. Quel avenir pour les générations futures ? Quel avenir pour le Sud algérien ?