Aucune production n'a été enregistrée depuis et encore moins commercialisée. Annoncée en grande pompe, la récupération des actifs d'ArcelorMittal en Algérie, transférés au groupe public Imétal, s'est avérée un échec confirmé bien qu'un plan d'investissement de près d'un milliard de dollars ait accompagné cette décision. Une année après, les équipements ne tournent toujours pas et les sidérurgistes sont pratiquement au chômage technique. Plus de 400 d'entre eux se bousculent pour partir à la retraite anticipée. Parallèlement, l'Etat continue à dépenser encore dans un investissement sans lendemain. Pis, le dernier vol d'importants équipements au niveau de l'aciérie à oxygène n°1 impliquera certainement un nouveau retard à ajouter à la série de promesses de redémarrage du haut fourneau, toutes non tenues. Retour sur l'échec d'une stratégie irréfléchie. Détenu auparavant par le groupe ArcelorMittal à hauteur de 49% dans ArcelorMittal Algérie (AMA) et ArcelorMittal Tébessa (AMT), et de 70% dans ArcelorMittal Pipes & Tubes Algérie (Ampta), la totalité du capital de ces trois entreprises est revenue officiellement dans le giron du groupe public algérien Industries métallurgiques et sidérurgiques (Imétal). Mais à quel prix ? En effet, l'accord signé officiellement, en août dernier, entre les deux parties au niveau du ministère de tutelle, ne fait qu'entériner les dix résolutions du Conseil des participation de l'Etat (CPE) validé le 25 juillet dernier. Selon le document portant résolution du CPE, dont El Watan détient une copie, le conseil a décidé, dans sa 7e résolution, «d'accompagner les sociétés reprises (AMA, AMT et Ampta) en attendant la présentation de leurs plans de redressement et de développement actualisés, par des facilités de caisse pour assurer l'exploitation durant les six mois à venir, moyennant présentation des plans de trésorerie de chacune des entités pour cette période à la banque domiciliataire BEA et charge à cet effet cette dernière de la mise en œuvre de cette décision dans les meilleurs délais». Jusqu'à hier, le haut fourneau était à l'arrêt et le complexe n'a rien produit. Pis, la direction générale arrive difficilement à assumer la masse salariale, estimée à 500 millions de dinars. Un gouffre financier creusé par les décisions irréfléchies du ministre de l'Industrie et soutenu, en plein crise économique, par le CPE qui vient encore une fois racler la trésorerie de l'Etat en ordonnant à la BEA d'assister financièrement le complexe El Hadjar jusqu'à début 2017. Le chef du gouvernement semble ignorer que le problème ne réside pas dans les moyens mais dans les ressources humaines. Pour des raisons qu'on ignore, le groupe Imétal, qui a acquis les actions des trois filiales d'ArcelorMittal en Algérie, a toujours été géré, depuis sa création, par des cadres dont la compétence relève exclusivement du bâtiment. A commencer par Boudjemaa Talai, avant qu'il accède au poste de ministre des Transports et des Travaux publics. Sa promotion a permis à Kamel Djoudi de le remplacer. Parti pour engagements non tenus, ce dernier a été remplacé par Ahmed Yazid Touati. Paradoxalement, ces trois PDG du groupe Imétal sont issus de Batimétal avec une méconnaissance flagrante du monde de la sidérurgie. Pour preuve, étayent-ils, depuis le 7 octobre 2015, l'usine n'a réalisé aucune production, encore moins commercialisé un quelconque produit. Parallèlement, l'Etat continue à pomper l'argent du contribuable dans un investissement à l'avenir incertain. «L'Algérie est actuellement en pleine crise financière. Ce qui a été dépensé jusque-là dans le complexe El Hadjar aurait pu créer une autre usine sidérurgique avec les mêmes capacités de production, sinon plus», déplorent plusieurs économistes. Rappelons que lorsque l'Etat algérien a affiché son intention de reprendre le complexe sidérurgique El Hadjar au groupe ArcelorMittal, ce dernier était (en 2012) en discussions avancées pour céder la totalité de ses actions (70%) au profit du groupe algérien privé Cevital et quitter définitivement l'Algérie. En effet, Issad Rebrab, président-directeur général de ce groupe, avait rencontré à deux reprises les experts du groupe ArcelorMittal ; les deux parties étaient sur le point de conclure cette transaction avec tous les aspects techniques et juridiques y afférents. Contacté, M. Rebrab avait confirmé cette information : «Effectivement, j'avais rencontré plusieurs experts du groupe ArcelorMittal en 2012. La première rencontre s'est déroulée au mois de mai 2012 à Londres et la seconde en juillet à Paris. Les négociations étaient très avancées pour que le capital de la filiale algérienne d'ArcelorMittal soit cédé au groupe Cevital. Bien que le complexe tourne avec une main-d'œuvre en sureffectif, je m'étais engagé, en option, à maintenir tout le personnel actuel en créant d'autres activités.» Pourquoi la transaction n'a-t-elle pas abouti ? M. Rebrab expliquait ce blocage par le changement de gouvernement à l'époque. En effet, selon la même source, «cette action avait été entreprise sous l'égide des autorités algériennes et le Forum des chefs d'entreprise (FCE). Outre Ahmed Ouyahia, l'ex-chef de gouvernement, Mohamed Benmeradi, l'ancien ministre de l'Industrie, était très favorable à cette transaction en me proposant la création d'un consortium d'entreprises privées. Cependant, avec le changement de gouvernement, tout a été bloqué». Hélas, depuis, le président du groupe Cevital est allé chercher sous d'autres cieux plus cléments pour investir. Il a annoncé dernièrement la création d'un complexe sidérurgique au Brésil où il a été reçu, pour la circonstance, par le Président qui l'a encouragé à concrétiser son investissement…