Donnant la parole à Khaled Omrani, doctorant à l'université de Montpelliers qui a lancé l'idée concrète de la création d'un atelier itinérant de préservation du patrimoine génétique de la palmeraie locale, le café littéraire a brassé une vingtaine d'intervenants qui ont souligné la nécessité d'une intervention citoyenne urgente pour sauver ce patrimoine jouxtant le ksar de Ouargla dont il fut jadis le poumon. « La déperdition du patrimoine génétique et de la richesse variétale est telle qu'une trentaine de variétés de dattes ont disparu » affirme Khaled Omrani qui ajoute que « la monoculture conduit à la dépendance aux intrants et à l'extinction des variétés à faible valeur marchande ». Or, ajoute t-il, « la solution est justement dans la réhabilitation de ce réservoir génétique qui est la réponse aux changements climatiques à mon avis ». De l'avis de Naceur Lazhar, co-fondateur du café littéraire et agriculteur de père en fils, « Deglet Nour a été imposée comme variété reine par le colonisateur qui désirait en généraliser la commercialisation et le gain, cette politique soutenue par l'Algérie indépendante a fait perdre à Ouargla une trentaine de variétés de dattes alors qu'elle en comptait 84 ». En proie à l'abandon et à l'infestation des phragmites et autres plantes nocives, c'est l'ensemble de l'écosystème oasien qui se perd à Ouargla. Les participants qui comptent rééditer la rencontre en conviant des agriculteurs et des riverains de la palmeraie lors d'un café littéraire en plein cœur de celle-ci au lieu des salons feutrés des intellectuels, en appellent à la bonne volonté du nouveau wali de Ouargla pour réglementer l'abattage des palmiers qui fait des ravages irréversibles. « L'avancée du béton est telle que le couvert végétal constitué de palmiers se réduit en peau de chagrin et menace de faire disparaitre les ilots verts qui permettent à la ville de respirer » crie plutôt que ne dit Hadj Bachir Bouqlal, agriculteur septuagénaire du vieux Ouargla et patrimoine vivant du ksar. Hadi Dadene, ancien président de l'association du ksar éponyme souligne que « la classification du ksar de Ouargla n'a pas inclus la palmeraie, et c'est une erreur qu'il nous incombe de rectifier » a-t-il tenu à souligner ajoutant que « le ministère s'attendait à un dossier bien ficelé incluant l'ancienne palmeraie, mais nous étions si pressés de sauver la vieux bâti que nous en avions retardé la classification ». La déperdition actuelle donne des regrets aux plus coriaces et fait rendre conscience du temps perdu et de l'inefficacité des politiques actuelles en matière de préservation du patrimoine phoenicicole national. De jeunes agronomes présents à la rencontre ont proposé des actions de sensibilisation pour l'ensemble des habitants de Ouargla autour de la thématique du palmier. L'action la plus urgente selon les organisateurs comprend trois volets, à savoir l'inventaire des gestionnaires de forages, des bénéficiaires de l'eau d'irrigation et des propriétaires des jardins. Pour Slimane Hakkoum, historien de la ville de Ouargla, « la sauvegarde de la palmeraie passe par une prise de conscience citoyenne, l'implication des jeunes dans l'action de revalorisation et l'organisation des circuits de commercialisation ». Le Sahara algérien recense quelque 940 variétés de dattes selon l'inventaire effectué dans les années 1990 par le commissariat de développement des régions sahariennes CDARS de Ouargla. L'érosion génétique est une problématique à part entière, pour Lazhar Naceur « nous assistons impuissants à un génocide de la palmeraie depuis 1962 ».