Il s'étend sur 307 hectares, dont 200 ha de forêt boisée. Il comporte un zoo animalier et un parc d'attractions pour adultes et enfants. Il est situé en pleine ville, avec un accès facile à la population de la capitale et sa banlieue… c'est le parc zoologique et de loisirs La Concorde civile de Ben Aknoun. Créé en 1982 et mis sous tutelle du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, il est aujourd'hui dans une situation catastrophique. Des manèges en panne, la forêt délaissée, abritant toute forme de délinquance (drogue et prostitution), conditions de sécurité absentes, manque de commodités, animaux affamés et en un piteux état… La Concorde civile qui était jadis l'endroit idéal de promenade et de détente pendant les week-end et les vacances, est désormais déserté. «A l'abandon. C'est bien dommage… Une aussi belle forêt pleine de détritus, manque d'entretien, absence d'agents de sécurité, défaut de signalisation… Un peu de sérieux ne tue pas ! Ce parc pourrait drainer des foules… Si l'Etat n'a pas l'intention de bien le prendre en charge, il vaut mieux le privatiser, il serait mieux exploité», se désole Brahim, un visiteur qui n'a pas l'intention de revenir au parc tant que sa situation reste inchangée. Sur le site web américain Tripadvisor, chargé d'offrir des avis et des conseils touristiques émanant de consommateurs sur des hôtels, restaurants, villes et régions, lieux de loisirs, etc., au niveau international, les avis ne sont pas, non plus, très encourageants et les titres sont alarmants. Hakim ne conseille surtout pas aux gens de s'y rendre. Il affirme : «Le parc zoologique est un endroit peu sécurisé et n'offre rien à découvrir, les animaux sont dans un piteux état, les services médiocres ou inexistants, difficultés d'accès et jeux hors d'usage.» Cimetière d'animaux Nora appelle les âmes sensibles à s'abstenir : «Très grand espace, mal géré, très mal exploité, les animaux sont dans un état lamentable, ils font pitié à voir, j'ai de la peine pour ces malheureuses bêtes.» Tarik va plus loin et le qualifie de cimetière d'animaux. Il témoigne : «C'est tout, sauf un zoo ! Vraiment horrible et c'est dommage ! Car vu sa superficie, là où il est situé et sa richesse biologique… ce parc a tout pour réussir, mais le résultat n'est pas au rendez-vous.» Djamel Chorfi, architecte : «Ce parc est loin d'être d'utilité publique, mais c'est une utilité de certains groupes… Face à cette abondance et à ce délaissement, il est devenu un endroit de prostitution, de drogue, de consommation d'alcool… Les familles ne peuvent plus y mettre les pieds, le jour comme la nuit.» Pour lui, cette situation n'est pas une question de mauvaise gestion ou de management en matière de rentabilité économique, c'est surtout le manque de «savoir-faire» que l'Etat n'a pas. C'est aussi le fait de ne pas donner à ce secteur l'importance qu'il mérite. «Si on se compare à nos voisins marocains et tunisiens question gestion des espaces verts, on les trouvera loin devant nous», lance-t-il. Et d'ajouter : «On a beaucoup d'espaces verts à Alger qu'il faut à tout prix réhabiliter et exploiter pour en faire un investissement et créer des emplois. Malheureusement, le gouvernement ne comprend pas cela et ne pense même pas à privatiser ce secteur, ou au moins à chercher des coopérations qui donneront de meilleurs résultats.» Selon l'architecte, «ce qu'il faut, c'est bien aménager et réhabiliter ce site plus ou moins aux normes internationales sans pour autant toucher à ses espèces d'arbres. Dans ce bois abandonné, on aurait dû faire des pistes de sport familial par exemple, car il n'y en a pas beaucoup à Alger. Le dédier à d'autres activités de divertissement, le doter de quelques équipements de première nécessité et de proximité tels des petits restaurants et cafés, des vestiaires publics, aires de stationnements sécurisés et aussi sécuriser les lieux…» Rêve En 2013, le Bureau national d'études pour le développement rural (Bneder) a été chargé dans le cadre d'un contrat pour le compte de la Conservation des forêts de la wilaya d'Alger, de l'élaboration de «l'Etude de faisabilité technique du projet de réhabilitation (réaménagement et développement) de la forêt récréative de Ben Aknoun (wilaya d'Alger)» ou parc zoologique et des loisirs La Concorde civile. But du contrat : «Avoir un parc digne des grandes capitales et villes à travers le monde», affirme Aboud Salah-Bey, directeur général du Bneder. En arrivant sur les lieux, le Bneder a été interpelé par «la situation financière alarmante de l'établissement qui gère le parc, le niveau de créances pénalisant, le manque de personnel qualifié, l'instabilité des staffs dirigeants, la difficulté de mobiliser des ressources hydriques, le manque d'espaces verts de détente aménagés, la vétusté des équipements d'attraction et des infrastructures telles que les commerces, les plateformes, le téléphérique et le train qui sont à l'arrêt, l'inexistence de voirie et réseaux divers, l'absence de sécurité des clients et même des travailleurs, et la liste est longue», souligne le directeur du Bneder. Six mois, après, une étude complète et finalisée a été présentée au ministère de l'Agriculture et validée par les quatre ministres qui s'y sont succédé jusqu'ici. «Abdelwahab Nouri, le 29 novembre 2014, qui a validé le projet et a même demandé au Bneder d'intégrer les forêts de Baïnem et de Bouchaoui. Abdelkader Kadi, le 2 juin 2015, a également agréé le travail réalisé, ensuite Sid-Ahmed Ferroukhi, en octobre de la même année et enfin Abdeslem Chelghoum, tout récemment, qui a également validé l'étude tout en donnant quelques nouvelles orientations, comme la création d'un parc aquatique ou l'ouverture vers le partenariat avec le secteur privé.» Un projet dont la concrétisation est évaluée à 24 milliards de dinars. Un chiffre qui pourrait être revu à la baisse à cause de l'austérité dont souffre le pays. «Aujourd'hui, avec les restrictions budgétaires et les difficultés financières, il y a lieu de prioriser les investissements, de recadrer le projet dans sa globalité et de trouver d'autres sources de financement que celles du Trésor public. Telles ont été les orientations et instructions données par Chelghoum Abdeslem pour avancer dans la mise en œuvre de ce projet stratégique et de grand intérêt. En outre, il a insisté sur la ressource humaine qui doit être formée et préparée à s'impliquer dans un projet d'une telle envergure», explique Aboud Salah-Bey. Nouveautés Qu'est-ce qui va changer ? Si l'étude est concrétisée, plusieurs changements et révisions sont au menu ! Premièrement, l'espace forestier couvrant 200 ha, un patrimoine préservé, interdit de toute construction ou agression de quelque nature, sera valorisé à travers des équipements adaptés, légers, naturels (bois par exemple) et des aménagements appropriés pour en faire un espace de détente, de randonnée, de pique-nique, d'activités ludiques, écologiques et de jeux pour les enfants comme les accrobranches et autres. Quant à l'unité d'attractions, 70 ha lui sont réservés. Sa réhabilitation préconise un partenariat avec une firme spécialisée à l'échelle internationale, pour le remplacement des équipements existants par des manèges plus modernes et répondant aux normes, aux goûts et aux sensations des Algériens de tout âge. Ce n'est pas tout ! L'étude du Bneder nous réserve encore des nouveautés, «comme les expositions sur l'histoire, le patrimoine ainsi que l'éventuelle réhabilitation du barrage et la création d'un plan d'eau, l'auditorium, la plateforme agricole qui servira pour les grandes expositions conçue en structure légère et modulable, des studios télé, de nouveaux parkings et aménagements permettant une valorisation des différents espaces. Sans oublier la réhabilitation du train et du circuit existant et du téléphérique qui serviront également aux déplacements des visiteurs», poursuit Aboud Salah-Bey. Cependant, si le côté technique et de recherche est fait, les travaux sur le terrain n'ont pas encore été lancés. «L'intervention du Bneder s'est limitée à l'étude de faisabilité qui, à mon avis, a arrêté les grandes lignes et options à donner à ce projet. Les faire valider par les pouvoirs publics, avant d'entamer la deuxième phase, à savoir l'élaboration des cahiers des charges pour les études d'exécution. Il faut donc se rapprocher de la direction générale du parc pour en savoir davantage sur l'état d'avancement des différents dossiers de ce projet», affirme-t-il. Nous ne disposons pas de plus de détails relatifs à la phase de l'exécution de l'étude, prise en charge par le ministère de l'Agriculture qui communiquera plus d'informations en temps opportun. Disneyland Economiquement parlant, selon nos interlocuteurs, la rénovation du parc zoologique et de loisirs est un investissement qui générera des bénéfices pour l'économie nationale. L'architecte Djamel Chorfi cite l'exemple de DisneyLand Paris : «C'est un investissement qui peut générer un retour énorme au bout de cinq ou six mois. Sa modification et sa réhabilitation pourront faire de ce poumon vert un endroit bien plus rentable que le pétrole, comme c'est le cas de DisneyLand Paris ou de Carthage Land à Tunis. Par exemple, DisneyLand génère 8 à 10 millions d'euros de bénéfice par an.» Pour sa part, Aboud Salah-Bey estime que la configuration initiale de l'étude permettra de créer environ 2000 emplois. Pour lui, dans un pays où l'économie est en pleine émergence, le développement d'un parc de détente et de loisirs est primordial. «Cela représente même un enjeu stratégique, non seulement du point de vue social et économique, mais aussi cela donnerait à notre capitale l'image d'une ville moderne. A l'instar des grandes métropoles du monde telles que Paris, Londres, Séoul et autres, notre capitale mérite d'avoir un lieu de loisirs à la hauteur des exigences de la population algérienne.» Et de préciser : «C'est dans cette vision que ce projet de réhabilitation a été entrepris. Sa rénovation générera certainement des dividendes sur le double plan de la rentabilité et de l'activité ludique, sportive et culturelle. L'affluence mesurée durant le premier semestre 2014 était de près de 400 000 visiteurs, celle projetée pourrait atteindre des pics de 50 000 visiteurs/jour avec un potentiel local de 5 millions d'habitants et 17 millions dans un rayon de 400 km.»