De son vivant, H'Mimed avait fait des confidences au moudjahid Hadj Mohamed Oulhandi et auprès de Abdelkader Oulhandi, le fils de son ami tombé au champ d'honneur en 1958, pour qu'il soit enterré avec les 08 martyrs au milieu des djebels de Menaceur, au pied du « Pic ». En dépit des difficultés d'accès et l'adversité du relief, sa tombe avait été creusée à côté de celle du chahid Oulhandi Abdelkader. Le vœu avait été très bien gardé dans le secret jusqu'à l'annonce de sa mort. Sa volonté avait été respectée. C'était un engagement des authentiques moudjahidines durant les difficiles moments de la guerre de libération nationale. Même morts, les responsables locaux de l'ALN, baroudeurs qui n'avaient jamais étaient sous les lumières des projecteurs, voulaient demeurer ensemble pour l'éternité. Ghebalou H'Mimed ne voulait pas détenir la carte d'adhérent à l'ONM (organisation nationale des moudjahidines), « car me disait-il, il y a beaucoup de choses à dire sur certaines personnes qui avaient adhéré à cette organisation, notamment de la présence en son sein des individus qui n'avaient rien à voire avec la Révolution ». Ghebalou H'Mimed vivait d'une retraite de sa qualité d'officier supérieur de l'ANP. Le lieutenant-colonel Ghebalou H'Mimed avait démissionné de son poste vers la fin des années 80. Une précision de taille, le capitaine Ghebalou H'Mimed avait été promu au grade de Commandant de l'ALN en 1961, par l'Etat Major ALN/FLN du CNRA. Après l'Indépendance du pays, il est devenu invisible, pour ne pas dévier ses convictions de patriote algérien dans l'âme. Le valeureux H'Mimed n'a jamais perçu sa pension de moudjahid. Il n'a jamais révélé cet acte de solidarité de grande portée de sa part à ses proches. « Nous ne sommes rien me disait-il par rapport aux hommes et aux femmes qui avaient sacrifié leur vies, leurs familles et leurs biens pour l'Indépendance de notre pays, rappelles-toi que notre terre est irriguée par leur sang et nous ne devons pas trahir leurs serments », m'explique-t-il. Il était humble. Sa simplicité dans la vie était débordante. L'ADN du sacrifice pour sa patrie, l'Algérie, ne s'est jamais détachée de sa personne jusqu'à son dernier soupir. Mon dernier regard sur son visage avait eu lieu à la morgue de l'EPH de Sidi-Ghilès, la veille de son enterrement. Incroyable, même mort, le visage de H'Mimed dégageait une incroyable sérénité. Avait-il hâte de retrouver ses compagnons tombés au champ d'honneur, oubliés par les vivants ? Depuis son jeune âge, H'Mimed, l'ancien médersien, s'illustrait par sa bonne éducation, son exemplarité, son intelligence. Son militantisme pour la cause nationale avait été entamé vers le début des années 50, alors qu'il était adolescent. Le jeune lycéen faisait partie du groupe restreint qui avait été réparti au sein de 05 cellules clandestines à Alger. Le moudjahid Gaid Tahar était le coordinateur des 05 cellules de jeunes, dans lesquelles figurait le très actif Amara Rachid. Ces cellules clandestines constituées de jeunes lycéens et lycéennes est une création de l'architecte de la Révolution, Abane Ramdane. La présence des groupes mixtes de jeunes lycéens donnait non seulement une fraîcheur au maquis, mais surtout une autre dimension, celle de la présence et de l'adhésion des jeunes intellectuels algériens issus des différents régions du pays aux cotés de leurs aînés dans les djebels, pour combattre le colonialisme français et participer à la libération de leurs pays, malgré les difficiles conditions de vie et la spirale de la mort imposée par les éléments de la sécurité de la France coloniale. H'Mimed Ghebalou gardait des souvenirs vivaces en lien avec la période qui avait précédé leur départ vers les maquis de Hammam Melouane (Blida). « Je suis vraiment surpris par certains détails qui m'échappent et que H'Mimed vient de relater dans son intervention « , me confiait Gaid Tahar, présent lors de la conférence organisée au complexe de l'ONCI de Chenoua (Tipasa). La conférence sur la journée du 19 mai 1956 s'est déroulée donc en présence de 02 personnes qui faisaient partie des cellules clandestines. Les faits rappelés par les 02 conférenciers étaient authentiques. L'assistance avait découvert qu'un enseignant français qui affichait un air d'animosité envers ses élèves algériens était en réalité un sympathisant de la Révolution et qu'il travaillait avec Abane Ramdane. Quand H'Mimed Ghebalou, Amara Rachid, Boudissa Hacène et Saci Boulefâa avaient été désignés pour rejoindre un refuge à Alger avant de regagner le maquis de la wilaya IV, c'est Mr. Malan l'enseignant français qui leurs ouvre la porte de son appartement. Les jeunes lycéens sont choqués par la surprise Ils ignoraient que leur enseignant est un sympathisant de la Révolution algérienne. Sur le coup, ils ne croyaient pas leurs yeux. Ils avaient pris une douche. Après avoir transité par la maison de l'enseignant français, Amara Rachid l'un des jeunes militants proches de Abane Ramdane entraine ses 03 camarades vers un second refuge appartenant à l'autre sympathisant de la cause nationale, le français Pierre Coudre. Après quelques moments de répit, Abane Ramdane rejoint le quatuor qui s'étaient refugiés chez Pierre Coudre. L'organisation du départ clandestin vers le maquis est magnifiquement peaufinée. Abane Ramdane avait chargé son chauffeur de transporter les 04 jeunes vers le maquis. Quant aux autres, les jeunes filles, Benmihoub Meriem, Bâaziz Houria et Fadhéla Mesli, elles étaient arrivées courageusement à rejoindre les maquis de la région de Blida aux cotés de H'Mimed Ghebalou et ses compagnons. En ce qui concerne Zoulikha Bekkadour et Touati Ahmed, ils avaient été affectés pour l'Oranie. Pour le groupe des jeunes qui devait rejoindre la région de la Kabylie, il était constitué d'Omar Aouchiche, Lamraoui Ali, Mâabout Hocine, Lamraoui Mahmoud et Lounici. Le jeune Saber Mustapha était parti seul pour la wilaya 06, le sud du pays. Après avoir embarqué dans le véhicule, le chauffeur de Abane Ramdane met en garde les 04 jeunes médersiens (Amara Rachid, Ghebalou H'Mimed, Saci Boulefâa et Boudissa Hacène, ndlr) qu'ils courent un gros risque. « Si les militaires me font signe de m'arrêter dans un barrage fixe au cours de notre mission nous avoue le chauffeur, je continuerai à rouler et vous prenez vos dispositions s'ils tirent sur notre voiture, il faut que vous le sachiez nous disait-t-il, bien sûr que nous autres ne pouvions rien faire et savions que nous allons affronter la mort, auparavant nous avions fait nos ablutions dans le logement du français, donc nous avons accepter l'issue de nos sorts, finalement nous avons échappé au scénario et avons pu rejoindre le maquis », se rappelle H'Mimed. L'accueil avait été extraordinaire. Les chefs politico-militaires de l'ALN, Sadek Dehiles, Amar Ouamrane et Benyoucef Kritli étaient ravis par la présence des jeunes lycéens dans les maquis, bien avant l‘appel du 19 mai 1956. Ces officiers supérieurs de l'ALN installés dans leur Q.G au niveau des monts de l'Atlas blidéen chargèrent le jeune Ghebalou H'Mimed et son compagnon Noufi Ahmed connu sous le nom de Abdelhak, de l'organisation des maquis de l'Ouest de la wilaya. Plus tard, Ghebalou H'Mimed rencontrait les militants partis de l'Oranie dans les montagnes situées entre les communes de Gouraya et de Beni-Mileuk. La mission des émissaires du centre et de l'Ouest était similaire. Il s'agissait de terminer le maillage de tous les maquis du centre jusqu'à l'ouest, afin d'achever l'organisation des maquis. Cela s'était passé avant la tenue du Congrès de la Soummam. Après le Congrès de la Soummam, Si M'hamed Bouguerra et le Commandant Zâamoum Salah étaient venus vérifier et s'enquérir de l'état des lieux, malgré les denses opérations militaires qui se déroulaient en face d'eux. Les 02 responsables de l'ALN avaient tenu à continuer leur mission. L'officier Ghebalou H'Mimed avait été chargé de présenter le découpage de la région 02 qui avait à sa tête le nommé Slimane de Mouzaia, y compris les noms des nouveaux responsable des structures. La région 2 s'étend des gorges de la Chiffa jusqu'à Damous. La zone 02 de la région 02 de la wilaya IV avait à sa tête les jeunes lycéens , en l'occurrence Ghebalou Ahmed de Cherchell et Boudissa Hacène de Médéa. Ghebalou H'Mimed avait désigné Yamina Oudaï en qualité de Chef politico-militaire au début du mois de janvier 1957, à la tête du secteur allant de Menaceur jusqu'à Hadjret-Ennous. Cette décision avait eu lieu selon ses propos au niveau de la zone Djouamâa, à proximité du Pic de Menaceur, alors que les bombardements de l'armée coloniale était concentrés autour du café de Guemara Mouloud. Ghebalou H'Mimed avait fait partie du Commando Djamel. Il avait participé à des réunions aux cotés des responsables de la wilaya IV. Il admirait Si M'hamed Bouguerra notamment. « Il faut que tu écrives sur la création des écoles dans maquis de la wilaya IV initiée par Si M'hamed Bouguerra me disait-il, il fallait voire Si M'hamed Bouguerra ,même étant Commandant de l'ALN, en pantalon militaire et en tricot blanc (sous-vêtement, ndlr) , faire des exercices physiques dans les maquis avec des gamins me précise-t-il, il avait ordonné aux familles d' envoyer leurs enfants vers les écoles coraniques les plus proches qui dépendaient des zaouïas, en leur interdisant de faire accompagner les bêtes par leurs enfants, des bergers illettrés , Si M'hamed insistait sur l'éducation et l'enseignement des enfants, voyez-vous le génie de cet homme exceptionnel », m'explique-t-il. Durant son parcours, Ghebalou H'Mimed avait été blessé gravement. Il était arrivé à s'échapper des mains des militaires français. Les éclats des balles sont restés dans son corps (tête, bras, bassin, ndlr) jusqu'à sa mort. Le haut commandement de l'ALN/FLN avait alors établi des faux documents au profit de ce lycéen dévoué pour son pays. « Abou Firas Ghebalou H'Mimed, nationalité marocaine, né le 16 mai 1942 à Fès (Maroc), étudiant, résident à Fès, au n° 51 de la rue Maurial », telles étaient les mentions portées sur son passeport de l'Empire Chérifien indiquant le numéro 1453 . Ce faux document avait été délivré par l'Etat major du commandement de l'ALN , afin de permettre au jeune officier de l'ALN , Ghebalou H'Mimed, blessé dans les maquis algériens, de s'établir au Maroc. En 1959, Ghebalou H'Mimed décroche son baccalauréat en série mathématique. Il entame ses études en mathématique à l'Université de Rabat avant d'abandonner, pour partir vers la Syrie via une escale en Espagne, afin de poursuivre ses études universitaires, mais cette fois-ci en médecine. Les déplacements et les études étaient à la charge de l'Etat major. Après l'Indépendance, Ghebalou H'Mimed est demeuré officier de l'ANP. Le grade de Sous-lieutenant lui avait été attribué jusqu'à 1965, alors qu'il avait le grade de capitaine de l'ALN et promu au grade de Commandant en 1961. Il avait été affecté par l'institution militaire pour une année en France jusqu'en 1966 afin d'étudier à Saumur (France), avant d'être envoyer en URSS de 1966 jusqu'à 1969 pour achever ses études de doctorat. Il occupe le poste de Directeur de la recherche scientifique, après Directeur Général de l'ONEX pour ensuite être affecté au Secrétariat Général du Ministère de la Défense Nationale, en sa qualité d'officier supérieur (lieutenant -colonel) avant de partir en retraite en 1989. Ghebalou H'Mimed avait répondu aux sollicitations lorsqu'il s'agit d'animer des conférences sur l'Histoire de l'Algérie à Cherchell, à Tipasa et ailleurs. Ghebalou H'Mimed avait évoqué la date historique du 19 mai 1956 au niveau du centre universitaire de Tipasa. L'évènement s'est déroulé sans la sonorisation dans un amphithéâtre plein à craquer. Au fil des minutes le brouhaha a subitement disparu pour laisser place au calme. Ghebalou H'Mimed a su parler dans une ambiance marquée par un silence religieux. Les étudiantes, les étudiants et leurs enseignants n'étaient pas habitués à un langage direct et franc, de surcroit de la part d'un authentique acteur. « Mais d'où as-tu sorti un patriote et moudjahid pareil », me disait le Secrétaire Général de la wilaya de Tipasa, à l'issue de la conférence. Agréablement très marqué, Ghebalou H'Mimed était aux anges face aux étudiants après son intervention, d'autant plus que la directrice du centre universitaire de Tipasa lui avait offert un bouquet de fleurs en guise de remerciement. Il tenait à parler durant les mois qui avait précédé sa mort, des faits glorieux de sa région, des sacrifices des femmes et des hommes. « Je veux que tu parles de la martyr Yamina Oudaï, de son audace, de son esprit d'initiative, de son amour pour la patrie, de sa prédisposition pour se sacrifier, de son courage, de son sens inné dans l'organisation, de sa détermination, de son abnégation, de son intelligence insiste-t-il, oui elle avait personnifié ses qualités à travers ses actes », me disait-il. Ghebalou H'Mimed n'arrivait jamais à retenir ses larmes quand il parlait de ses compagnons martyrs de la guerre de libération nationale. Quelques « tronçons de son parcours » d'une durée de huit décennies ne sont pas dévoilés. Il est parti en emportant avec lui ses secrets. Son désir d'être enterré le plus loin possible, au milieu d'une zone montagneuse enclavée, autrefois le théâtre des actions héroïques de ses compatriotes contre l'occupant français , dénote le caractère de l'homme, H'Mimed Ghebalou, l'ex Abou Firas le marocain. L'absence de certaines « personnalités » lors de son enterrement avait suscité des commentaires.