Une étude politico-juridique réalisée par le secrétariat national du parti a été remise aux membres du comité central réunis hier à Zéralda. Le document, dont nous avons obtenu une copie, indique que «le nouveau cadre électoral institué par les deux lois organiques adoptées par le Parlement (la loi organique n°16-10 du 25 août 2016 relative au régime électoral et la loi organique n°16-11 du 25 août 2016 relative à la Haute instance indépendante de surveillance des élections) constitue une véritable régression par rapport au régime antérieur». «Destiné à entretenir la domination des clientèles du régime politique en place, le nouveau cadre électoral empêche, par la même, l'avènement d'institutions légitimes et représentatives que suppose l'existence d'un Etat de droit», souligne le document, qui soutient que «des conditions drastiques pour la présentation de listes électorales sont imposées aux partis politiques d'opposition soumis à l'obligation de réunir des signatures à l'appui de leurs candidatures, alors que ces partis ont été victimes de la fraude aux précédents scrutins pris comme référence». Selon la même source, «le projet de loi organique relatif à la haute instance indépendante de surveillance des élections a été préparé dans l'opacité la plus totale, sans consultation et dans l'ignorance absolue de la revendication de l'opposition relative à la création d'une commission électorale indépendante». Le secrétariat national du parti de Ali Benflis rappelle d'ailleurs la revendication de l'opposition qui avait proposé «la négociation d'une transition démocratique dont la première étape serait l'expression de la souveraineté populaire sous la supervision d'une commission indépendante dotée de prérogatives d'organisation, de supervision, de contrôle et de surveillance de toutes les étapes du processus électoral, de l'établissement des listes électorales jusqu'à la proclamation des résultats». Un tel mécanisme a été adopté dans la quasi-totalité des pays qui ont connu des transitions démocratiques — c'est le cas de pays dans notre voisinage — précise l'étude de Talaie El Houriyet, qui affirme que «le nouveau dispositif de ‘surveillance' des élections est un recul important dans la mesure où les partis politiques et les représentants des candidats ne sont plus représentés dans le mécanisme de surveillance». Décortiquant le nouveau régime électoral, l'expertise présentée par le parti de Ali Benflis indique que la «haute instance» est composée pour moitié de magistrats ( donc de fonctionnaires) proposés par le Conseil supérieur de la magistrature, et pour moitié de «compétences nationales», personnalités choisies parmi la société civile (organisations et associations qui gravitent autour du pouvoir et émargent au registre de la rente), par un comité ad-hoc présidé par le président du Conseil national économique et social (CNES). «Elle ne présente aucune garantie d'indépendance», tranche le secrétariat national de Talaie El Houriyet, qui met aussi en cause le mode de nomination. «Tous les membres de cette ‘haute instance' sont nommés par le président de la République, y compris son président. Et ce dernier est choisi parmi les personnalités nationales (au sein de la clientèle du pouvoir, c'est le cas pour toutes les institutions dites indépendantes), et nommé après consultation des partis politiques», relève l'étude en question, qui passe aussi au crible les attributions de la Haute instance de surveillance des élections. Cette dernière «est censée surveiller le processus électoral de l'établissement des listes électorales jusqu'à la proclamation des résultats provisoires, mais dans les faits, elle est chargée de veiller à la conformité des actes électoraux de l'administration à la loi organique relative au régime électoral qui, elle-même, verrouille le système électoral». «Sa mission, estime le secrétariat de Talaie El Houriyet, se limitera à l'accompagnement de l'administration qui est chargée de l'organisation des élections.» «C'est une simple mission de surveillance, a posteriori, sans moyen pour prévenir ou redresser les dérapages», tranche-t-il. Pour le parti de Ali Benflis, «l'appareil politico-administratif exerce une mission sans partage dans l'organisation, la supervision et le contrôle du processus électoral». Selon lui, «le wali, qui voit ses prérogatives renforcées, devient l'élément-clé du processus électoral ; le ministre de l'Intérieur par sa mainmise sur l'appareil administratif et celui de la Justice par son pouvoir de nomination des magistrats au sein des commissions électorales de wilaya balisent le processus électoral». La même source affirme par ailleurs que «l'instance n'a nullement les moyens de faire respecter la législation électorale tout au long du scrutin». Entre autres raisons, «le déploiement des membres de l'instance au niveau des wilayas (huit membres par wilaya) pour constituer des permanences sera inefficace car insuffisant sur le plan humain». Le document remis aux membres du comité central de Talaie El Houriyet fait également remarquer que «des officiers publics sont appelés à assister les permanences de la ‘haute instance' et les conditions et modalités de leur choix sont fixées par un texte réglementaire, non encore publié à ce jour au Journal officiel. Ils seront certainement désignés par leur tutelle administrative, le ministère de la Justice». L'étude présentée par le secrétariat national précise que «ces officiers publics vont noyer les permanences de la ‘haute instance' et se substituer à ses membres, car le mécanisme de ‘surveillance' ne dispose pas, par ailleurs, de démembrements au niveau des communes pour assumer ses missions». Tout au plus, soutient la même source, la «haute instance» pourra signaler dans son rapport, pour la forme, les dépassements les plus évidents, comme l'ont fait les commissions de supervision et de surveillance lors des scrutins de 2012 et 2014, tout en laissant le soin aux autorités de considérer que «ces dépassements n'étaient pas de nature à influer sur les résultats proclamés».