La direction du Front Polisario a choisi Bir Lahlou, territoire sahraoui libéré, pour célébrer l'an 34 de la proclamation de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Un choix chargé de symboles, car ce territoire libéré du Sahara occidental a abrité, il y a 34 ans, la naissance de cette République. Le discours du dirigeant historique du Front Polisario, Mustapha El Wali Essayed, proclamant la naissance de la RASD, raisonne encore dans les oreilles de l'ancienne garde du Front. Bir Lahlou De notre envoyé spécial C'est sur cette terre libre, qui abrite la 5e Région militaire de l'Armée populaire sahraouie, que le Premier ministre sahraoui, Abdelkader Taleb Omar a appelé l'Union européenne à ne pas accorder au Maroc un statut avancé, car, a-t-il déclaré, « le Maroc est un pays colonisateur qui viole massivement et de manière continuelle les droits de l'homme sur un territoire qu'il occupe depuis 1975 ». Le chef de l'Exécutif sahraoui a exigé également de l'Union européenne d'annuler tous les accords portant sur « l'exploitation illégale des richesses du Sahara occidental. L'Union européenne ne doit pas accepter de signer des accords avec une force d'occupation, sinon elle se rendrait complice ». Dans le même sens, le responsable sahraoui, lors d'un discours qu'il a prononcé samedi à Bir Lahlou, a rappelé à l'Espagne sa responsabilité historique et administrative dans le processus de décolonisation du Sahara occidental. « L'Espagne, qui préside actuellement l'Union européenne et en tant qu'ancienne force d'occupation, doit assumer ses responsabilités historiques dans le règlement du conflit. » Abdelkader Taleb Omar, en évoquant les principales étapes du combat héroïque du peuple sahraoui pour son indépendance, en commençant par la lutte armée jusqu'au cessez-le-feu en 1991, a réaffirmé l'attachement du Front Polisario au processus de négociations avec le gouvernement marocain sous l'égide des Nations unies. « Malgré l'entêtement du Maroc et son non-respect de la légalité internationale, nous demeurons attachés au processus du règlement du conflit par la négociation. Le droit international est du côté du peuple sahraoui, les différentes résolutions du Conseil de sécurité sont claires à ce sujet, il reste à la communauté internationale de faire appliquer ces résolutions et de ramener le Maroc à la raison. » Mais le Front Polisario va-t-il attendre éternellement ? D'autant plus que « le Maroc fait preuve d'un aveuglement dans la répression de l'Intifada pacifique dans les territoires occupés », ont déclaré les militants sahraouis des droits de l'homme qui ont tenu à participer à la célébration de la proclamation de la RASD dans le territoire libéré de Bir Lahlou. Pour les Sahraouis, la continuité du combat pacifique ne signifie pas l'abandon de la lutte armée. « Nous sommes prêts à reprendre les armes à n'importe quel moment mais nous favorisons la négociation. Cependant, les autres parties, le Maroc et la communauté internationale doivent faire preuve d'une bonne volonté dans le règlement du conflit sinon les armes vont parler », a jugé le ministre de la Défense sahraoui, Mohamed Lamine Bouhali. Par ailleurs, le Premier ministre sahraoui, Abdelkader Taleb Omar, espère que la prochaine réunion du Conseil de sécurité qui se tiendra au mois d'avril prochain, dotera la Munorso d'un mécanisme de protection des droits de l'homme dans les territoires occupés. Les populations sahraouies dans ces territoires « sont soumises à une répression féroce des forces d'occupation marocaines », a dénoncé l'activiste sahraoui, Ennaâma Asfari. L'Afrique et l'Amérique latine plus que jamais solidaires Les Sahraouis n'étaient pas seuls à vivre un des moments forts dans l'histoire de leur lutte. La solidarité internationale a été au rendez-vous. Malgré la difficulté du trajet menant jusqu'à Bir Lahlou, d'importantes délégations étrangères ont fait le déplacement pour exprimer leur solidarité entière au peuple sahraoui. Parmi elles, l'ambassadeur de Cuba à Alger, Eumelio Caballero Redriguez, et celui du Venezuela, Michel Mujica. L'Afrique combattante n'a pas raté ce rendez-vous. A commencer par le pays de Mandela. En plus du chargé d'affaires de l'ambassade de l'Afrique de Sud à Alger, une forte délégation venue de Pretoria, composée des responsables de l'ANC, du Parti communiste et des représentants des syndicats. La délégation de Nigeria, elle aussi, a marqué fortement sa présence. Il y avait le président de la commission de travail au Parlement nigérian, des universitaires, des représentants du mouvement ouvrier et d'étudiants. D'autres pays africains connus pour leur combat libérateur, tels que le Mozambique, le Ghana, l'Angola, la Guinée-Bissau étaient là. L'Algérie été représentée par le Comité national de solidarité avec le peuple sahraoui. Cette terre sahraouie a donné un visage de solidarité latino-africaine retrouvée. Ils sont venus apporter leur solidarité au peuple sahraoui, le dernier du continent à vivre encore sous occupation. Ils se sont tous succédé à la tribune de Bir Lahlou pour saluer la lutte de tout un peuple et l'assurer de leur solidarité agissante. Les messages africain et latino-américain ont été très forts, comme l'a résumé le représentant de l'ANC, en paraphrasant le leader historique africain Nkrumah : « Les Africains ne connaîtront pas la paix et le repos tant qu'il y a un peuple africain sous le joug de la colonisation. » Il faut rappeler que la RASD est membre de l'Union africaine et jouit d'une reconnaissance de plus de 80 nations à travers le monde. En somme, les Sahraouis ont vécu à Bir Lahlou, l'espace d'une soirée, un moment de paix et de fraternité et ce, malgré leurs terribles souffrances. Les quatre officiers de la Munorso, qui étaient sur place pour « contrôler » le déroulement de la célébration de l'évènement ont dû constater cette ambiance pleine d'espoir et de paix. Mais il reste que cette fraternité ne sera pas complète tant que le peuple sahraoui est privé de son indépendance. Le vent de la liberté soufflera bientôt sur l'océan.