Le splendide Palais 23, en dépit de ses deux niveaux et ses dépendances, s'est avéré très exigu en rapport à la très nombreuse assistance présente sur les lieux de l'événement dès la première heure de l'après-midi. C'est dans une exceptionnelle ambiance de retrouvailles, de convivialité et de raffinement d'élégante bienséance et également dans l'émotion d'un pèlerinage à la pensée d'un cher et riche passé, celui incrusté indélébilement de la symbolique d'Alger et de sa proverbiale légende de culture, d'esthétique, d'art et de beauté, que le docteur Ahmed Grigahcene, astrophysicien au Craag de Bouzaréah, doublé d'un homme de vaste culture, a projeté un documentaire didactique centré sur l'itinéraire fécond du Cheikh Baba Ameur. Cette rétrospective de communication visuelle a, de par l'élaboration de ses séquences illustratives, captivé l'ensemble de l'assistance qui a pu ainsi découvrir la fabuleuse dimension de savoir, de culture, de foi et d'humanisme d'universalité de ce repère de grande popularité d'Alger, malheureusement enseveli par le syndrome hideux de l'oubli et tristement devenu ainsi un illustre inconnu de la jeunesse algéroise. La démarche pédagogique a ainsi permis de revisiter le parcours instructif et laborieux du prodigieux aâ'limné le 5 août 1883 à Blida et issu d'une famille de lettrés, qui, très jeune, a étudié et mémorisé le Saint Coran auprès des maîtres et de connaisseurs de grande renommée des mosquées de cette ville. Bach-Hazzab, dès l'année 1919 dans sa ville natale, a brillamment gravi tous les échelons de la hiérarchie théologique, d'abord d'imam en 1925 à la Grande Mosquée de Kouba, suivi de celle de la Grande Mosquée d'Alger, en 1934, pour aboutir à la consécration de grand muphti de celle-ci, selon les rites hanafite et malékite de l'année 1940 jusqu'à son décès le 2 décembre 1976. Cheikh Baba Ameur et la Grande Mosquée d'Alger, un relais idéologique et organique de la Révolution. Homme d'une foi profonde, d'érudition, viscéralement chevillée aux valeurs civilisationnelles de l'islam et aux éléments culturels structurants d'algérianité de la nation, Cheikh Baba Ameur a su, grâce à sa perspicacité et à sa sagesse, surmonter toutes les machinations et écueils de l'administration coloniale française de l'époque, pour maintenir en fin stratège une solidarité citoyenne d'éveil et d'adhésion massive au combat libérateur initiée et subtilement développée au sein de la mosquée, dont le rôle s'est de ce fait érigé en relais idéologique et organique de la Révolution. L'art de cette redoutable stratégie militante a permis d'annihiler et de déjouer tous les plans et tactiques éprouvés d'une surveillance draconienne maintenue en permanence par les services de sécurité spécialisés de l'armée et de la police colonialistes. Cheikh Baba Ameur, grand muphti d'Alger, l'archevêque Mgr Duval et la Palestine. Ce pan d'histoire a été judicieusement complété par la communication du docteur Grigahcene, qui a tenu à mettre en exergue les actions majeures d'engagement politique du Cheikh Baba Ameur à travers sa participation à la création du Comité de défense de la Palestine en 1949 et son adhésion à la Déclaration pour la paix initiée par l'archevêque Mgr Duval pendant la guerre de libération, lequel avait auparavant demandé la grâce des premiers condamnés à mort au président de la République française, qui fut hélas rejetée, livrant ainsi les suppliciés à la barbarie d'inhumanité de la guillotine criminelle de l'occupant. Cette harmonieuse synthèse documentée, qui a particulièrement retenu l'attention de l'auditoire, a également suscité de riches et substantielles interventions respectivement soutenues par des références intellectuelles et culturelles, telles que Zahir Ihadadene, Rédha Bastandji, Kamal Bouchama et maître Boubekeur Boussem, qui ont éloquemment retracé la vie, le parcours, ainsi que les souvenirs de Cheikh Baba Ameur et d'autres présents, parmi lesquels Hini Smaïn, qui a développé la nécessité de la réappropriation du rite patrimonial du «tadjouid» du Coran, dans le mode d'interprétation citadin algérois. Kadi Omar a abondé dans le sens d'une revanche contre l'oubli et d'une reconnaissance à l'endroit de Cheikh Baba Ameur, par une initiative de la baptisation d'un lieu de culte à son nom, ceci afin de perpétuer son souvenir et l'œuvre d'érudition qui fut la sienne. L'auteur de ces lignes complétera cette suggestion par un décryptage iconographique du rayonnant portrait de Cheikh Baba Ameur harmonieusement exposé au centre du patio du palais, pour illustrer l'historique de son expressif patrimoine vestimentaire, élément structurant de la personnalité algérienne dans le contexte de résistance culturelle de l'époque. En relais, Damerdji Mohamed, doyen de l'Association des amis de la rampe Louni Arezki Casbah, âgé de 83 ans, a, quant à lui, évoqué les actions menées dans l'enceinte de la Grande Mosquée d'Alger, où officiait le vénérable grand muphti. Préparateur en pharmacie à La Casbah au cours des années 1956/1957, Mohamed Damerdji assurait clandestinement la coordination sanitaire d'un réseau de collecte de médicaments et produits chirurgicaux de première urgence pour leur acheminement vers les maquis des Wilayas III et IV limitrophes, organisé et supervisé par le chahid héros de légende Chaïb Ahmed dit «Laghrab», qui était également son responsable territorial dans l'organisation armée du FLN historique. Atteint d'une grave phtisie, de dernier était également réfugié et pris en charge à la Grande Mosquée pendant cette période, et ce, jusqu'à son arrestation vers la fin de l'année 1957, où, sous traitement médical, des injections d'antibiotiques lui étaient quotidiennement administrées toujours par Damerdji Mohamed, converti ainsi en infirmier de circonstance durant près de 2 mois. De la lignée savante des Mustapha Benlekbabti, Abdelhalim Bensmaia, Mohamed Bencheneb et tant d'autres repères d'érudition d'anthologie culturelle et cultuelle, l'illustre Cheikh Baba Ameur s'est révélé un authentique adepte de ces monuments encyclopédiques d'un savoir d'immensité et d'exégètes de référence en islam dans ses préceptes civilisationnels de foi, d'humanisme, de comportement sociétal, d'éducation, de civisme, de tolérance et de solidarité. Un modèle de valeurs intrinsèques d'islam et de culture d'algérianité à pérenniser en direction de la jeunesse et des générations montantes.