« C'est la mouise » : c'est la formule consacrée des pêcheurs d'El Kala pour dire toute leur détresse. Il n'y a pas de poisson dans leurs filets. Les sardiniers la nuit ou les chalutiers le jour ne rapportent pas plus de deux à trois casiers par sortie. « Même pas de quoi payer le gasoil, de la pure perte ! », pestent les pêcheurs. « Que se passe-t-il encore ? », s'interroge-t-on en ville. Malédiction pour une ville abandonnée à elle-même, changements climatiques avec ces températures anormalement élevées apportées par un sirocco incongru, le pillage indécent du corail ? C'est la fin d'une époque pour les professionnels qui ne retrouvent plus leurs repères. Pour le citoyen aussi c'est le monde qui s'effrite. Pour la population, c'est un peu plus de misère, car la pêche fait vivre plus de 1500 familles. La sardine, autrefois cédée gratuitement, plafonne aujourd'hui à 250 et 300 DA. Pourquoi alors il y'en à profusion de l'autre coté de la frontière d'où on l'a importée l'année dernière un peu à la même époque ? Pour les vieux marins, il ne fait aucun doute que c'est la disparition du corail. On ne retrouve pas non plus les espèces nobles comme le pageot, le saint-pierre, le mérou… Les tombants rocheux où s'accroche le corail sont des frayères, des nurseries et des viviers pour toutes ces nombreuses espèces. Le corail c'est un peu leur forêt. Et comme dans une forêt, si on coupe les arbres, ses habitants fuient et disparaissent. Après le Parc national balafré par l'autoroute, c'est un autre mythe de la région qui s'écroule.