L'université doit s'adapter à ces nouveaux supports et permettre ainsi l'évolution de la pédagogie universitaire L'adaptation des dispositifs à de nouveaux publics et à d'autres contextes et plus largement l'évolution de la pédagogie universitaire, les technologies peuvent contribuer à l'évolution voire la révolution des pratiques pédagogiques et la mise en place de dispositifs novateurs et efficaces.L'université de Constantine semble avoir emprunté cette voie.La tablette tactile pour commencer … L'essor que connaissent actuellement les technologies n'est pas sans conséquence sur le fonctionnement des institutions. Le tout numérique se précise davantage comme une alternative implacable pour bon nombre d'entre elles. L'administration a annoncé la couleur. Certaines universités empruntent le même sillage. L'Université Frères Mentouri de Constantine(UFMC) est de celles-là. Elle est certes parmi des plus anciennes du pays, mais sa course vers la numérisation n'a d'égale que son ambition à être pionnière en matière de modernité et d'ouverture sur le monde. Le dernier pas à avoir été franchi pour entériner une gestion 2.0 est celui de l'utilisation de la tablette dans l'évaluation pédagogique. La faculté des sciences de la nature et de la vie a donc ouvert la voie en organisant pour la première fois une évaluation des étudiants sur tablette tactile. Les étudiants en licence professionnelle (L3) de Bio-informatique, entre 30 et 40 étudiants, ont répondu à 14 questions sous forme de QCM pendant une durée de 30 minutes dans une salle équipée de tablettes récemment acquises par le rectorat. Cet examen s'est déroulé sous forme de dossier progressif, les questions défilant les unes après les autres. «L'objectif est de maîtriser cette méthode d'évaluation en utilisant les technologies du numérique pour évaluer les étudiants dans le cadre des contrôles continus ou l'organisation d'examens pour les grands effectifs. Cette technique permet un gain de temps et l'élimination de l'utilisation du papier. L'étudiant a sa note à la fin du contrôle. De même, l'enseignant reçoit dans sa boîte e-mail les résultats des étudiants (notes) sur un tableau en fichier Excel», selon les explications du recteur, Abdelhamid Djekoun. Cette technique a été mise en place à petite échelle, soit avec un nombre restreint d'étudiants, comme c'est souvent le cas dans les expériences innovatrices. Et à lui de détailler cette stratégie : «Nous voulons l'adopter surtout pour les gros effectifs d'étudiants. Cette technique nous permet aussi de ne pas mobiliser des salles et des amphis au détriment d'autres activités pédagogiques. Elle nécessite une banque de questions. Les enseignants qui travaillent sur cet aspect sont conscients des enjeux et finalités. Le bénéfice en est un gain de temps, plus d'irisation de papier ni attente interminable des résultats. La formation des enseignants sur ce modèle est primordiale, son appropriation par les étudiants l'est tout autant. C'est une question facilement intégrable dans un processus pédagogique. Elle peut être utilisable dans l'auto-évaluation». Cette initiation à une nouvelle approche de l'évaluation pédagogique est tributaire d'une préparation sur laquelle l'ensemble des partenaires universitaires doivent s'atteler en amont et en aval. «Bien sûr que tout cela nécessite du travail au préalable pour qu'en aval nous puissions suivre l'évolution de chaque étudiant à travers un dispositif de contrôle continu répétitif qui dispose d›outils statistiques», précisera notre interlocuteur. Approchés, certains enseignants universitaires abondent dans cette appréciation positive dont «l'approche est différente de ce qui se fait actuellement au niveau international, où les examens se passent sur tablette, mais en accédant à un site web sous forme de client-serveur». En effet, l'expérience effectuée au niveau de l'université Frères Mentouri, telle qu'expliquée par les responsables, «repose sur une application installée sur les tablettes qui communiquent à travers le réseau téléphonique et/ou internet, en utilisant le protocole SMS (Short message service) ou SMTP (Simple mail transfer protocol) pour envoyer les résultats à l'enseignant sous forme de fichier Excel (RichFiles ). Les résultats sont connus instantanément. Cette application a mis fin aux longues attentes pour avoir les résultats de la correction des copies». Cette stratégie aux yeux de certains spécialistes n'est pas pour autant innovante. Pour le Pr Zaatri, du département du génie mécanique à l'université Mentouri et spécialiste en télérobotique, «il s'agit d'une application intéressante, mais qui est considérée actuellement comme ordinaire du point de vue technologique. Elle fait partie du télé-enseignement qui a commencé à se répandre avec l'avènement de l'internet. Techniquement, les étudiants envoient leurs feuilles de réponse via le réseau internet (tablette, smartphone, PC…). Un programme informatique analyse automatiquement les réponses par rapport à un corrigé type, évalue le travail et le communique aux étudiants. Depuis les années 2000, on fait avec la même technologie beaucoup d'autres choses grâce à internet dont le télédiagnostic en médecine, la téléchirurgie, la télémanipulation ou encore la télérobotique.»
UN PROCÉDÉ À GÉNÉRALISER Cette introduction, si elle a pris quelques retards dans le secteur de l'enseignement supérieur, semble faire le bonheur des étudiants «cobayes». Ils manifestent une satisfaction quant aux avantages qu'elle peut représenter. Il y a eu peut-être quelques couacs, certainement des appréhensions qui finiront par se dissiper. «L'avantage de cette méthode, c'est qu'elle nous communique les notes à la fin de l'examen. Nous sommes fixés sur notre module le jour même, donc aucune attente et moins de stress», s'accordent-ils à répondre. Un enthousiasme qui incite à égrener d'autres mérites : «Recevoir les réponses et les notes des étudiants sur un fichier Excel rend sur le plan pédagogique cette méthode très appréciable du fait qu'elle facilite le traitement et l'analyse des réponses. Elle peut aussi suggérer les améliorations à apporter sur l'enseignement des cours», rappellera le Pr Djekoun. Un bémol est toutefois émis. Le procédé peut paraître fiable du moment qu'il s'agit d'une évaluation sur la base du QCM, soit deux possibilités de réponse, le oui ou non. «Est-ce que le procédé des tablettes est fiable ? Il y a plusieurs facteurs à considérer. Tel que j'ai vu sur le site de l'UFMC, le procédé utilisé est effectivement aveugle et est du type QCM, c'est-à-dire questions-réponses. La machine travaille en automate et ne raisonne pas. Un programme détecte et récupère les ‘oui' et les ‘non' et les comptabilise. Bien sûr, on peut confectionner ou acheter des logiciels plus sophistiqués qui peuvent effectuer une analyse de documents plus ou moins intelligents, mais cela reste à voir. De plus, l'évaluation peut être biaisée par l'intervention d'une tierce personne pour répondre aux questions. La fraude existe même en présence de surveillants. Il n'y a qu'à voir les problèmes de l'examen du baccalauréat où cette technologie de l'informatique réseau et multimédia est utilisée à mauvais escient jusqu'à saboter l'examen lui-même. A mon avis, si certains pensent qu'il s'agit d'une grande avancée, ce n'est pas le cas. Mais, ce type précis de technique est intéressant comme soutien à la formation», selon Abdelwahab Zaatri. Une plus-value donc à retenir à l'actif de l'université Mentouri, qui est précurseur dans plusieurs domaines et qui, dans son agenda, retient toutes les dates importantes en matière d'activités technologiques et numériques. Et le premier responsable de l'UFMC en est convaincu : «Je suis sûr qu'on peut généraliser cette technique. Actuellement, nous sommes en train de le faire dans le cadre de la formation à distance master administration locale qui compte plus de 600 étudiants à qui nous demandons de réaliser des travaux sur la plateforme moodle. La technologie du numérique a évolué considérablement, il faut que l'on soit partie prenante de ce progrès. L'intelligence est d›en faire un bon usage pour l'intérêt de l'étudiant.» Sur le plan de l'innovation, cette application permet aussi d'insérer n'importe quel contenu comme des schémas, des photos, des graphes, des images et des vidéos. L'intérêt de cette méthode dans la conception des questions avec des supports fait de l'opération de l'évaluation des étudiants un dispositif d'évaluation formatif, un aspect sur lequel est bâtie la philosophie du système LMD. «La numérisation dans l'enseignement universitaire peut comprendre d'abord la facilité à accéder aux systèmes d'information : bibliothèques, bases de données des journaux, possibilité d'effectuer des téléconférences, etc. Le télé-enseignement avec évaluation à distance est une niche dans ce domaine. Une partie de cet enseignement peut bien sûr se faire de façon automatique via internet par tablette ou autre moyen de télécommunication. Faut-il généraliser ce type d'enseignement ? Sûrement, car il servirait de soutien à l'enseignement direct», conclut le Pr Zaatri.