Le décès d'un proche laisse perplexes les familles qui ne savent plus où se diriger. Valencia (Espagne) De notre correspondant Les attitudes des uns et des autres face au décès des Algériens à l'étranger montrent « en creux » la relation que les émigrés entretiennent avec leur pays d'origine. En particulier, l'attitude des familles et des proches au moment du rapatriement du corps du défunt rappelle que la notion du lien avec la terre des ancêtres des expatriés est autant symbolique qu'affective. Mais l'aspect financier est aujourd'hui un problème épineux de la mort en exil. Le rapatriement des corps demeure la règle générale. Cette pratique représente un certain coût, il serait en moyenne de 3000 euros à partir de l'Espagne où la communauté algérienne est de plus en plus importante. Rendu possible par la force des liens communautaires unissant les migrants originaires du même village, ville ou région, on se cotisait pour faire face à la dépense. Cette habitude s'est perpétuée jusqu'à maintenant en empruntant des formes diverses puisque les familles continuent à cotiser à des sortes de tontines qui reposent sur l'engagement et le respect de la parole donnée. L'exemple de la communauté kabyle est édifiant en ce sens. Cette participation permet en outre une reconnaissance de « l'être » algérien dans sa communauté d'origine. La solidarité marque ici un pas important dans l'osmose de la communauté algérienne en Espagne. La rue Dénia dans le quartier de Ruzáfa est un quartier populaire et immigré du centre-ville de Valencia. Ce morceau de ville est de peu de poids à l'échelle de l'agglomération, en habitants et en superficie. Mais, la callé Cuba, comme on l'appelle communément ici, désigne, pour les populations notamment maghrébines qui la fréquentent, un lieu-relais de la ville, un carrefour de réseaux de sociabilité et d'affaires, un espace de ressources et d'approvisionnement en produits du pays et hallal. C'est ici que convergent tous les Algériens á la recherche de cet esprit de solidarité. Et c'est à cette adresse que Djamel Benmenni, commerçant connu, est sollicité. Cet enfant du quartier des Eucalyptus, à Alger, est en quelque sorte le mécène connu dans le sud de l'Espagne, à Valencia principalement, pour son dévouement et son attachement aux œuvres de bienfaisance. Notamment dans les cas de rapatriement des dépouilles des Algériens où il est incontournable. « La mort est impromptue, nous dit-il, et nous autres Algériens, nous n'avons pas cette notion de prévision. Nous ne pensons pas, par exemple, à contracter une assurance pour assurer au moins les dépenses du transfert du corps en cas de décès. C'est culturel, nous sommes convaincus que les nôtres ne nous laisseront jamais moisir en terre étrangère ». Il y a l'assurance obsèques. Les Algériens sont censés contracter ce genre d'assurance. En cas de décès, c'est la société d'assurances qui prend en charge les frais de rapatriement des corps. Cependant peu d'émigrés en Espagne prennent conscience de la nécessité de contracter cette assurance, alors que des milliers d'autres ignorent même son existence. Beaucoup de prestataires en matière d'assurance proposent, en fait, des produits à des prix plus ou moins étudiés, mais en temps de crise économique où la communauté algérienne est très touchée, le moindre centime dépensé devient sujet à un calcul. Et quand il y a décès d'un proche ou d'un parent, la famille se retrouve en difficulté ; elle est contrainte de recourir à la quête pour rassembler la somme nécessaire au rapatriement du corps du défunt. Reste donc cet esprit de solidarité manifesté souvent par des Algériens qui cotisent pour rassembler des sommes permettant de faire face aux dépenses en vue du rapatriement de la dépouille. Djamel Benmenni explique : « Souvent ce sont les épouses ou les enfants du mort qui se manifestent pour demander de l'aide. Nous essayons de faire appel aux dons et à l'élan de solidarité des Algériens dans les cafés et les mosquées pour rassembler les 3000 euros nécessaires au rapatriement. On s'occupe nous-mêmes des ablutions du mort selon le rite musulman en présence d'un imam ramené par nos soins, dans les morgues espagnoles. Et évidemment jusqu'a l'acheminement du cercueil vers l'Algérie. » Tant inattendu, qu'impromptu, le décès d'un proche laisse perplexe les familles qui ne savent plus où se diriger pour faire face à cet événement. En ce sens que la solidarité entre Algériens fait ses preuves. En somme, le dernier voyage à 3000 euros est devenu un souci permanent pour ces familles qui subissent ce triste coup du sort en perdant un membre des leurs.