Les électeurs irakiens bravaient, hier, obus et bombes, qui ont fait 24 morts à Baghdad, et votaient en grand nombre lors d'un scrutin législatif crucial entouré d'impressionnantes mesures de sécurité. De longues files étaient visibles devant les bureaux de vote dans tout le pays, y compris dans les régions sunnites, comme à Mossoul dans le nord, ou Al Anbar dans l'ouest qui avait boycotté le scrutin en 2005. « Nous, Irakiens, ne connaissons pas notre avenir ; mais pour nous, aujourd'hui, les bombes sont des vétilles » Votez contre Al-Qaîda ! Ils nous ont terrorisés pendant plusieurs années. Maintenant, il faut les chasser car ils font du tort au pays », a lancé dans un bureau de vote, Kamal Fawaz, un électeur de Fallouja, ancien fief de l'insurrection après l'invasion de l'Irak en 2003. Ce scrutin est jugé crucial pour la stabilité du pays, à six mois du départ des troupes américaines de combat, et à moins de deux ans du retrait total. Dès l'ouverture du scrutin, à 7h00 (4h00 GMT), les tirs d'obus de mortier ont secoué la capitale, survolée par des hélicoptères. Au moins soixante-dix projectiles sont tombés principalement sur les quartiers sunnites. Seize personnes ont été tuées par ces tirs, dont douze dans l'effondrement d'un immeuble à Our, dans le nord de Baghdad, alors que huit autres ont été tuées dans des attentats à la bombe, selon le ministère de l'Intérieur. Le nombre de blessés s'élève à plus de 80 personnes dans tout le pays, dont 13 par des tirs d'obus contre un bureau de vote à Iskandariya, à 50 km au sud de Baghdad et sept par une bombe placée à proximité d'un bureau de vote. Les explosions ont fait trembler les murs des immeubles, mais pas les Irakiens, habitués depuis sept ans aux bombes et obus. « C'est notre destin. Nous, Irakiens, ne connaissons pas notre avenir ; mais pour nous, aujourd'hui, les bombes sont des vétilles », assure la professeure d'anglais, Arabiya al-Samaraï, 46 ans, présente avec ses deux enfants dans un bureau de vote à Mansour, à Baghdad. A Bassora, la grande ville à majorité chiite du Sud, Ihlem Kazem Ali, 22 ans, faisait part d'un sentiment largement partagé par les Irakiens. Avenir incertain « J'ai voté pour la liste du Premier ministre (Nouri al-Maliki), car il a réussi à nous ramener la sécurité dans l'ensemble de l'Irak », a-t-elle dit. Elle faisait référence à la baisse des violences entre sunnites et chiites qui ont fait des dizaines de milliers de morts pendant quatre ans. M. Maliki, qui a déposé son bulletin dans un hôtel de la « Zone verte », a minimisé les violences. « Ces attaques ne sont que du bruit pour impressionner les électeurs, mais les Irakiens sont un peuple qui aime relever les défis », a-t-il dit. Plusieurs centaines de milliers de militaires et policiers protègent les 46 000 bureaux de vote. Environ 19 millions d'électeurs doivent élire 325 députés pour un mandat de quatre ans durant lequel 96 000 soldats américains quitteront définitivement l'Irak. Les centres de vote sont ouverts jusqu'à 17h00 (14h00 GMT). Ces élections législatives doivent consacrer l'hégémonie politique des chiites, qui représentent près de 60% de la population et le retour sur la scène politique des sunnites, qui ont perdu en 2003 la direction de l'Etat qu'ils détenaient depuis sa création en 1920. Douze coalitions et 74 partis sont en lice, mais deux listes sont données favorites : l'une ayant une forte connotation religieuse chiite, « l'Alliance pour l'Etat de droit » de M. Maliki, et l'autre résolument laïque, le Bloc irakien, dirigée par l'ancien chef du gouvernement, Iyad Allawi.