Le rêve s'est-il transformé en cauchemar ? Vendue à l'opinion comme un trophée depuis 2014, la mise en place d'une véritable industrie automobile algérienne n'est finalement qu'une supercherie de plus. Les sorties surprenantes du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, et du nouveau ministre de l'Industrie, Bedda Mahdjoub, imposent, au-delà du constat d'échec cuisant, des interrogations sur l'avenir de ce qui est appelé «la filière automobile algérienne». Que faire maintenant ? Le gouvernement ira-t-il jusqu'à fermer «ces usines de l'exportation des devises» ? Abandonnera-t-il l'option de la construction des véhicules «made in Algeria» ? Pour le moment rien n'est clair. Dans sa déclaration à la presse, avant-hier, Bedda Mahdjoub évoque la révision du cahier des charges concernant l'industrie automobile et la mise en œuvre d'«une nouvelle stratégie industrielle». Mais l'Exécutif se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Comment en est-on arrivé là ? Tout a commencé en 2012. Après des années de résistance aux demandes d'installation en Algérie faites notamment par le constructeur français Renault, le gouvernement a fini par céder en concluant, le 25 mai 2012, un mémorandum de partenariat avec l'entreprise française. L'accord porte sur «l'implantation progressive d'une filière automobile en Algérie». En décembre de la même année, un pacte d'actionnaires entre Renault, la Société nationale de véhicules industriels (SNVI) et le Fonds national d'investissement (FNI) a été signé afin de créer une coentreprise (49% Renault, 34% SNVI et 17% FNI). La mise en œuvre du projet en respectant la règle des 51/49% a eu lieu en janvier 2013 avec la création de la société «Renault Algérie Production», implantée à Oued Tlelat à Oran. Cette dernière entre officiellement en production en 2014 avec la fixation d'objectifs pour, notamment, l'augmentation progressive du taux d'intégration des véhicules produits localement. Un appétit démesuré ! La sortie de la première voiture de marque Symbol montée en Algérie a, rappelons-le, été célébrée en fanfare. Les responsables du gouvernement, en l'occurrence le Premier ministre de l'époque, Abdelmalek Sellal, et l'ex-ministre de l'Industrie, Abdessalem Bouchouareb, ont exploité la nouvelle pour prouver, notamment à leurs détracteurs, leur volonté de «diversifier l'économie nationale». Mais l'appétit devient démesuré. Dans la foulée de la chute des prix du pétrole, qui a contraint les autorités à recourir à des coupes budgétaires et réduire la facture des importations, l'automobile est propulsée au centre de la politique gouvernementale. L'Exécutif exige alors de tous les concessionnaires activant sur le marché de procéder à l'installation des unités de production en Algérie. Et les annonces n'ont pas tardé à pleuvoir, au grand «bonheur» de Abdessalem Bouchouareb qui se réjouissait de présenter ces fameux «grands projets de la filière automobile». Certains sont mis en place en un temps record, à l'image de celle lancée, en une année (2016), par la Sarl Tahkout en partenariat avec le sud-coréen Hyundai. Des négociations ont aussi été engagées ensuite avec le géant allemand, Volkswagen, le groupe français Peugeot PSA et IVCO. Le piège du SKD Mais dans cette quête d'une industrie automobile nationale, le gouvernement semble avoir gravement fauté. Le choix de commencer par le montage des véhicules en optant pour le système SKD (Semi Knocked Down), qui consiste à importer des voitures démontées pour les assembler localement, a ouvert la voie aux abus. L'absence de stratégie claire pour passer à un autre palier (CKD) et garantir un taux d'intégration important pour les véhicules fabriqués en Algérie a donné les résultats dénoncés aujourd'hui par Bedda Mahdjoub. Cependant, cette prise de conscience intervient peut-être trop tard. Pourtant, les spécialistes avaient attiré l'attention très tôt. En s'inspirant des expériences des autres pays, ces derniers avaient affirmé que l'industrie automobile ne peut être rentable pour le pays qu'en garantissant des taux d'intégration élevés.