Si les Bachtarzi, Ksentini et Allalou ont ouvert la voie à un théâtre algérien par sa langue, ses références et son public, Kaki a œuvré à produire des pièces qui articulent la richesse du patrimoine oral et les expérimentations théâtrales modernes. Kaki a ainsi projeté l'art du goual et du meddah sur les planches. Il s'inspire en cela de l'organisation traditionnelle de la halqa, mini-scène où le public entoure un orateur qui captive l'assistance par la seule force du verbe. Sa formation, notamment auprès d'Henri Cordreaux, l'amène à s'ouvrir sur le théâtre contemporain. Dès ses débuts, il commence à monter des pièces de Beckett ou de Ionesco. Son «avant-théâtre» ouvre une voie que prolongera Abdelkader Alloula ou encore Kateb Yacine, chacun y injectant son génie propre et ses visions artistiques et politiques. Le théâtre de Kaki est fortement inspiré de l'imaginaire populaire, celui des contes et légendes, mais aussi de la dimension métaphysique, voire magique autour des récits entourant les saints patrons. 132 ans, El guerrab ou salhine, Diwan el garagouz… et bien d'autres pièces qui placent Kaki au panthéon du théâtre algérien. Puisée dans le génie populaire dont été largement doté sa ville, la langue de Kaki est une admirable prose rimée avec une certaine force incantatoire. Branché sur le substrat culturel local, son théâtre est tout aussi ouvert aux expériences contemporaines de mise en scène avec un intérêt pour les réalisations de Berthold Brecht ou de Peter Brook. «Kaki n'était pas un homme de théâtre enfermé dans un moule unique, mais ouvert à plusieurs expériences. Il a touché à tout. Il s'est frotté au théâtre de l'absurde avec La Cantatrice chauve d'Eugène Ionesco et au théâtre de la cruauté (Antonin Artaud), Avant-théâtre. Sa découverte de Brecht et du Berliner Ensemble l'a intensément marqué. Il a dû lire tout Brecht. C'est à partir de cette rencontre qu'il décide de mettre en forme sa version presque définitive de son théâtre à partir de El Guerrab wa Essalhine qui a été très bien reçue par le public», écrit l'universitaire Ahmed Cheniki. Conjuguant le local et l'universel, il s'agit surtout d'un théâtre profondément populaire. Il était donc naturel que Mostaganem, ville de naissance et d'élection de Kaki, consacre un colloque à ce grand dramaturge. Sacrée «Capitale du théâtre» pour l'année 2017, Mostaganem abrite le festival de théâtre amateur qui connaît cette année sa cinquantième édition. Organisé par l'université de Mostaganem et le ministère de la Culture, le colloque «Comment lire Kaki ?» se déroulera les 17 et 18 octobre à Mostaganem. Les axes abordés seront les liens de Kaki avec le patrimoine, les influences en œuvre dans son théâtre ainsi que l'importance de la mise en scène. Un rendez-vous incontournable pour les férus de quatrième art.