L'assainissement de la sphère économique et la mobilisation des ressources financières du pays constituent pour le gouvernement Tebboune un véritable test de ce que sera l'économie nationale dans les toutes prochaines années. Confrontés à une forte chute des revenus pétroliers et une fonte alarmante des réserves de change, les pouvoirs publics sont, aujourd'hui, dans l'urgence d'agir pour mobiliser toutes les ressources financières intérieures, notamment celles circulant dans les circuits parallèles. Lors de son passage devant les députés pour présenter son plan d'action, le Premier ministre a réitéré «l'engagement de l'Etat» à régulariser le secteur informel et le faire «participer au développement de l'économie nationale». Des dispositifs seront, selon lui, mis en place pour encourager et faciliter l'intégration de la sphère informelle et «attirer la masse monétaire colossale circulant dans le marché parallèle vers le circuit formel». Si le Premier ministre a insisté sur l'impérative nécessité de capter cet argent qui circule dans le circuit informel, les mesures à prendre en ce sens demeurent inconnues tant que le texte du projet de loi de finances 2018 est en cours d'élaboration. Assistera-t-on à une opération de mise en conformité fiscale (bis) des mesures attractives, ou au lancement de nouveaux emprunts obligataires d'Etat pour absorber le maximum des liquidités du marché noir ? Les experts économiques doutent, en tout cas, de l'efficacité de ce genre d'opération, d'autant plus qu'elles ont eu, à leur lancement en 2015 et 2016, un impact très limité auprès des détenteurs de capitaux évoluant dans la sphère informelle, notamment marchande, qui contrôlent environ, selon certaines estimations, 50% de la sphère économique et 70% des segments de produits de première nécessité. La raison en est que l'Etat ne jouit toujours pas de la confiance nécessaire à faire adhérer volontairement cette sphère économique à ce genre de dispositifs qui nécessitent, de surcroît, expliquent les experts, «une grande habilité en matière de communication, absente jusque-là dans les différentes opérations lancées». Cela nécessite également une approche différente, dans la mesure où l'argent circulant dans cette sphère est soit placé, notamment dans l'immobilier, ou changé au noir et transféré à l'étranger. Il n'en demeure pas moins que l'argent informel et non bancarisé constitue, pour l'Etat, une source considérable qui ne devrait pas être négligée et un levier en mesure de soutenir les équilibres budgétaires du pays. Selon la Banque d'Algérie, l'argent liquide circulant dans l'informel tourne autour de 1000 à 1300 milliards de dinars. Des chiffres alarmants L'ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait lui-même indiqué, il y a quelques mois, que pas moins de 3700 milliards de dinars, soit environ 40 milliards de dollars, passent par le marché parallèle, loin de la sphère bancaire. Une enquête réalisée par l'ONS indique qu'en 2012 déjà, l'économie informelle en Algérie représenterait 45% du produit national brut (PNB). Ce secteur employait 1,6 million de personnes en 2001, avant d'atteindre les 3,9 millions de personnes en 2012, soit 45,6% de la main-d'œuvre totale non agricole, précise la même enquête, qui révèle un volume de transactions informelles de l'ordre de 49 milliards de dollars au cours de 2016. Cependant, et si le problème de l'informel se pose avec acuité et que la nécessité d'y remédier fait consensus, la question du recours à une amnistie fiscale comme moyen de capter l'argent noir refait surface, mais ne fait pas encore l'unanimité. Si certains experts pensent que le gouvernement n'a de choix que d'aller vers «un plan d'amnistie fiscale pour absorber ces liquidités», d'autres spécialistes relayés par des opérateurs économiques plaident plutôt pour «une réforme fiscale et un assainissement fiscal qui permettraient de capter l'argent du marché noir vers le circuit économique et le taxer à un taux relativement bas». Estimant que l'informel est le fruit d'une politique fiscale laxiste, l'Association des banques et établissements financiers (ABEF) considère, pour sa part, qu'une amnistie fiscale n'est qu'un instrument qui doit aller de pair avec une politique économique globale, axée sur l'entreprise et sur la production. Une refonte de la politique fiscale s'imposerait alors avec la mise en place de mesures permettant aux banques de la place de se doter des outils à même de leur permettre de capter la masse monétaire circulant dans l'informel et de la bancariser.