Quel impact auront les nouvelles sanctions américaines contre la Russie sur le marché énergétique ? Les nouvelles sanctions contre la Russie, qui viennent d'être adoptées par le Congrès américain, vont principalement compliquer la réalisation par la Russie de nouveaux projets d'exportation de gaz vers l'Union européenne (UE). Compliquer ne veut pas forcément dire empêcher, bien sûr. Dans la ligne de mire du Congrès figure, en premier lieu, le projet de Nord Stream 2, un gazoduc qui relierait directement la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique et qui aurait une capacité de 55 milliards de mètres cubes par an. Pour ce projet, le géant russe Gazprom est associé à cinq entreprises européennes, Wintershall et Uniper (Allemagne), Shell (Pays-Bas et Royaume-Uni), OMV (Autriche) et Engie (ex-Gaz de France). Le projet de gazoduc Turkish Stream (Russie-mer Noire-Turquie-Europe) est lui aussi une cible potentielle de ces sanctions américaines. Gazprom entend rester à long terme le premier fournisseur de gaz à l'UE et accroître ses ventes sur ce marché-clé ainsi que sa part de marché qui est d'un tiers actuellement. Pour cela, il faut développer de nouveaux projets d'exportation, ce qui n'est pas simple et le sera encore moins du fait de ces sanctions. Serait-ce une menace sur les ventes de gaz algérien ? Non, pas du tout. Au contraire. La nouvelle loi américaine vise uniquement la Russie, l'Iran et la Corée du Nord. Les autres pays exportateurs de gaz, dont l'Algérie, troisième fournisseur de gaz de l'UE, ne sont pas menacés. Cela peut être un atout pour l'Algérie, car sur un marché concurrentiel, le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. L'Algérie et Sonatrach ont une autre carte dans leur jeu, l'Union de l'énergie qui est la stratégie énergétique de l'UE depuis 2015. L'un des objectifs de l'Union de l'énergie est de diversifier les approvisionnements gaziers de l'UE, notamment par rapport à la Russie. Ce sont deux atouts importants. Bien entendu, avoir des atouts dans son jeu est très utile, mais pas suffisant. Il faut aussi bien les exploiter. L'Algérie pourra-t-elle garder ses clients traditionnels et comment devrait réagir Sonatrach afin de préserver ses parts de marché face à la concurrence ? L'Algérie exporte surtout son gaz vers l'Europe du Sud. Mais rien n'est acquis dans un monde de plus en plus concurrentiel et globalisé avec des bouleversements sur les marchés énergétiques. Il faut rester dans la course face aux concurrents actuels (Russie, Norvège, Qatar, etc.), aux nouveaux concurrents (Etats-Unis) et aux futurs concurrents (Méditerranée orientale, Afrique de l'Est ou Afrique australe). Cette concurrence accrue exige plus de flexibilité et de créativité pour les futurs contrats entre l'Algérie et les importateurs de gaz. Il y a aussi, sur un autre plan, la situation difficile du gaz dans l'UE face au charbon très compétitif et à la montée des énergies renouvelables. Et il ne faut pas oublier les défis internes à l'Algérie qui doit satisfaire une demande nationale gazière en forte croissance, tout en essayant de rester un exportateur significatif vers le marché européen. Ces derniers défis ne sont pas les moindres. La solution passe par un développement très ambitieux de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables, une intensification de l'effort d'exploration et la valorisation des gaz non conventionnels.