La raison est double : d'une part, l'IMA a opté pour une collaboration avec un commissaire originaire du monde arabe, Olfa Feki, d'autre part, Bruno Boudjelal, -dans le cadre d'un partenariat de la wilaya d'Alger avec la Ville de Paris et avec le concours actif du ministère de la Culture algérien, de l'ARC et le soutien de l'ambassade de France en Algérie- a conçu l'exposition Iqbal (Arrivées) déjà présentée au Mama, mais qui prend à la cité des Arts une autre résonance. Iqbal à la Cité des arts Cela fait deux ans que le photographe Bruno Boudjelal prépare cette exposition. C'est lors d'un atelier de photographie qu'il a rencontré la moitié des artistes, le hasard des rencontres et les sugges-tions lui ont donné à connaître l'autre moitié. Le titre même, Iqbal, peut avoir plusieurs sens: Arrivées dans le monde de l'art, arrivées sur des scènes étrangères des jeunes artistes algériens, arrivées dans des réalités complexes que certains saisissent à la volée, au moyen d'iphones, tandis que d'autres posent leur appareil et cadrent soigneusement leur sujet. L'exposition est conçue de telle sorte que chaque artiste a droit à son espace, de plus il peut exposer une série et non pas seulement quelques œuvres dûment encadrées. Le parti pris du commissaire permet de faire voir une scène caractérisée par sa diversité et son engagement : un certain nombre de photographes appartiennent au collectif 220 au sein duquel les travaux sont discutés, les lieux d'exposition imaginés, l'indépendance jalousement préservée. Grâce à cette exposition itinérante (MAMA, cité des Arts, puis la Belle de mai à Marseille), leurs travaux acquièrent une visibilité croissante et suscitent différents types d'intérêt pour cette scène émergente, qu'il s'agisse d'esthétique ou de représentations de l'Algérie. L'Algérie en images : un documentaire intime Si l'exposition de l'IMA donne au début du parcours un place importante aux photographes portant un regard sur le monde arabe, celle de la cité des Arts promeut une vision de l'intérieur. La personnalité du commissaire qui a longuement travaillé sur l'Algérie, même durant la décennie noire, dont les prises de vue et les tirages suscitent le sentiment ambivalent d'une familiarité qui questionne peut expliquer les choix qu'il a faits : certes ceux de la photographie documentaire ou de la photographie de reportage, mais aussi, plus proche de sa pratique, d'une photographie documentaire de l'intime, voire de l'empathie. La représentante de cette photographie documentaire intime est la Constantinoise Siham Sahli. Même si l'on ignore que l'artiste est atteinte d'une maladie grave qui l'empêche de se mouvoir librement, on ne peut qu'être sensible à son dispositif : autoportrait avec retardateur expliquant le flou valant présence-absence, éclairages contrastés, qui, laissant subsister seulement la forme du personnage au sein d'un intérieur dépouillé, créent une sensation de recueillement et de spiritualité, présence à l'arrière-plan d'une lumière nimbant un paysage à peine suggéré par quelques éléments. Par l'utilisation d'une couleur, fût-elle très atténuée, et la sensation d'intimité qui se dégage de la prise de vue, la série Extra Terrestre, 2014, Djanet, de Sonia Merabet, en est proche. Documentant le réel de sensations, d'images, de désirs, les photographies d'Abdo Shanan, de Yanis Kaliz, de Besma Khalfa se situent sur un registre plus exacerbé, voire expressionniste. D'autres se servent de la photographie comme arme politique (la série Here to Here, d'Atef Berredjem, qui, faute de visa, a fait le tour du monde dans un train algérien, ou, sur un registre plus sombre, la série de Nassim Rouchiche, ça va Waka, représentant les sous-sols de l'Aérohabitat occupés par des migrants maliens) ou encore, instrument de critique de la vie quotidienne, (la série Fake, d'Oussama Tabti, montrant les faux palmiers de Marrakech destinés à masquer les antennes). La photographie documentant la réalité sociale (Ramsy Bensaâdi, Mehdi Boubekeur, Karim Tidafi) va au-delà du simple enregistrement : elle pose la question de la contemporanéité, de la diversité des univers algériens, sans compter la photographie relevant du photo-journalisme, genre dans lequel excellent Youcef Krache ou Fethi Sahraoui. Les recherches de Hakim Rezaoui se situent dans un courant à part : celui de la photographie picturale, pour laquelle le tirage est essentiel. Une génération donc passionnée, livrant une multitude d'expériences et de sensibilités. Non, le temps ne s'arrête pas avec cette photographie qui livre des instants, dont on sent qu'ils peuvent se renouveler. On a envie d'en savoir plus, d'engager la discussion, de connaître la suite.