Le révisionnisme ne lâche rien. Un groupe de députés de l'Assemblée nationale vient de réitérer une proposition de loi visant à «reconnaître le massacre de la population française à Oran le 5 juillet 1962». Le bureau de l'Assemblée nationale l'a renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d'une commission spéciale. Dans l'exposé des motifs, le groupe de huit parlementaires estime que «le 5 juillet 1962 restera la date d'une tragédie pour les Français installés en Algérie lorsqu'elle était française». Ils lient cet événement avec «la reconnaissance, en octobre 2012 par François Hollande, de la responsabilité de la France dans la tuerie d'Algériens à Paris en octobre 1961». Pour eux, cela «semble être une pierre de plus dans cette volonté d'ignorer celles et ceux qui ont payé de leur vie le fait d'être français durant cette période». Ils écartent l'histoire brutale et criminelle de 132 ans de colonisation, la violence de la guerre coloniale d'asservissement de l'Algérie de 1830 jusqu'au début du XXe siècle, pour soumettre tout un peuple, sans dire un mot des exactions et des crimes dont les Algériens ont été victimes durant la lutte de Libération de 1954 à 1962 ; les centaines d'Algériens qui ont perdu la vie lors de la politique de la terre brûlée pratiquée par l'OAS dans les grandes villes, dont Alger et Oran en 1961 et 1962. Les députés citent la proclamation de l'indépendance le 5 juillet 1062, vue d'Oran «dont l'histoire restera à jamais écrite avec le sang d'innocents, lynchés sur la place d'Armes d'Oran, tués à coups de fusil ou de couteau». Et de déplorer : «Au fil des ans, la douleur de l'inacceptable oubli de ce massacre.» Pour étoffer leur argumentation, les signataires de la proposition de loi citent Guillaume Zeller, petit-fils d'un officier putschiste, le prêtre Michel de Laparre, l'un des fers de lance de l'OAS à Oran. Ou encore un historien qui n'hésite pas à écrire : «l'Histoire, la vraie, celle qui n'est pas falsifiée, ni par les idéologies, ni par les raisons d'Etat, finit toujours par s'imposer.» Pour Jean-François Gavoury, président de l'Association nationale de protection de la mémoire des victimes de l'OAS, «les références mentionnées sont à la limite de la caricature, en particulier avec le père Michel de Laparre de Saint-Sernin, qui, dans son livre intitulé Journal d'un prêtre en Algérie: Oran 1961-1962», évoque les mauresques ayant, ce jour-là, «mangé des lambeaux de chair d'un colon vivant» ! «Que penser, par ailleurs, de l'objectivité du regard porté sur les événements du 5 juillet 1962 par Guillaume Zeller, petit-fils de l'un des quatre généraux impliqués dans le putsch d'avril 1961 ?» Il rappelle que cette nouvelle proposition de loi qui émane aujourd'hui de Laurence Trastour-Isnart, députée des Alpes-Maritimes, «est l'exacte réplique de celle déposée à la présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2013 à l'initiative de Lionnel Luca, devenu son suppléant au lendemain des élections législatives du 18 juin 2017». M. Gavoury de citer Michèle Villanueva, Oranaise auteure de L'Echarde – Chronique d'une mémoire d'Algérie 2012 : «Ils proposent une loi avec un article unique. Que dire du bilan très lourd d'assassinats d'Algériens et de Français par l'OAS durant les années 1961 et 1962, sans parler de la destruction d'une partie de la ville et de son port ?» Jean-François Gavoury nous rappelle d'autre part que la proposition de loi est «cosignée par Michèle Tabarot, députée de la 9e circonscription des Alpes-Maritimes, fille de Robert Tabarot, qui fut l'un des dirigeants de l'OAS à Oran. Comment s'étonner, dès lors, que le rôle déterminant de cette organisation terroriste n'apparaisse pas dans l'exposé des motifs de ce texte auquel je souhaite le même avenir que le précédent ? Les mots de Michèle Villanueva publiée en 2013 ne perdent rien de leur acuité : ‘Aujourd'hui, les faits du 5 juillet sont connus, décrits'. Il y en a des récits, et même des témoignages de proches filmés et vus à la télévision. Personne ne nie la gravité des faits, la douleur ressentie, le cauchemar de l'incertitude, le silence subi et incompris, les responsabilités niées. Mais le 5 juillet participe de la guerre d'Algérie. Il en est un des éléments. Les historiens l'étudient. Et c'est des deux côtés de la Méditerranée qu'il faut, sans doute, chercher encore qui, comment, où, pourquoi''».