Ils sont aidés par les chaînes de télévision à travers des reportages et des télé-prêches de prédicateurs de tout bord. Enfin, l'administration a fini par céder et à traduire ces appels par les faits. Les débats autour de l'université tournent désormais autour des «chiffons» en lieu et place de la probité intellectuelle et des questions de savoir et de la qualité de l'enseignement. Cet ogre dormant nommé «islamisme» ou qualifié par certains de «conservatisme» menace désormais nos universités qui risquent de devenir des arènes violentes entre «les radicalistes» d'un côté et les «progressiste» de l'autre, loin du débat serein, tolérant et objectif. De nombreux observateurs ne cessent de tirer la sonnette d'alarme sur ce danger qui guette nos établissements du supérieur, sans que les autorités ne prennent les mesures nécessaires pour mettre fin à cette inquisition qui ne dit pas son nom. Au début du mois d'octobre, la directrice de la résidence universitaire pour filles de Fesdis de Batna avait émis une directive instruisant les filles à porter une tenue «décente» et de tenir le «comportement d'une bonne musulmane qui préserve sa foi». Par cette instruction, la directrice transgresse et la Constitution et les lois de la République en toute impunité. Agents de sécurité ou police religieuse ? Pour se dédouaner, souvent les directeurs des résidences et les recteurs se cachent derrière de fallacieux prétextes et évoquent des plaintes supposées émanant des agents de sécurité «qui signalent des comportements jugés indécents, voire vulgaires de la part des étudiantes» qui se livrent selon des témoignages de certains directeurs de cités U «au jeu de la séduction». D'autres s'appuient sur des réclamations exprimées par les organisations étudiantes pour mettre fin à ce qu'ils appellent «la dépravation des filles». Mais surtout, ce sont les agents de sécurité qui imposent leur diktat et leur loi et «harcèlent au quotidien les étudiantes jugées trop libres», accuse de son côté une étudiante, résidente à la cité U de Dély Ibrahim. On se souvient de l'histoire de l'étudiante qui s'est vue refuser l'accès à l'université par un agent de sécurité au fallacieux motif que la jupe portée par celle-ci, alors qu'elle était pourtant accompagnée par son époux, n'était pas admise et ne répondait pas aux «préceptes» prônés par l'agent de sécurité, conforté par ses responsables, dont l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, à l'époque recteur de l'université Alger 1 avant de se rétracter et demander des excuses deux jours plus tard, soit le jour de sa nomination au gouvernement. A cause d'une histoire d'accoutrement, la pauvre étudiante humiliée a failli ainsi rater toute une année de sa carrière. Pourtant, le texte du règlement intérieur ne précise aucunement les mensurations, les modèles, les coupes, ainsi que les couleurs… ; en d'autres termes, le code vestimentaire à respecter.
Chantage par la famille Tentant de minimiser la polémique, les responsables assurent que les étudiantes «ne se sentent pas insultées par ces mesures». Or, dans les faits, il s'agit plutôt de la loi de l'omerta. En effet, beaucoup d'entre elles évoquent le chantage exercé par les intendantes qui n'hésitent pas à faire appel à la famille et se trouvent ainsi traitées comme des petites écolières «Pour le moindre refus de céder à leur orientation parfois pas très saine, les intendantes téléphonent à nos parents en inventant des prétextes déshonorants emballés dans un discours moralisateur voire religieux, créant ainsi une crise au sein de la famille», confie une étudiante d'une résidence universitaire d'Alger. «Certains parents n'hésitent pas un instant à retirer leurs filles des cité universitaires, mettant ainsi fin à leurs études.» Ce climat pourri a été accentué par la diffusion de la chaîne Ennahar TV d'une supposée enquête scandaleuse sur la débauche dans les résidences universitaires, mettant en scène de prétendues étudiantes s'adonnant à l'alcool et la drogue, et d'autres sujettes à des actes de prostitution, créant ainsi une panique sans précédent dans tous les établissements du pays et l'inquiétude des parents. Cela a donné lieu à une surenchère dont les gardiens de la chasteté et de la morale publique se sont emparée et qui ont vu là une occasion inespérée pour occuper l'espace du savoir et en faire une chasse gardée. Des prêcheurs à la petite semaine s'érigent ainsi en donneurs de leçons et vérificateurs des tenues vestimentaires et du bon comportement du sexe faible. Un terrain dans lequel patauge l'islamisme frustré de ne pouvoir exercer pleinement son pouvoir sur les étudiants.
Même les garçons… Dans ce jeu des interdits à coloration religieuse, même les garçons n'y échappent pas. Adel, étudiant en économie, a subi durant une année le diktat de ses voisins de chambre. «mon colocataire a exercé sur moi une pression énorme, aidé pour ce faire par d'autres étudiants et se comportait avec moi en tuteur autoproclamé. Il m'interdisait de fumer, d'écouter de la musique ; il m'obligeait à prier et surveillait mon accoutrement qui, selon lui, ne cadre pas avec les préceptes de l'islam», nous dira-t-il. Ce qui l'a contraint à abandonner sa chambre et se réfugier chez un ami dans une autre cité U. Le cas le plus emblématique est celui d'Anouar Rahmani, étudiant en droit au centre universitaire de Tipasa et également écrivain, subit lui aussi depuis des années des pressions énormes de la part d'associations étudiantes à cause de ses écrits et de ses opinions jugés anti-musulmans et accusé d'athéisme. Des plaintes ont même été déposées contre lui et des pages Facebook de prétendus étudiants ont appelé les responsables de le révoquer purement et simplement des bancs de l'université. Et les témoignages ne s'arrêtent pas là puisque certains étudiants parlent même de campagne de «salafisation» au sein des universités, notamment dans les wilayas de l'intérieur du pays. des tracts sont souvent distribués au su et au vu d'une administration parfois complice.