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Droit de souvenir au pays de l'oubli !
Publié dans El Watan le 27 - 10 - 2017

Effets qui, allant jusqu'à le consacrer comme repère d'une façon de voir et d'agir, marquent bien l'espace où se meut l'idéologisme, le temps qui voit s'arrêter tout cheminement vers la vérité ! Il en est aussi la destination, dans une conjoncture nouvelle où n'est mis à l'honneur que ce qui participe du désordre des choses, où les «mémoires d'outre-tombe», ravies à Chateaubriand, vacillent entre culpabilité et innocence ! Cette même logique de l'oubli, nous ne craindrons pas d'être contrariés, a fait qu'une autre version des hommes investisse le champ de l'histoire dans presque tous ses compartiments, en substitution à ce qui a réellement meublé un vécu lointain.
Qui, de par cette distance dans le fait et dans la mémoire, est devenu décalé de la trajectoire de la vérité. C'est vrai que parler d'un proche, dans un contexte qui semble avoir un souci avec les valeurs, tend à ne plus faire partie de notre culture. Et si tant est de libérer ces valeurs et de les concilier avec ce qui les contrarie, je ne vois pas pourquoi on s'excuserait de verser, le temps d'une nostalgie, dans une séquence biographique rien que parce que le «sujet» est un parent.
Par ailleurs, a-t-on vraiment le droit de se taire quand on est ciblé dans sa forme d'exister la plus absolument significative, en l'occurrence la dignité d'un nom, et quand on est voué au gré de ce qui froisse l'orgueil d'un collectif dont on a la fierté d'appartenir, et le devoir d'arracher- que Malraux m'en excuse- au «temps du mépris»?! Dans ce que Stora appelle «Enjeux de mémoire», il est très facile de justifier les comportements des fossoyeurs de l'histoire.
C'est pour autant qu'on peut secourir ces enjeux des pannes de la mémoire outrepassée et libérer une conscience qui, agressée, ne sait plus à quelle Algérie se vouer !? Il y en aurait, au fait, deux : celle inventée, comme dans l'imaginaire marin, pour être tantôt confisquée, tantôt cédée aux plus offrants ; et celle destinée par la force du faux à être une patrie pour tout le monde !
En attendant de parler d'une troisième, la vraie, il est temps de dire que cet entre-deux sert bien les mal réveillés de leurs doutes, et les sceptiques malades de leurs complexes. Tant que notre histoire reste désertée des auteurs du verbe de la dignité, et donc sans repères éthiques, on aura toujours affaire à cette jonction entre le presque vrai et le tout-à-fait faux !
Croisés dans le boulevard des idées inédites, certains écrits donnent une autre affiche des hommes qui les dérangent parce qu'ils ont eu la force de créer leur propre histoire et le mérite d'en changer bien d'autres. Pourquoi alors chercher une explication civilisée au déjà expliqué par une loyauté à vérifier, et un emplacement dans l'insolite à renverser la cervelle !
Ce qui arrive à une partie de notre histoire n'est sûrement pas une caractéristique algérienne. Schneider, dans ce qu'il appelle «Blessure de mémoire», fait état d'agressions mutilant les faits et entravant les témoignages.
En vertu de quoi, beaucoup de ceux-ci morfondent dans les sous-sols de l'indifférence ! En fait, la mode de se faire sculpter un personnage puisé sinon dans le néant dans le réservoir d'autres notoriétés, vraies celles-là, est un lieu commun pour le narcissisme outre mesure, l'egologisme absurde et le polémisme qui incline à croire que cette phase de l'Algérie reste prisonnière de ses archaïsmes. Dans presque toute la littérature autobiographique de guerre, qui n'a rien de travail mnémonique sérieux, on n'y croise pour le mieux que l'abus de s'autoproclamer héros, au prix d'écarter de son chemin tout énoncé gênant.
Dangereux mélange des faits et des genres et surprenante proximité des choses sans rapport, que peu d'opinions ont su récuser ou dénoncer, dans des réactions assez contrariées matériellement pour faire le parallèle avec l'autre rive d'une Histoire pleine d'histoires !
Autant il est vrai qu'entre similitudes impossibles et différences évidentes, deux pages de notre existence se voient s'entrechoquer : l'une s'efface à la faveur du ridicule, l'autre s'écrit pour ne rien dire. Autant il est vrai aussi que là où il y a abus de mémoire, il y a abus d'oubli !
Que le lecteur soit rassuré, il ne s'agit pas dans ce propos d'un citoyen du monde anonyme qui a pris le chemin le plus court vers cet hommage tardif. Il ne s'agit pas non plus d'un détail de l'histoire, décontextualisé des grands moments que notre pays a connu, et qui se faufile, incognito, entre les doigts du non-sens. Même si la mémoire de l'Algérie debout, de Meynier à Stora, de Charles-André Julien à Olivier Le Cour Grandmaison et Annie Rey-Goldzeiguer, en passant par Harbi, Ousseddiq, Cheurfi et j'en passe ; et même si la bibliographie d'une autre Algérie, qui n'existe plus que par ce qui reste des monuments vivants, a essayé, dans des dispositions différentes, de s'en rappeler. Mais cela suffirait-il pour aller au bout du témoignage ?
Oui ! C'est de maître Youcef Benabid qu'il s'agit. Venu au monde un mercredi 13 mars 1912, au douar Maoklane (Sahel Guebli dans le vocable d'alors, commune mixte de Guergour), où son père, Chérif Ben Youcef, était caïd jusqu'à sa mort en 1943. Descendante du célèbre mystique de Miliana, Sidi Ahmed Ben Youcef (m.1524/931 de l'hégire), et installée dans la région en plein XVIIIe siècle, sa famille fut l'une des plus influentes de l'Est algérien. Il entama sa scolarité en1920-1921.
Passé au collège en 1926-1927, puis le secondaire dans ce qui s'appelait alors Collège colonial Albertini, à Sétif (lycée Mohamed Kerouani aujourd'hui). Sitôt bachelier, il entama, en 1937, une carrière d'enseignant à Lafayette (Bougaâ aujourd'hui), Tinibaouine à N'gaous en 1937, puis à Toudja, près de Béjaïa, et enfin à Guenzet (au nord de Bordj Zemoura), en 1940.
Des dispositions matérielles pour le moins difficiles ont entravé sa graduation. Ce qui l'a obligé à s'inscrire, à distance, à la faculté de droit de l'université d'Alger. D'où il fut diplômé, en 1941, et fit, la même année, son stage à Bougie, chez Me André Pfender, et prêta serment, l'année d'après, c'est-à-dire en 1942. Sa vie politique commença avec l'UDMA dont les listes le firent élire, en 1948, comme représentant de la région de Bougaâ. Il en démissionna, pour être réélu deux ans après, en 1950, sur une liste libre.
Durant cette période, et tout en étant rapporteur de la commission du budget à l'Assemblée algérienne, il fut chargé- lors d'une mission en Italie- de rédiger un rapport sur la réforme agraire, ce qu'il fit avec beaucoup de talent. L'opinion publique ne tarit pas d'éloges à son égard.
Ce qui lui a valu d'être élu à l'Assemblée algérienne. Son parcours politique ne fut pas de tout repos. Il fut continuellement persécuté par les services secrets français. En 1945, la PRG (Police des renseignements généraux), à Bougaâ, le soumit, dans des conditions inhumaines, à un interrogatoire sauvage. Enlevé de son domicile à six heures, il ne rentrait que la nuit tombante.
En fait, les colons avaient pris une large part à ces séquestrations. Exerçant même sur la police une pression, allant dans le sens d'une liquidation physique. Sans l'intervention d'un agent de la sécurité (Algérien naturalisé du nom de Gabriel), qui s'était fortement interposé à l'idée de l'assassinat de Youcef Benabid, le pire aurait pu avoir lieu. Après quoi, il fut emprisonné à Aïn Kebira, trois mois durant. Ne recouvrant la liberté qu'après l'amnistie générale décrétée en 1945. Son cheminement vers le maquis commença, un jour de décembre 1957, à Bougaâ.
De là, il s'en alla par Theniet Al Megsem où il laissa sa Traction qu'il conduisait lui-même, passa par douar Hmamcha, à dechret Bel'ian, aux parages d'Akbou où il fit une pause de quatre jours, et de là au PC (poste de commandement) de la wilaya III à Tamgout près de Azazaga. Son guide dans cet itinéraire était son compagnon d'armes et ami de post-indépendance, si Tahar Al Wafi. C'est la résultante d'un long militantisme expliqué à ses proches dans une lettre datée de février 1958 : «Je m'excuse de vous avoir subitement quittés, je ne pouvais ignorer l'appel de la patrie qui a besoin du sacrifice de tous ses enfants pour son indépendance.»
De l'aveu de ses compagnons d'armes, entre autres le moudjahid Brahim Belarbi, ancien officier de la Wilaya III toujours en vie, l'intégration effective de Youcef Benabid au maquis fut accueillie comme une victoire diplomatique de taille. Les instances dirigeantes de l'ALN, Amirouche en tête, surent le signifier. La Révolution, de là, venait de se consolider d'un moyen politique à même de changer le cours de beaucoup de choses. Dès le premier jour, il s'acquitta bien de la tâche de responsable de cellule chargé des relations extérieures. Fut chargé aussi de la rédaction de toutes formes de tracts, de rédaction et de réponses au courrier.
L'opération Jumelles, déclenchée par l'armée française le 22 juillet 1959, conduit à sa capture. Il fut soumis à un éprouvant interrogatoire (le deuxième bureau en sait long sur cela). Il ne fut libéré qu'en avril 1960. En effet, au premier jour de sa libération, les services de la SAS le convoquèrent à Maoklane, dans le but de l'assassiner. Il fit l'objet de tirs nourris dans les locaux de l'administration, en compagnie de son frère Ahmed dit Saïd, et ce n'est que miracle qu'ils aient échappé à la mort. Parti en France, il noua des contacts avec le GPRA à Tunis. Une fois dans la capitale tunisienne, le gouvernement provisoire le chargea du budget.
En 1962, il rentre au pays. Installé d'abord à Rocher-Noir (Boumerdès actuellement), comme membre du gouvernement provisoire de Abderrahmane Fares chargé de gérer la période transitoire. Et de l'architecture de l'Algérie post-coloniale. C'est à l'initiative de Youcef Benabid que l'OAIC (Office algérien interprofessionnel des céréales) fut créé. Il en fut le premier président jusqu'en 1964. Son différend avec le président Ben Bella contribua pour beaucoup à sa démission à la tête de cet organisme. Il rejoint le barreau, et reprit ses activités d'avocat, dans le bureau de Me Préat, au 11 rue Didouche Mourad, à Alger.
Entendons par tout cela, que parler de Youcef Benabid, c'est parler du conseiller le plus proche du colonel Amirouche. D'un patriote au sens du devoir aigu, qui a délaissé sa situation professionnelle pourtant performante, ses enfants en bas âge, son statut social favorisé par la crédibilité de sa famille dans ce qui s'appelait dans le temps le Constantinois (particulièrement à Maoklane au nord de Sétif, et à Zemmourah au nord de Bordj Bou Arréridj), au profit de la Révolution.
Disposant, de par son métier, du verbe détonateur des grandes causes, Youcef Benabid est l'auteur de la célèbre Lettre ouverte au général de Gaulle, rédigée à partir du PC de la wilaya III, en 1958, dans laquelle – écrit Atoumi- il lui faisait (part des raisons qui l'avaient poussé à rejoindre le maquis et dénoncer la politique de génocide de la France en Algérie). Elle fut d'abord distribuée en tract, dans le maquis puis parvenue par les moyens choisis par l'ALN à l'époque aux mains des populations. Juste après, l'organe de l'ALN, Al-Moudjahid, à partir de Tunis, la publiera dans ses colonnes, soigneusement mise au-devant des faits attrayants et des textes à retenir.
En parler aujourd'hui, c'est apprendre à avoir le courage des idées, prendre place dans la culture de la vérité et s'armer de la droiture indispensable pour la circonstance, pour revaloriser la contribution des grandes familles (ou du moins beaucoup d'entre elles) aux grands moments de notre pays, en l'occurrence la guerre de Libération nationale. S'il est vrai que beaucoup de mémoires trouées bousculent, à coups de «pour qui vous prenez-vous», certaines de ces familles (dommage que même le défunt Mustapha Lachraf y ait pris part), allant jusqu'à leur contester leur algérianité, il n'en demeure pas moins que la démonétisation de ces mémoires témoigne bien du tort porté à une grande partie de l'élite algérienne (qui n'est pas forcément la plus mauvaise), victime, pour paraphraser le défunt docteur Ahmed Benabid (m.1999), de l'indépendance.
Ce n'est point un tort d'être élitiste si l'on sait adhérer aux malheurs de sa patrie et s'associer au drame général. De toute façon, ni l'oral ni l'écrit ne contrarient cette réalité dans l'histoire de Youcef Benabid. Il a su s'arracher, dans l'honneur et dans la dignité, un droit au souvenir au pays de l'oubli. A l'aube de cette réflexion, je me voyais me déporter sur son souvenir sans vraiment savoir ce que je pouvais attendre d'une telle sollicitation.
Obsession peut-être de résister à mon caractère brumeux, et de surfer au-delà de la configuration réelle et immédiate de mon âge. Dans la psychologie de tout écrit de ce genre, il me semble qu'on a besoin de se laisser aller dans une cartographie d'altérité. Sans quoi, on ne peut aller au bout de ce qu'on veut dire. C'est pour cette raison que Youcef Benabid s'est voulu plus qu'un souvenir à mon chevet. Je m'y lie quand le doute fait son ménage dans ma nuit !
Ce ne sera pas une prétention- et si c'en est une, je sais qu'il me l'aurait pardonnée- que d'être à l'affût d'une silhouette mystifiée à force de s'écarter de la trajectoire de l'ordinaire, de son vivant, et d'ajouter -pour reprendre les termes de Michel Foucault- une figure à l'atlas de l'impossible, une fois mort ! Une vie pareille, on ne peut la transposer dans la langue du mythe que si le cœur y met de son encre. Garcia Marquez aurait dit qu'«il faut la vivre pour la raconter ». Il n'a pas tort !
Dans cette traversée de la mémoire, il ne me sera pas facile de mesurer ce que je dois dire et ce que je ne dois pas dire, d'un homme à travers lequel je voyage dans le temps que je n'ai pas connu, et dans la topographie que je n'ai sillonnée que bien plus tard. Le faire serait prendre les faits en miniature et la vérité en otage. Ce que je ne peux me permettre par respect pour ce qu'il a été et pour ce qu'il représente pour moi ! Voué, par des qualités morales exceptionnelles, à faire partie de l'humanité à laquelle on voudrait appartenir, Youcef Benabid investit le champ de la mémoire qui ne veut plus résister au mutisme.
Ce sera-là la première justification de cet arrêt sur sa personne ! La deuxième sera encore le questionnement sur le problème que pose toujours le culturel au politique en Algérie, dans le sens où l'entend l'histoire et ses anathèmes. La troisième, il la trouvera dans des raisons ontologiques, pas forcément personnelles, qu'un autre écrit élucidera.
Tel que je l'ai connu enfant, et tel que le recul me l'a décrit, ce n'était pas un homme que l'indifférence pouvait avoir à son menu. Ajoutant au brun oriental un teint de planète sans couleur, il eut une silhouette où se retrouvaient le goût pour le défi, les allures du profond, l'assurance d'un esprit fait pour conjuguer l'histoire à tous les temps. Un corps, certes pas très grand, mais suffisamment bâti pour concilier l'Ici et l'Ailleurs, sur lequel venait se poser une emblématique tête intelligente.
Un front sur lequel se dessinaient les joies d'une enfance rangée, comme à l'école, dans un cahier à n'ouvrir qu'une fois l'heure des choses sérieuses venue. Qui laissait facilement entrevoir les chagrins des moments difficiles vécus à la place des autres. Des yeux au marron tendre et rêveur, d'où émanait un regard plutôt ferme. De quoi dire que le vers d'Al Mutanabbi lui allait sur mesure :
A un esprit très grand, un corps, même fort, ne peut se mesurer !
Au croisement de deux cultures, il ne semblait pas avoir un quelconque problème d'identité. Lu à travers une oralité qui prolonge des archives absentes que l'occultisme dispute à la négligence, on a forcément de lui l'image de l'intellectuel doublé d'un destin de rebelle irréductible. Un attachement aux valeurs du sang et de la terre a fait qu'il soit la toile de fond d'un changement à venir, d'une page de l'Algérie à écrire. En somme : le tout d'un grand homme !
On le disait dans des dispositions proches de celles d'aujourd'hui : l'histoire de certaines personnes ne criera jamais assez à l'injustice rien que parce qu'elles viennent d'un «certain» groupe social. Aussi, elle ne clamera jamais assez son innocence de ce que ces mêmes examinateurs de conscience peuvent les traiter. Aux nouvelles générations, comme si leur mal de réception était une évidence, il a été dit que tous les caïds étaient des traîtres et que tous leurs enfants, par définition, sont restés coupés du discours patriotique. Rien de plus faux et de plus injuste, car on aboutira sur le même constat d'ambiguïté et de contrastes en rappelant la disparition de Abane et de bien d'autres. Etaient-ils traîtres eux aussi ?
Aux yeux de qui l'étaient-ils ? Il y en a des familles, les Ben Ali Cherif, Ourabah, Ben Chennouf, Ben Gana, Benabid aussi- dira Mahmoud Ourabah- (témoignage repris par Harbi et Meynier) qui savaient être proches des populations et pouvaient les préserver des torts de l'administration coloniale. Le FLN admettait leur positionnement extra-maquis, car il permettait à ces familles d'être garantes d'une médiation sûre entre l'ALN et l'ensemble des populations.
Qui, pour une tâche pareille, aurait le droit de les taxer d'aller dans l'autre sens, à moins d'une contre-lecture par trop sadique et sans scrupule. C'est dans ce sens alors, qu' (Amirouche… ne pouvait pas apprécier l'action, menée un peu par tradition…et du fait que beaucoup de membres de cette famille «Benabid» (nous soulignons) et d'amis se trouvaient à des postes administratifs qui pouvaient rendre beaucoup de services à la population, action de cette « Grande famille» pour « humaniser», avant la lettre, cette Guerre de libération durement et trop longuement supportée par des populations civiles quotidiennement placées entre le marteau et l'enclume…)
Il faut dire qu'une pseudo-histoire, négationniste et à l'occasion lucide de ses origines intellectuelles modestes, et par définition continuellement furibonde contre tout ce qui peut lui rappeler certaines de ses conditions, a mis au-devant de la scène une textomanie bizarre qui déverse à l'endroit des personnes et à l'envers des idées. Ce qui a fait qu'une des valeurs sûre de l'Algérie révolutionnaire, en l'occurrence Si Youcef Benabid (son nom révolutionnaire) soit livrée aux humeurs d'écrivains mal éclairés.
Certains d'entre eux, Gaid Mouloud et Abdelkrim Bou Safsaf, et à un degré moindre Yahya Bouaziz , font preuve de scepticisme gratuit en amputant aux symboles de cette famille des rôles qui n'étaient pas les leurs. Pourtant les faits ont un autre versant. Harbi et Meynier- suite à Mahmoud Ourabah- proposent que (les deux plus éminents membres de la famille Benabid, l'avocat Youcef Benabid, ancien délégué à l'Assemblée algérienne, et le docteur Ahmed Benabid, ancien conseiller général, allaient rejoindre le maquis).
Présentant Youcef Benabid comme ancien vice-président de l'assemblée algérienne et rapporteur général du budget, Atoumi dit que le dernier démissionna de ses fonctions d'élu et déclina l'offre de faire partie de la commission administrative du département de Sétif. Digne désistement que Si Youcef n'a pas cherché à cacher, dans un écrit qui restera dans les mémoires : «Je faillirais gravement à mon devoir si je devais contribuer à l'enlisement du problème algérien en laissant croire par ma présence, que cette mesure (la constitution administrative) aurait une influence quelconque sur les douloureux et tragiques événements que nous vivons.»
L'histoire personnelle de Youcef Benabid, il la voulait liée à celle de sa famille. Laquelle résume une anthologie parsemée de faits relevant du mythe d'antan, dans l'Algérie du XIXe siècle et d'après. C'est vrai que quand le mythe s'en mêle, le destin ne peut que suivre ! Autre chose, il ne semble avoir dit et laissé dire de lui que ses idées, le long d'un parcours interrompu un tant soit peu prématurément dans l'enceinte d'un engagement inconditionnel pour l'Autre ! Un Autre, multiforme du reste, prenant corps dans la patrie, les proches et autres rongés par le mal-être et les soucis de l'existence !
Oui, il est temps de le dire, pour vivre pour les autres et non à travers eux, il faut d'abord s'appeler Youcef Benabid. Des leçons dans ce sens il pouvait en donner à n'importe qui, et ce n'est sûrement pas sa progéniture à laquelle il a trop manqué qui dira le contraire. Elle qui le réclamait sans le trouver à l'évidence, parce qu'il y avait toujours au large une paternité à offrir ou une âme désolée à étreindre ! Le défunt Youcef Benabid ! Un nom qui n'a pas trouvé une extension à sa dimension. Il va sans dire qu'on ne puise l'essentiel de ses souvenirs que dans une pensée éphémère ou une noyade rétrospective dans l'inconscient !
C'est vrai qu'écrasé par le poids de sa personnalité sensible et métaphysique, son entourage immédiat et lointain n'a pu gérer ce patrimoine qui appelle à la sauvegarde ! La porte de cette vie pas comme les autres se referma un lundi 14 septembre 1971, dans un accident de la circulation en banlieue parisienne, en revenant des stations thermales de Divonne-les–Bains, en Suisse. Une perte qui a coûté à l'Algérie une dette de mémoire pas encore remboursée ! Le sera-t-elle un jour ?


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