Si la troïka formée par Nidaa Tounes, Ennahdha et l'UPL, soutenue par Machrouaa Tounes et le bloc nationaliste, ont réussi à faire passer le projet de loi de finances 2018, cela n'augure point d'une stabilité permanente. A peine le projet adopté par l'Assemblée des représentants du peuple que l'on parle déjà d'un remaniement ministériel imminent. Un remaniement qui pourrait intervenir au plus tard début janvier prochain et qui serait dicté par les désaccords, qui se font sans cesse jour au sein de la coalition gouvernementale, issue du «Document de Carthage», au point que l'on est arrivé à une sorte de dialogue de sourds entre ses composantes essentielles, notamment avec les partis Afek Tounes, Al Massar, la centrale ouvrière UGTT et patronale Utica. Les observateurs remarquent facilement des divergences entre Ennahdha et Nidaa Tounes auxquels se sont joints l'UPL de Slim Riahi, d'une part, et, d'autre part, Afek Tounes et Al Massar, soutenus par Machrouaa Tounes et l'UGTT. L'examen puis le vote de la loi de finances ont démontré que, contrairement à ce qui se dit, le consensus tant vanté, autour du gouvernement Chahed, n'a pas bien fonctionné. Des dirigeants de l'UGTT, d'Afek Tounes ou d'El Massar n'ont cessé de critiquer Nidaa Tounes et Ennahdha. Les premiers rendant les seconds responsables de la dégradation de la situation économico-financière du pays, par «leurs décisions populistes», selon les termes du leader d'Afek Tounes, Yassine Brahim. Divergences Les deux camps ne sont d'ailleurs pas contents des prestations de l'équipe de Chahed. D'un côté, Yassine Brahim critique les mesures décidées, dans le cadre de la loi de finances 2018, qui vont à l'encontre des appels de libéralisation de l'économie et l'intégration du secteur informel dans le système légal. Le dirigeant d'Afek Tounes ne cible pas directement le chef du gouvernement. «Youssef Chahed a une équipe qui n'est pas sienne», a dit le dirigeant d'Afek, dont les critiques sont partagées par la présidente de l'Utica, Wided Bouchemaoui, qui déplore «l'absence d'encouragements à l'investissement». D'un autre côté, les interventions de Fadhel Ben Omrane, député de Nidaa Tounes, ont pointé un conseiller du chef du gouvernement lui faisant porter la responsabilité de l'inclusion de la Tunisie sur la liste noire des paradis fiscaux publiée. Fadhel Ben Omrane a appelé à son limogeage. Cet ex-président du bloc parlementaire de NidaaTounes a exprimé son refus de l'approche socioéconomique du gouvernement. Enième test Les débats budgétaires ont permis aux partis politiques de tester l'équipe gouvernementale en exercice. Certains ministres se seraient montrés incapables de défendre leur projet et de convaincre les députés et l'opinion publique. Les partis politiques aux aguets se sont interrogés si ces ministres «servent vraiment à quelque chose», comme l'a dit Khaled Chouket, membre du bureau politique de Nidaa Tounes et directeur de son centre d'études, dans son rapport d'évaluation de l'action gouvernementale. Selon lui, le gouvernement d'union nationale, dirigé par Chahed, a moins réussi que celui de Habib Essid, «même dans la guerre contre le terrorisme», constat contesté par les partis Machrouaa Tounes, Afek Tounes et la centrale ouvrière UGTT, qui soutiennent Chahed. La formation du Front parlementaire progressiste (Machrouaa Tounes, Afek Tounes, une dizaine de députés de Nidaa Tounes et des indépendants) a compliqué davantage la situation. Elle a provoqué une réaction consistant en la création d'une nouvelle troïka composée de Nidaa Tounes, Ennahdha et l'Union patriotique libre (UPL), ce qui a compliqué la confusion régnante et poussé les observateurs à parler d'un remaniement ministériel. Les partis majoritaires (Nidaa Tounes et Ennahdha) veulent chasser les réfractaires. Une chose est toutefois certaine, c'est qu'aussi bien Nidaa Tounes qu'Ennahdha ne peuvent agir sans l'aval du président Béji Caïd Essebsi et du leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi. Ces derniers paraissent soutenir Youssef Chahed, tant qu'il parvient à gérer la situation. Mais jusqu'à quand ?