«Nous voulons, sur décision du président de la République, rendre un hommage à l'artiste qui a composé l'hymne national et qui nous a donné un des symboles de l'Etat algérien. C'est immense comme geste. Donc, l'Algérie lui est reconnaissante en donnant son nom à l'INSM, une importante institution culturelle nationale», nous a déclaré Abdelkader Bouazzara, directeur de l'INSM. Ahmed Toufik El Madani, qui était à la tête de la délégation diplomatique algérienne au Caire durant la guerre de Libération nationale, a reçu, le 6 mars 1956, une copie du poème Qassaman (Fa Achhadou dans son titre original), écrit par Moufdi Zakaria, en prison. Il été envoyé par Mohamed Khider. «Il m'a demandé de contacter Ahmed Saïd à la radio Sawt Al Arab pour trouver un compositeur en vue de le mettre en musique pour avoir un chant patriotique à la hauteur de l'Algérie. Après cinq mois, seul Mohamed Fawzi a répondu à la requête», a écrit Ahmed Toufik El Madani dans ses mémoires. Dans l'ouvrage Parcours d'un artiste, histoire d'un air, qui vient d'être édité par l'Office national des droits d'auteur (ONDA) à Alger sous la direction de Badr Menani, il est précisé que Mohamed Abou El Foutouh, chef du service Maghreb arabe à l'époque, n'a pas voulu remettre le poème à Mohamed Fawzi, connu par des chansons légères et sentimentales, parfois destinées aux enfants (Min Emta habitek, Fine habibi, Enti wana, Mama zamnha gaya, etc.). La règle à l'époque était de donner des paroles à composer en musique, selon un ordre des compositeurs inscrits sur une liste. Le directeur de Sawt Al Arab a tranché en faveur de Mohamed Fawzi. La durée évoquée par Ahmed Toufik El Madani serait liée au contenu même du poème, puisque le passage «Ô France, le temps des remords est passé» (Ya Farança qad madha waktou el itab) a été supprimé après. La première version de Qassaman a été interprétée par la chorale de Sawt Al Arab, écoutée pour la première fois par la direction de la Révolution, l'été 1957 à Tunis. La composition de l'hymne national algérien a connu trois périodes. «D'abord, il y a eu la composition de Mohamed Touri. Les dirigeants de la Révolution l'ont trouvée quelque peu légère par rapport à un chant patriotique devant porter la force du combat libérateur. Il en a été de même pour la proposition musicale du Tunisien Mohamed Triki. Ce dernier a alors proposé un air pour chaque couplet. Il a ajouté le six-quarts et le mi-quarts, qui ne peuvent être joués par les cuivres. C'est finalement la troisième version, celle de Mohamed Fawzi, qui a été retenue», a expliqué Abdelkader Bouazzara. Mohamed Touri a fait appel à plusieurs artistes, entre chanteurs, musiciens et comédiens, pour interpréter Qassaman en chorale, comme Tayeb Abou Hassan, Boualem Raïs, Hadjira Bali, Saïd Kechroud, Mustapha Badie, Abderrahmane Leghouati et Hassan Hassani. Selon lui, Mohamed Fawzi n'a pas voulu être payé pour son travail. «Il a dit qu'il offrait la composition de l'hymne national en cadeau à la Révolution algérienne. Un cadeau de fraternité et d'amour entre les peuples égyptien et algérien. Il a d'ailleurs lui-même payé l'enregistrement en studio, les musiciens et la chorale», a-t-il confié. Le compositeur algérien, Haroun Rachid, a ajouté, en 1959, l'introduction rythmique à Qassaman en s'inspirant des sons émis par les rafales d'armes. «Haroun a dit qu'il fallait préparer les Algériens à écouter leur hymne, tout en soulignant l'importance de se battre. Son introduction était une réussite», a expliqué l'ex-directeur de l'Orchestre symphonique national (OSN). Ce matin, l'orchestre et la chorale de l'INSM interpréteront, lors d'une cérémonie, Qassaman devant plusieurs invités, dont les familles de Mohamed Fawzi, Haroun Rachid et Moufdi Zakaria. Une soirée hommage est également prévue à l'Opéra Boualem Bessaïeh d'Alger à partir de 19h.