Les Egyptiens ont amputé des passages critiquant la France dans Qassaman, l'hymne national algérien, lors de la composition musicale, pour des raisons politiques. Ils avaient supprimé le passage ‘Ya Farança kad madha waktou el itab' (Ô France, le temps des reproches est révolu) et changé un autre passage qui était ‘lam takoun tousghi Farança idh natkna' (la France ne nous écoutait pas), devenu ‘lam yakoun yousgha' (on ne nous écoutait pas). Personne ne s'est rendu compte de la disparition du mot ‘France' de ce passage», a révélé hier, au centre Mustapha Kateb à Alger, Lamine Bechichi, lors d'un débat organisé à la faveur de la semaine culturelle de l'Agence nationale de communication, d'édition et de publicité (ANEP). M. Bechichi a expliqué cette censure par la situation de l'Egypte en 1956, après la nationalisation par Gamal Abdelnasser du canal de Suez. «Cela avait suscité une grosse polémique. La situation était donc tendue. Israël avait fait alliance avec l'Angleterre. Les Egyptiens ne voulaient pas avoir la France sur le dos. A l'époque, la propagande française prétendait que l'Egypte soutenait les nationalistes algériens, alors que ceux qui combattaient les Français étaient bel et bien les Algériens, pas les Egyptiens ! Aussi, les autorités voulaient-elles éviter tout problème supplémentaire avec la France, d'où l'amputation de Qassaman», a-t-il expliqué. Lamine Bechichi a précisé que l'hymne national algérien a été composé par l'Egyptien Mohamed Fawzi, qui était inscrit à Radio Sawt El Arab au Caire. «Dans cette radio, les compositeurs prenaient des projets suivant un ordre mentionné sur une liste. Le jour où l'hymne national algérien devait être pris en charge, c'était le tour de Mohamed Fawzi. Or, Fawzi était connu pour la composition de chansons d'amour et de chansonnettes pour enfants. Il lui avait été demandé de laisser sa place à un autre compositeur pouvant mieux appréhender un chant patriotique. Fawzi avait refusé. Il s'était engagé à former l'orchestre et choisir le studio d'enregistrement en payant de sa poche. Le résultat fut surprenant», a précisé Lamine Bechichi, lui-même auteur-compositeur et ancien directeur général de la Radio algérienne. «Le texte, composé de cinq couplets, a été composé en Algérie à la fin de 1955, puis en Tunisie par Mohamed Triki qui avait mis une musique différente pour chaque couplet. C'était le générique de l'émission ‘Sawt El Djazaïr' en Tunisie. A l'époque, je lisais à l'antenne le commentaire politique écrit par Abdallah Cheriet alors que Aïssa Messaoudi présentait les informations militaires. Abane Ramdane, à travers Benyoucef Ben Khedda et Lakhdar Rebah, suivait l'élaboration de l'hymne national. Il était apparu inacceptable que la musique change à chaque couplet du poème de Moufdi Zakaria. Ahmed Khider avait donné le texte à Ahmed Tewfik El Madani, qui l'avait remis ensuite à Ahmed Saïd afin de trouver un compositeur au Caire, pour élaborer une musique correcte à l'hymne national», a-t-il indiqué.