Lasga Rabah, inspecteur d'éducation artistique au ministère de l'Education nationale, a, lors de la 7e édition de la Semaine culturelle de la zaouïa El Hilalia El Ilmya, organisée récemment à Chebli, présenté l'historique de la musique de l'hymne national Qassaman. L'auditoire, formé d'anciens moudjahidine, de citoyens et d'élèves, a suivi avec intérêt l'épopée du célèbre poème de Moufdi Zakaria, écrit, selon certaines sources, dans la cellule n° 64, où l'auteur était incarcéré, pour d'autres, il a été commencé dans un magasin que fréquentait le poète, puis achevé en prison et avait pour titre initial: Fach'hadou ! (Témoignez !). Tout commença, selon M. Lasga, quand Hocine Belmili, constatant que chaque groupe avait son chant patriotique, demanda à Abane Ramdane de constituer une équipe pour mettre en place un hymne national qui réunirait toutes les tendances. Le groupe, formé de Lakhdar Rebbah, Benyoucef Benkhedda et Mohamed Khider, avait pour mission de trouver un texte qui s'adresserait au colonisateur pour lui signifier son intention de se libérer de l'oppression et de ne nommer personne (le chant patriotique du Parti du peuple algérien citait Messali). Le poème de Moufdi Zakaria était prêt et répondait aux critères imposés par l'équipe de Abane. Il fut choisi à l'unanimité. Il lui fallait, pour accéder au rang d'hymne national, un arrangement, une composition musicale, capable d'éveiller la fibre patriotique et galvaniser les foules. La première tentative fut celle d'un comédien comique blidéen très célèbre à l'époque sur les planches du théâtre et sur les ondes de la radio, le regretté Mohamed Touri, en 1955. Elle eut peu de succès et ne fut pas retenue. En 1956, lors de l'inauguration de Radio Tunis dans une émission consacrée à l'Algérie, le texte de Zakaria se trouva porté par un nouvel air de Mohamed Etteriki, un grand musicien de ce pays. La commission refusa cette version, plutôt du genre «mouachahate», qui n'incitait pas au soulèvement, à l'engagement, à la révolte. Ce qui eut pour effet d'irriter le Tunisien. L'hymne national et l'égyptien Mohamed Fawzi Le 3 juin 1956, Mohamed Khider et Ahmed Toufik El Madani rencontrèrent l'égyptien Mohamed Fawzi dans l'émission «Sawt-el-Arab», qui leur proposa son arrangement. Mohamed Fawzi était célèbre pour ses chansons pour enfants et ses chansonnettes comiques. On faillit ne pas le prendre au sérieux. Quelques passages du poème furent revus, avec l'accord de l'auteur, pour les besoins de l'arrangement. Le produit éblouit les membres de la commission qui l'adoptèrent sur le champ. C'était un arrangement qui frisait la perfection: les sons et les paroles s'accordaient à merveille. Les notes de musique se confondaient avec les mots et disaient l'indicible : Qassaman, arrangé musicalement par le virtuose égyptien, reflétait tout le génie de Moufdi Zakaria. Le musicien algérien, Haroun Rachid, acheva l'œuvre d'art en ajoutant une introduction au chant sous forme de roulement de tambour, qui évoquait des rafales de tirs. Qassaman était fin prêt. Rien n'y était fortuit, tous les instruments mis en œuvre étaient évocateurs et producteurs de sens : le tambour (rafales) évoquait la guerre, la trompette (caserne) l'alerte, les cymbales (utilisées généralement avant une annonce importante) étaient suivies de «Fach'hadou» ! Les notes de musique, les instruments modernes et leur utilisation et le texte s'alliaient pour faire de Qassaman un véritable chef-d'œuvre.