Le parcours et les œuvres de l'ancien président de l'Académie berbère, Abdelkader Rahmani, (1923-2015) ont été revisités vendredi dernier lors de la projection, au centre culturel d'Aokas, d'un film documentaire suivi d'une table ronde sur la vie de ce personnage oublié. Intitulé «Combattre ?» et réalisé par Georges Mourier en 2003, ce film a suscité un débat parmi l'assistance autour de la problématique des vrais harkis et ceux qui ont amplement servi la guerre d'Algérie sous l'uniforme de l'armée française. Abdelkader Rahmani fut de ceux-là puisqu'il était officier de l'armée française jusqu'en 1956, avant qu'il ne démissionne pour rejoindre le FLN. Dans son village et même chez ses proches, le tabou plane apparemment encore pour la simple raison que le parcours de cet intellectuel d'une dimension internationale est méconnu. Les intervenants ont mis ainsi l'accent sur la nécessité de dépoussiérer les pages de notre histoire et mettre la lumière sur les vrais acteurs de la guerre de libération que d'aucuns veulent enterrer aujourd'hui. Il a été proposé d'organiser un colloque et des actions en hommage à ce personnage pour le rendre plus visible, ne serait-ce que dans la région d'Aokas où il a passé son enfance. Lieutenant de l'armée française, Abdelkader Rahmani est connu pour son opposition aux massacres commis par l'armée française en Algérie, chose qui lui a valu une condamnation de 7 ans de prison et la résidence surveillée pour «tentative de démoraliser l'armée française». En 1957, il démissionne de l'armée avec 52 officiers algériens pour rejoindre le FLN, mais à son arrivée à Aokas, il est conseillé par son entourage familial de revenir en France sous la menace d'être tué étant considéré comme harki. Bien que sa décision de quitter les rangs de l'armée française ait été quelque peu tardive et suscite encore des interrogations, l'enfant d'Aokas faisait partie de cette élite qui a choisi le chemin de la solution politique pacifique de la question algérienne loin des massacres et de l'écoulement du sang. Il tira la sonnette d'alarme par tous les moyens, même en étant prisonnier, aux hautes autorités françaises et à l'international sur l'atrocité de leurs actes en Algérie. Il fut l'un des collaborateurs diplomatiques de Krim Belkacem et mandaté par la Fédération de France du FLN pour la médiation avec les autorités françaises. Fondateur et premier président de l'Académie berbère, il fut contraint de s'exiler de l'Algérie pour son engagement en faveur de la question amazighe jusqu'à son décès. Un parcours plein d'autres actions politiques et d'ouvrages sur l'anthropologie et la culture berbère pour ce brillant diplomate pacifiste que malheureusement peu d'intellectuels évoquent aujourd'hui. Pour rappel, la projection de ce film documentaire entre dans le cadre des festivités de la semaine culturelle organisée du 9 au 16 du mois courant, au centre culturel en hommage à la famille Rahmani (Slimane, Abdelkader et Louiza). Cette manifestation organisée par l'association Azday Adelsan n Weqqas a été marquée par la tenue d'une expo-vente de livres de différents domaines (littérature, sciences sociales, livres scolaires…). Une conférence-débat en hommage à l'écrivain-ethnologue Slimane Rahmani (1893-1964), un gala artistique, des récits poétiques et un monologue ont été animés par des artistes et poètes de la région.