Ce n'est pas une charade intelligente mais une échelle de désirs ; le premier habite dans un bidonville mais veut habiter dans un immeuble. Le second habite un immeuble mais veut habiter une villa. Le troisième habite une villa mais veut habiter au Club des pins. Le quatrième, enfin, habite au Club des pins mais veut absolument y rester et surtout ne pas retourner dans l'une des trois premières catégories. Mon tout est l'Algérie, vaste terre où tout le monde n'est pas forcément à la place qu'il mérite, mais où chacun pousse son voisin pour habiter quelque part. Que l'on vienne d'un bidonville ou d'un immeuble, l'un des fondamentaux du pays est que la consécration est d'habiter le Club des pins, signe indéniable de pouvoir, d'appartenance et de puissance, signe indiscutable que le régime vous a adoubé et que vous êtes des leurs, digne notable qui mérite de partager avec lui le gîte et le couvert. Dans cette luxueuse résidence payée par le contribuable mais qui n'est pas l'AADL, qui sent bon l'iode marin et la corruption de voisinage, on y trouve d'ailleurs de tout ; des ministres à temps partiel, de vieux sénateurs en thalassothérapie, des vendeurs d'opinion et de bouées de sauvetage, des chômeurs à double fond, des commerçants d'âmes et de mécaniques humaines, et même des gens qui réfléchissent. A ce titre, au lieu d'envoyer la police, la gendarmerie ou les CNS réprimer violemment les manifestations dans les bidonvilles, l'Etat devrait envoyer un explicateur chargé de leur donner la définition d'un bidonville. Oui, finalement qu'est-ce qu'un bidonville ? C'est une zone située en dehors du droit, fermée sur elle-même et cernée par des gendarmes, surpeuplée et où personne ne paye l'électricité, régie par la loi du plus fort où l'on rencontre souvent des voyous et très peu d'Etat. Vu comme ça, le Club des pins est un bidonville. Pourquoi tout le monde veut y habiter ?