Elle a une forte relation avec l'Algérie et son peuple, ce qui l'amène à consacrer son premier roman à un Algérien faisant partie de ceux qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, par simple humanisme et au péril de leur vie, ont sauvé des juifs de la déportation par les nazis. Ce sont nos frères et leurs enfants sont nos enfants, se veut très pédagogique par son contenu et reprend certains épisodes méconnus de l'histoire de l'immigration algérienne en France durant une période cruciale de l'histoire moderne. Mais, avant d'arriver à ce moment, le lecteur doit faire un détour par Ghaza, la ville martyre qui n'en peut plus des bombardements de l'armée israélienne. Dans l'enfer des pilonnages incessants et des explosions meurtrières, le lecteur fait connaissance avec Leïla, jeune reporter franco-algérienne qui a décidé de témoigner de cette horreur grâce à sa caméra. Leïla est très courageuse, car elle a bravé les interdits de sa famille, les reproches de ses amis et la mauvaise conjoncture politique pour se mettre en danger. Son but est de rapporter à l'opinion publique une réalité qui est souvent occultée par les médias occidentaux. Cela met en péril sa vie et elle est atteinte par l'explosion d'une bombe. Sur son lit de rescapée à l'hôpital, elle se réjouit d'avoir échappé à une mort certaine. L'infirmière qui la soigne déplore son attitude téméraire en lui disant qu'elle aurait mieux fait de rester à Paris, bien au chaud chez elle. Cette partie du récit est très intéressante, car elle pose la question du travail journalistique et l'implication des reporters sur le terrain à la recherche de l'information. Suite à son hospitalisation, Leïla ne pouvait rester dans cette zone de conflit permanent et revient donc en France pour retrouver sa famille. Mais ce voyage lui pose un autre problème, celui de l'incompréhension de son amie de toujours, Anne. L'auteure retranscrit à travers les frottements des deux personnages toutes les frictions générées par le conflit israélo-palestinien en France entre la communauté musulmane et israélite. Ainsi, on apprend que Anne défend de son côté l'Etat d'Israël et ne comprend pas toujours les positions de son amie Leïla. Devant la persistance du quiproquo, les deux familles d'Anne et de Leïla continuent pourtant de s'apprécier, de se respecter et d'être proches. Les deux jeunes filles ne comprennent pas le secret de cette complicité entre leurs familles. Et cela intrigue surtout Leïla qui veut toujours savoir plus sur son grand-père Salah venu de Kabylie et ami de Charles, grand-père d'Anne. Et comme le hasard fait toujours bien les choses, elle découvre le journal de Salah tapi dans les affaires de sa grand-mère. La découverte de ce manuscrit restitue par fragments le parcours de cet aïeul lettré qui fait de son journal une sorte de citadelle intérieure remarquablement décrite par l'empereur romain Marc Aurèle, l'inventeur du stoïcisme impérial qui s'inscrit dans la continuité de la pensée grecque antique. Ce journal écrit sous forme d'une multitude de lettres adressées à une seule personne, à savoir Khadija, commence à Alger le 19 août 1939, c'est-à-dire la veille de son départ pour Marseille à bord d'un bateau. Rapidement, le lecteur découvre que Khadija est la petite sœur de Salah et que ce dialogue épistolaire à sens unique est salvateur pour son auteur appelé à survivre dans un milieu hostile, comme l'avait fait à son époque Marc Aurèle cité plus haut dans son excellent ouvrage, Pensées pour moi-même. Salah par son remarquable sens de l'observation analyse bien la situation en métropole. Il montre une France insouciante malgré les périls et qui croit que la ligne Maginot, ce mur de défense érigé sur sa frontière est, allait conjurer la menace imminente. Salah agit de son côté comme un observateur pertinent, qui met sa lucidité au service de sa raison. Salah évoque aussi son amitié avec Arezki et Kamel ses deux compatriotes qui militent dans les mouvements nationalistes algériens naissants. Mais Salah parle surtout de sa rencontre avec Charles, juif d'Algérie qui l'a engagé comme employé dans son imprimerie. Rapidement, la barrière employé-patron tombe pour donner naissance à une amitié indéfectible entre les deux hommes. Salah est heureux dans cette imprimerie, lieu de prédilection pour ceux et celles qui aiment les livres. Cette complicité heureuse va être perturbée par l'armistice signée par le maréchal Pétain. Charles et sa sœur Simone seront recherchés par la police à cause de leur appartenance ethnique et religieuse. Salah fera preuve d'une grande abnégation pour les sauver en les exfiltrant à travers la mosquée de Paris et le réseau de ses amis. Nadia Hathroubi-Safsaf nous donne à lire un roman avec des personnages très positifs, loin de cette haine qui plaît à tant de médias occidentaux. Dans les moments difficiles, la littérature peut avoir aussi pour ambition de réparer certaines images abîmées par les poncifs réducteurs et les malentendus historiques.