Le théâtre régional de Béjaïa (TRB) vient de déterrer R'jal Ya H'lalef, une œuvre d'Eugène Ionesco, qui a été déjà mise en scène par Adbelmalek Bouguermouh, il y a vingt et un ans. Le public a afflué en masse pour voir la générale présentée samedi dernier. Face aux gradins d'une salle du TRB archicomble, Omar Fatmouche, qui a adapté et traité la mise en scène, est visiblement très ému. L'homme tenait absolument à faire un travail fidèle à la première version du majestueux Bougermouh. Pari réussi ! Un émouvant hommage est ainsi rendu au grand dramaturge qui avait mis en scène ce spectacle juste avant qu'il ne trouve la mort dans un accident de la route. Une pièce qui a été jouée par le TRB au Maroc, mais jamais en Algérie. Emblématique du théâtre de l'absurde, cette pièce créée en 1959 dépeint une pandémie imaginaire, « le haloufisme », concept algérianisé transposé de la « rhinocérite », maladie qui effraie les habitants d'un village avant de les transformer en rhinocéros. Le spectacle se décline sous différents registres. Tout d'abord le fantastique. L'apparition d'un « halouf » est celle d'un élément surréaliste dans un cadre réaliste. Le comique s'entremêle également par la gestuelle, la faillite du langage, la répétition, mais aussi par l'impression de désordre qui caractérise la pièce. Enfin, le tragique est annoncé dès le premier tableau par le décalage déconcertant de répliques entre Boudjadi et les autres personnages, dont l'instinct grégaire en fait d'eux une masse qui suit sans penser.