Expression n Le Théâtre régional de Béjaïa a présenté, hier, sur les planches du TNA, sa nouvelle production R'djel ya h'lalef et ce, dans le cadre de la 5e édition du Festival national du théâtre professionnel. La pièce raconte comment la propagation d'une maladie sociale contagieuse finit par affecter tous les habitants d'un village. Tout commence lorsqu'un sanglier fait irruption dans les rues du village ; celui-ci sème la panique parmi la population, car, à son contact, l'individu se transforme en un halouf (sanglier). L'on est dans le mythe de Circée. En fait, cette maladie n'est qu'une symbolique : elle renvoie à la corruption et elle touche ceux ou celles susceptibles d'être corrompus. Une corruption qui gangrène la société et qui affecte même les cadres de l'Etat et aussi les intellectuels censés orienter et éclairer cette dernière (la société). Tous deviennent h'lalef et se laissent corrompre, sauf un, Boudjadi, un cadre qui réagit de façon virulente contre le Système. La pièce illustre un vrai cocktail de situations tragiques mais décliné, entièrement, sous l'angle de la dérision, du burlesque et de l'absurde. Une trame lourde en sens et en sous-entendus, «une trame qui s'alourdit davantage, avec la masse des comédiens mis en scène (16 acteurs) et qui ne sacrifie rien à la valeur esthétique de la pièce enjolivée par la qualité des décors et des costumes.» A signaler que cette pièce de théâtre, mise en scène par Abdelmalek Bouguermouh en 1989, à quelques mois de sa disparition, a été mise en scène par Omar Fetmouche, directeur du Théâtre régional de Béjaïa. Cette pièce, qui a été adaptée de Rhinocéros de Eugène Ionesco, a fait l'objet de retouche et d'innovation sans toutefois que le metteur en scène touche au corps de la trame telle que tissée, à l'origine, par Bouguermouh. «Il n'y a pas eu de grandes modifications. On a gardé à 75% la mise en scène originale de Malek Bouguermouh. C'est le meilleur moyen de lui rendre hommage», dit Omar Fetmouche, et de préciser : «On a quand même introduit un traitement de mise en scène (sur la beauté esthétique), j'ai apporté des éléments supplémentaires par rapport à ce que Malek avait laissé, à ce qu'il souhaitait parce qu'on avait déjà travaillé ensemble en 1989, on avait pensé à apporter un plus.» Ainsi, Omar Fetmouche a joué sur la forme, c'est-à-dire qu'il a imaginé une nouvelle esthétique, en y rajoutant, çà et là, des éléments nouveaux, à l'instar des compositions musicales plus diversifiées, des figures chorégraphiques ou des supports vidéo. L'esthétique qui se révèle apparaît manifestement à travers le jeu ; celui-ci est visible, travaillé et élevé. Le jeu, abondant et varié – cela le rend plus prenant et intéressant – est vivant et accrocheur de bout en bout, donc notable. Il s'illustre avec autant d'élan que de pertinence dans l'interprétation de chacune des comédiennes et chacun des comédiens qui, tous, ont intelligemment investi les planches et ce, de façon à lui attribuer une spatialité – ils se sont merveilleusement surpassés. L'espace scénique revêt toute sa portée dramaturgique. l Interrogé sur les raisons l'ayant motivé à reprendre la pièce de Abdelmalek Bouguermouh, Omar Fetmouche répondra : «sincèrement pour deux raisons», d'abord, ça fait 20 ans que Malek Bouguermouh est mort, il a laissé le spectacle inachevé, mais il a laissé des indications scéniques sur son cahier de mise en scène, donc ce n'est que service rendu quand à la pérennisation de l'œuvre d'un homme. Malelk nous intéresse autant que son œuvre et il faudrait que les nouvelles générations connaissent ce qu'est la mise en scène de Malek. » Omar Fetmouche a ajouté : «'c'est une pièces qui s'inscrit dans le nouveau théâtre, celui de l'absurde, dans un théâtre de la contemporanéité, donc ce qui fait que le théâtre de bejaia se félicite de commencer aussi à aborder ce nouveau genre de théâtre pour sortir du théâtre réaliste et nous fait un cas d'école pour nos comédiens, ça nous permet quand même de toucher à différents registres. '» Le résultat, soutenu par un meilleur décor, des costumes plus chatoyants, des morceaux de musique et des chorégraphies plus adaptées, est là dans toute sa splendeur. C'est une pièce à caractère.