Par la voix de son directeur général des enseignements et de la formation, la tutelle annonce la volonté de supprimer les spécialités «dépassées» par les exigences socio-économiques actuelles et «boudées» par les étudiants. Noureddine Ghouali explique par ailleurs que la raison du fort taux de chômage des diplômés universitaires (17,6% contre un taux global de 11,7%, statistiques de l'ONS 2017), par la forte proportion des sortants des universités et écoles spécialisées dans les sciences humaines et sociales (55%), contre 45% pour les sciences techniques. Autre déclaration du DG des enseignements à la Radio nationale, les candidats à l'accès aux universités n'ont pas d'objectifs prédéfinis et n'ont pas de connaissances précises sur les spécialités et filières universitaires. Autant de raisons évidentes donc pour motiver un changement de cap pour l'adaptation de l'université à son environnement. Soit ! Mais à quel environnement doit s'adapter l'enseignement supérieur ? Pour répondre à cette question centrale, il est impératif de définir au préalable le rôle de cette institution du savoir. Est-ce à l'université de former du personnel pour le secteur économique ? si la réponse est positive, interrogeons-nous sur le nombre d'entreprises locales ou nationales qui ont réellement besoin de détenteurs de diplômes de docteur ou même de Master. Rappelons que l'université algérienne produit chaque année quelque 300 000 diplômés, dont plus de 4 000 docteurs, toutes spécialités confondues. Sur le terrain de la réalité, beaucoup de ces universitaires se retrouvent obligés de tarficoter leur curriculum vitae à la baisse pour dénicher un poste de travail bien en dessous de leur statut. On trouvera ainsi des ingénieurs recrutés dans des entreprises qui ont pignon sur rue pour un grade de technicien supérieur avec les tâches et les rémunérations qui vont avec. Alors, si l'objectif du secteur tertiaire de l'enseignement est de répondre aux besoins des entreprises, le parent pauvre de l'éducation, c'est-à-dire le secteur de la formation professionnelle, est le mieux indiqué pour cette phase de l'histoire algérienne. A ce secteur (la formation professionnelle) donc de trouver une formule de fusion avec celui de l'enseignement supérieur en lançant des formations professionnalisantes (LMD professionnel). A l'ère de l'économie du savoir, où la démocratisation de l'accès aux connaissances a diffusé, ce savoir justement, aussi bien dans les universités qu'en dehors de ces institutions, le MESRS doit réfléchir intensément pour trouver l'équilibre entre procurer une formation professionnelle théorique et pratique et développer les questionnements et les savoirs. «On constate une certaine confusion quant à la nature exacte de l'université (cf. Cowen, 1996b). On peut dire, pour définir approximativement la situation, qu'à l'heure actuelle, les universités doivent trouver le point d'équilibre entre la culture universitaire traditionnelle et la culture du marché», (La place nouvelle de l'université et le choc des valeurs : L'université entrepreneuriale dans la société européenne du savoir du professeur Risto Rinne et Dr Jenni Koivula). On voit bien ici que la problématique dépasse le cadre algérien. Avec l'instauration du système LMD, cheval de Troie de la globalisation dans le secteur de l'enseignement, le rôle de l'institution universitaire est un axe central qui devrait être pensé, maturé et pris en charge comme une question de priorité stratégique. C'est un programme d'Etat et un objectif déterminant pour le devenir du pays. La question de l'université doit concerner tous les secteurs de la vie en commun, des secteurs économiques aux institutions publiques et privées. Et pour mener à bien ce genre de projet, rien de plus adéquat que des études sociologiques poussées. Il est donc loin le temps où il faudra se démarquer des sciences fondamentales.