Elle était déjà engagée dans la lutte anti-apartheid quand elle rencontra Nelson Mandela. Leur mariage intensifia sa lutte et l'a mise au devant de la scène, à partir de l'emprisonnement à vie de son époux. Femme à abattre pour le régime raciste, durant les 27 ans de prison de Nelson Mandela, elle a maintenu son nom présent dans le pays et dans le monde. Elle fut à l'initiative de nombreuses actions de révolte et de désobéissance civile. Le gouvernement apartheid l'a emprisonnée, bannie à Brandfort, salie aussi. Mais les Noirs, les Métis et les Indiens sud-africains se sont toujours tournés vers elle et Winnie fut là pour eux, comme en témoigne sa camarade, Sally Motlana : «Malgré les épreuves qu'elle a subies -tout au long de sa vie de femme mariée, dans sa famille, dans la communauté- elle était toujours prête à écouter, à sourire, à consoler. Pour moi, un chef de cette nature est un grand chef. Elle prêtait l'oreille aux plus humbles d'entre nous, elle agissait.» Si Winnie Mandela est parfois mal jugée, les femmes de Soweto, le township où elle a habité jusqu'à sa mort (car elle a toujours refusé d'habiter les quartiers chic de Johannesburg), l'ont soutenue dans les moments les plus difficiles. Elles connaissaient de près ses racines, ses qualités et sa fidélité. Dans le monde, elle fut reconnue par de grandes personnalités des lettres et de la pensée. Pour le philosophe Jacques Derrida, elle était «l'inséparable Winnie qu'ils ont toujours en vain tenue séparée» de son époux. L'écrivaine Hélène Cixous évoqua «le parfum amande des Mandela» en rêvant poétiquement de pouvoir «parler à Winnie Mandela, une personne de haute taille qui arpente le fond de ma pensée». Elle rappela aussi : «Mais le vrai nom de Winnie, son nom noir est Zami. En xhosa, Zami veut dire épreuve.» Un nom prémonitoire. Kateb Yacine l'a mise en scène au théâtre dans la pièce Un pas en avant, trois pas en arrière où il lui a fait dire : «Notre Afrique du Sud sera multiraciale et l'Etat sera socialiste.» Pour Edmond Jabès, Winnie Mandela ne pouvait être «qu'un nom synonyme de liberté». Mustapha Tlili écrivit qu'elle était «la fière et indomptable Winnie Mandela – qui n'est pas vieille et qui n'est pas solitaire, et qui est l'avenir-même». Le Martiniquais Edouard Glissant a écrit des mots d'espoir à propos de la lutte de Nelson et Winnie. Le compatriote de Winnie, l'écrivain Breyten Breytenbach, militant antiapartheid, s'était adressé à elle, sa «sœur», avec ces mots : «Notre cœur est avec toi, l'Afrique sera libérée.» Quant à Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature, elle a créé le personnage de Marisa, qui n'est autre que Winnie Mandela dans un de ses romans où elle parle de «l'éclat lacustre de son regard et du rose lilas de la lèvre s'opposant à la blancheur translucide des canines». Ces reconnaissances ne sont pas un hasard. Winnie Mandela possédait cette puissante volonté, cette présence de femme qui s'était libérée avec ténacité et un humour décapant. Dans un de ses derniers entretiens, elle affirma que si elle devait revivre sa vie, elle choisirait de la revivre de la même façon, même si elle regrettait, en tant que mère, d'avoir été souvent absente pour ses filles, à cause de ses séjours en prison. Son action s'inscrivait dans le rejet total d'un système patriarcal, qui plaçait la femme à la marge de la société, victime de l'apartheid des Blancs et du mépris des hommes noirs. Comme l'explique Diana Mordasini : «De mon point de vue de femme, Winnie Mandela a payé un lourd tribut au machisme de l'entourage de Nelson Mandela.» Son histoire exceptionnelle s'inscrit dans la grande Histoire de son pays aux côtés de Nelson Mandela. Malgré les turpitudes de la vie, c'est dans ses bras que le leader a rendu son dernier souffle. L'icône Winnie Mandela fut saluée en tant qu'identité narrative historique par le prix Nobel de littérature, le Nigérian Wole Soyinka, qui a écrit : «En elle/ Manuscrit rare illuminé, et en ses prophéties/ L'humanité discerne son destin./ Le monde va la lire/ En mille langues».