L'image du président Bouteflika arrivant sur un fauteuil roulant, déposant son dossier de candidature et s'exprimant, dans une voix éteinte, face au président du Conseil constitutionnel, Mourad Medelci, lors de l'élection présidentielle de 2014, avait profondément choqué l'opinion nationale. Contre toute attente et alors que la candidature de Bouteflika pour un 4e mandat faisait l'objet d'une vive controverse, voire de polémique chez la classe politique et au sein de la société d'une manière générale, au regard de son état de santé qui ne s'améliorait pas, comme l'avait prédit son entourage, Bouteflika se lance dans la course électorale et sort victorieux dans un scrutin dont la régularité avait été fortement contestée par l'opposition. Pour tenter de faire passer la pilule du 4e mandat, l'annonce de la candidature de Bouteflika avait été précédée par un laborieux et savant travail de communication prédisant un rétablissement rapide du Président. Tout un scénario avait été élaboré avec la bienveillance de certains médias annonçant, doctement, que le chef de l'Etat reprendrait du service dans les tout prochains jours. Les plus optimistes, à l'instar du Dr Ould Abbès, vont même jusqu'à jurer que le Président va retrouver sous peu l'usage de la parole et sa motricité comme avant. Les Algériens, qui étaient convaincus que c'était le mandat de trop, ont attendu vainement la réalisation des prédictions faites sur la santé de leur Président. Ce 4e mandat finissant aura été ainsi parasité par des débats et polémiques sans fin sur la santé du Président, culminant avec l'appel solennel lancé par un groupe de personnalités respectables pour le rencontrer en vue de s'assurer de visu de son état. Demande qui est restée bien évidemment sans suite et combattue violemment pas les relais politiques et médiatiques proches du pouvoir. A chaque apparition publique du Président, les interrogations sur sa capacité à diriger s'invitent dans le débat politique et poussent l'opposition à revenir à l'assaut, en remettant sur la table la lancinante revendication de la transition politique. Aujourd'hui, le contexte a complètement changé pour Bouteflika et ses soutiens qui s'attelleraient à le remettre dans la course électorale pour un 5e mandat. L'alibi biologique de l'amélioration de son état de santé sur laquelle avaient parié ses soutiens pour convaincre l'opinion de sa capacité à exercer réellement et constitutionnellement ses prérogatives et ses lourdes charges présidentielles apparaît bien difficile à trouver pour l'observateur impartial qui analyse les images du Président – soumises pourtant à la censure – diffusées par la télévision publique. Sa dernière sortie algéroise l'a beaucoup desservi. Mais les chauds partisans de la «continuité» ne semblent pas vouloir pour autant désarmer face aux lois implacables de la nature et au destin. Rattrapés par l'histoire sur le parjure autour de la question de la santé du Président par laquelle on avait motivé sa candidature pour le 4e mandat, ses conseillers politiques changent leur fusil d'épaule en mettant cette fois-ci le curseur sur le bilan du règne de Bouteflika qui mobilise l'énergie du gouvernement et des partis de la majorité présidentielle, avec à sa tête le FLN. L'opposition met en garde contre cette tentative de «coup de force». Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n'a pas eu tort d'annoncer, lors de sa dernière conférence de presse de ce samedi, une hausse sensible du thermomètre politique à mesure qu'approche l'échéance de la présidentielle de 2019.