Le président Bouteflika a accompli, hier, les formalités de dépôt de sa candidature à l'élection présidentielle dans la clandestinité. Les journalistes de certains organes de presse, dont ceux d'El Watan, qui avaient fait le pied de grue depuis le matin pour couvrir «l'événement» bien qu'aucune information officielle n'ait filtré sur le sujet, n'y ont vu que du feu. Le Président serait entré dans le bureau du président du Conseil constitutionnel par une porte dérobée, prenant à contre-pied journalistes et photographes bien naïfs, qui l'attendaient devant la porte officielle. Pourquoi cette crainte de rencontrer les médias dans une cérémonie qui aurait pu constituer, pour Bouteflika, une heureuse opportunité pour confondre ses adversaires, s'il en avait réellement les arguments ? Cette partie de cache-cache que nous a servie hier Bouteflika, fuyant la presse et s'abstenant de faire une déclaration de circonstance à l'opinion, comme s'y sont conformés l'ensemble des candidats qui ont effectué le déplacement au siège du Conseil constitutionnel, va sans nul doute alimenter encore davantage les spéculations sur sa santé et le débat sur la légitimité de sa candidature du point de vue de la raison et du bon sens. Et ce ne sont pas ses propos quasi inaudibles d'une poignée de secondes au JT de 20h d'hier soir qui nous contrediront. A la suite de la publication, le 4 janvier dernier, du communiqué du Conseil constitutionnel précisant que les candidats à la candidature à l'élection présidentielle doivent déposer personnellement leur dossier devant l'institution, l'entourage de Bouteflika apparaissait bien embarrassé par ce coup de Jarnac. Quand on connaît les conditions fortement controversées dans lesquelles intervient la candidature de Bouteflika pour un 4e mandat, sur fond de polémique et de doute quant à ses capacités physiques de prolonger son règne, ce détail procédural a-t-il donc échappé aux stratèges du Président ? S'agissait-il d'un coup de force inspiré par des groupes de pression influents dans les sphères de décision du pouvoir, hostiles à une nouvelle candidature de Bouteflika ? La question vaut aujourd'hui d'être posée. Elle prend, en tout cas, tout son sens quand on la replace dans le contexte de la crise institutionnelle au sommet de l'Etat qui avait agité le sérail il y a quelques jours. De toute évidence, l'objectif visé est – était, car depuis lors, les clans au pouvoir semblent s'être réconciliés autour de la candidature de Bouteflika – de prendre à témoin l'opinion nationale sur l'état de santé réel du Président. Soumis au scanner populaire au cours d'une cérémonie officielle où il ne pourra pas se payer le luxe de faire l'économie de certains détails protocolaires, même en bénéficiant de toute la bienveillance de l'institution que préside M. Medelci, un proche parmi les proches de Bouteflika, tous les artifices de manipulation technique et plastique pour présenter devant le peuple algérien un candidat «normal» seraient vains. C'est manifestement cette épreuve physiquement insoutenable et politiquement risquée que les conseillers de Bouteflika ont tenu à éviter au candidat du système. Les images volées, triturées jusqu'à la caricature, montrées par la Télévision algérienne en certaines occasions, ont plus nui à Bouteflika qu'elles n'ont contribué à soigner auprès de la population son image par rapport à son état de santé. Désormais, Bouteflika sera placé sous le haut contrôle médical de 36 millions de praticiens qui analyseront, décortiqueront au scalpel ses faits et gestes. C'est dire combien sa faible prestation «vocale» et sa gestuelle hésitante d'hier desserviront plus qu'elles ne serviront celui qui s'est mis sur orbite d'un quatrième mandat.