Chakib Khelil était à Londres la semaine écoulée. La visite du ministre de l'Energie et des Mines faisait suite à la réunion dans la même ville de la 4e session du comité mixte algéro-britannique. La Grande-Bretagne, qui développe de nouvelles technologies en matière de prospection gazière, compte sur le soutien de l'Algérie pour sa sécurité énergétique. L'Algérie assure 5% des besoins britanniques en GNL. Sonatrach et British Petroleum (BP) doivent lancer une société mixte pour assurer l'approvisionnement en GNL algérien. Des semaines auparavant, deux importantes missions commerciales, l'une américaine, l'autre britannique, se sont presque croisées à Alger. Olga Maitland, présidente du Conseil d'affaires algéro-britannique, était venue à Alger à la tête d'une délégation composée d'une vingtaine d'hommes d'affaires. « Les entreprises britanniques veulent une plus grande présence en Algérie, tout en assurant une diversification de leurs activités », a-t-elle dit. Cela veut dire que Londres n'entend plus laisser passer de véritables opportunités d'affaire en Algérie et déserter le terrain au profit d'autres puissances économiques. Martin Day, porte-parole du Foreign Office en charge du monde arabe, est venu également à Alger et a rencontré la presse pour dire que Londres ne croit pas à l'existence de « zones d'influence » au Maghreb. Selon lui, les investisseurs britanniques ne trouvent aucun inconvénient à venir en Algérie et n'ont pas besoin de médiation. Shell, BP et British Gas renforcent leurs positions en Algérie et ne sont pas inquiètes par le scandale de Sonatrach puisqu'ils envisagent d'augmenter la valeur de l'investissement pour dépasser les 4 milliards de dollars actuels. Les exportations du Royaume-Uni vers l'Algérie ont augmenté de 83 % en 2009. La venue d'une autre délégation composée de 40 compagnies britanniques est prévue courant 2010. « Ce serait une erreur de rater un pays comme l'Algérie », a confié Olga Maitland. Nicole Lamb-Hale, conseillère générale adjoint au département américain du Commerce, n'est pas loin de cette idée. Elle a conduit une délégation composée de représentants de 24 firmes dont Northrop Grumman, Boing et Motorola. « Nous voulons diversifier notre relation économique en dehors du secteur des hydrocarbures et renforcer notre relation commerciale », a-t-elle dit. Les échanges entre les USA et l'Algérie ont dépassé les 22 milliards de dollars en 2010 avec une balance commerciale favorable à l'Algérie. Les deux pays négocient un accord aérien d'Open sky pour ouvrir les lignes aériennes directes. Pour damer le pion à l'Union européenne, soupçonnée par Alger de bloquer les négociations d'accession à l'OMC, Washington s'est engagé à aider techniquement l'Algérie à rejoindre l'ex-GATT. « Les Etats-Unis respectent la souveraineté de l'Algérie », a dit Nicole Lamb-Hale à propos des amendements à la loi sur l'investissement introduisant la règle du 51-49 au profit du partenaire algérien. Cela rompt avec les critiques françaises et allemandes de cette loi. Cette diplomatie économique est accompagnée par des démarches politiques à portée stratégique. D'abord, Washington a envoyé plusieurs hauts diplomates et représentants des agences fédérales (le directeur adjoint du FBI par exemple), ces dernière semaines, à Alger pour relancer la coopération militaire et judiciaire, et pour encourager l'Algérie à jouer un rôle actif dans la prochaine conférence de New York sur la non-prolifération nucléaire en mai 2010 mais également dans le Sahel. Ensuite, Londres s'aligne sur la position algérienne de refuser le payement de rançon aux groupes terroristes auteurs de rapts, notamment dans le Sahara. « Le gouvernement britannique n'a jamais payé de rançons aux terroristes et il ne le fera jamais », a déclaré à Alger Martin Day. Londres a salué ouvertement les résultats de la conférence des pays sahélo-sahéliens organisée par Alger le 16 mars dernier. Manière d'ajouter une louche à la polémique sur les conditions d'élargissement par les autorités maliennes de quatre activistes d'Al Qaîda contre la libération de l'otage français Pierre Camatte. Londres en profite pour dire qu'il a un point de vue différent et marque davantage de points dans son entreprise de rapprochement avec Alger. « Il n'existe aucune raison justifiant l'inscription de l'Algérie sur la liste des pays à risque. L'Algérie n'est pas un pays exportateur de terrorisme », a soutenu le porte-parole régional du Foreign Office, qui a bien choisi la période pour envoyer à Alger son porte-parole, un diplomate chevronné. Londres et Washington entendent, d'une manière ou d'une autre, s'engouffrer dans une brèche ouverte par la crise actuelle entre Paris et Alger, accentuée par l'affaire Camatte. Le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, qui devait venir le mois de mars dernier, n'est pas venu faute d'une invitation officielle d'Alger. Américains et Britanniques aiment souvent dire qu'ils n'ont pas de complexe avec l'Algérie puisqu'il n'existe aucun passé lourd lié au colonialisme.