Interdiction de prier à l'école. Beaucoup ne s'attendaient pas à cela, mais la ministre de l'Education nationale, pas du tout contredite par le ministre des Affaires religieuses, tente de redonner à l'école sa vocation initiale qui est le savoir. El Watan week-end recentre le débat sur le discours de l'éducation religieuse dans nos écoles. «L'école algérienne est encore loin d'être ce qu'elle devrait être. Au lieu d'inculquer aux élèves ce qu'on appelle éducation religieuse, c'est-à-dire les idées et les pratiques religieuses, nous devrions plutôt enseigner l'histoire comparée des religions et l'histoire de la genèse des textes fondateurs des religions, entre autres les textes fondateurs de l'islam, pour permettre à l'élève de relativiser ces textes dans leurs contextes historiques et ne pas leur donner une valeur absolue qui se transformera très vite en un dogme radicalisateur et destructeur.» Saïd Djebelkheir, islamologue, chercheur en sciences islamiques, est tout à fait d'accord avec la démarche de la ministre de l'Education nationale, qui a tenté cette semaine de réorienter l'école vers sa vocation initiale : le savoir. L'école, dit-elle, est un lieu pour acquérir le savoir ; la prière doit être faite à la maison. Autrement dit : interdiction de prier à l'école. Une déclaration faite en réaction à la décision prise par la directrice de l'école algérienne de Paris ayant sanctionné une élève qui a quitté le cours pour accomplir sa prière. La directrice a fait son travail, explique Nouria Benghebrit. Une déclaration qui n'a, sans surprise, pas plu à tout le monde. Les réactions divergent. Nous assistons depuis deux jours à des scènes à la limite «provocatrices», «débiles», mais aussi de «résistance». Des enseignants qui font la prière dans la cours impliquant même des élèves ! Une forme de réponse à Nouria Benghebrit ! Saïd Djabelkheir est allé loin dans son analyse de la situation, car aujourd'hui, il y a inquiétude, surtout qu'il est convaincu que «le discours des manuels scolaires d'éducation religieuse fait dans l'idéologisation identitaire beaucoup plus qu'il ne fait dans la représentation cognitive». Le scénario du passé ne doit pas se répéter, dit-il. «Nous avons déjà fait l'expérience de l'école qui était sous influence des islamistes durant les années 1980. Tout a commencé par l'apprentissage de la prière et l'ouverture de salles de prière dans les établissements scolaires, puis cela s'est très vite transformé en propagande pro-intégriste directe dans les salles de classe et pendant les cours officiels. Et nous savons tous comment ça s'est fini dans les années 1990. C'est la raison pour laquelle je pense qu'aucun Algérien n'a envie de refaire cette douloureuse expérience.» La proposition du philosophe de se pencher plutôt sur l'enseignement de l'histoire comparée des religions permettra aux écoliers de s'ouvrir sur l'autre, sur la différence et accepter cette différence dans le cadre du vivre ensemble en paix, au lieu d'adopter les idées djihadistes de haine, de takfir et d'exclusion de l'autre. Des idées, insiste encore Saïd Djabelkhir, qui «ne peuvent déboucher que sur le terrorisme». C'est tout le rôle de l'école qui est remis aujourd'hui en question, car elle veut, malheureusement, dit Saïd Djabelkheir, assurer aussi le rôle de la famille, de la mosquée et des institutions religieuses au lieu de se concentrer sur le savoir et la science. Pour Saïd Djabelkhir, «il faut faire la part des choses et savoir ce que l'on veut vraiment former : est-ce qu'on veut former des citoyens ou bien des croyants ? Si l'école se met à former des croyants, je pense qu'elle est mal partie». De plus, sur le plan pratique, selon une didacticienne, il n'est «simplement pas possible d'interrompre le cours quelle que soit la raison». Un fait que la ministre a confirmé hier à l'APN : «Nul n'est en mesure de toucher à l'identité et aux constantes des Algériens. Il y a un calendrier de travail à respecter dans le secteur. Il y a les mosquées qui sont un espace dédié à l'accomplissement de la prière.»