Il aura suffi de la tenue d'un colloque pour se rendre compte de l'état d'arriération du débat intellectuel dans notre pays. Il en ainsi été le cas à l'occasion de la manifestation organisée en commémoration du second anniversaire de la mort de Abdelhamid Benzine, en dépit du thème d'actualité et de polémique pour le moins, « La nation, concept et pratiques », proposé durant deux jours à la Bibliothèque nationale d'Alger-Hamma. Et pourtant, les organisateurs, à savoir l'association des Amis d'Alger républicain, la librairie El Ijtihad et la Bibliothèque nationale, avaient pourtant veillé à faire en sorte que le débat soit le plus représentatif autour du thème en question en sollicitant aussi bien des personnalités politiques et acteurs de la guerre de Libération nationale, à l'instar de Rédha Malek ou Ahmed Akkache, qui fut dirigeant communiste, en plus d'historiens, de sociologues et juristes confirmés comme Mohamed Harbi, Hocine Zahouane, Hamid Aït Amara ou encore Georges Labica et de jeunes universitaires comme Mohamed Lakhdar Maougal ou Houari Touati... Malheureusement, cela n'aura pas suffi à drainer des universitaires ou des étudiants en sciences sociales qui auraient été normalement intéressés, et encore moins de responsables politiques, de parlementaires intellectuellement attirés par un débat susceptible d'ouvrir des pistes nouvelles d'organisation du cadre juridique de nos institutions et de leur fonctionnement... L'un des premiers obstacles est sans doute la langue, puisque toutes les interventions ont été faites en français, mais cela ne suffit certainement pas à expliquer la défection des universitaires et des autres personnalités. Et pourtant, le débat aurait mérité le détour. L'opposition entre le communautarisme et le nationalisme et comment a évolué l'idée de nation sont autant de préoccupations - à côté de celles qui ont trait à la place de l'individu dans la société, c'est-à-dire la citoyenneté - qui ont été abordées au cours de ces deux journées et qui sont en prise directe avec le contexte actuel dans lequel nous évoluons. Autant de questions qui ont soulevé fondamentalement la préoccupation identitaire tant au plan intellectuel que pratique. En d'autres termes, qui sommes-nous ? La place du religieux dans la société et quels rapports au politique ont été débattus, et différentes pistes suggérées comme celle par exemple par Houari Touati d'un « athéisme politique » comme condition d'évolution moderniste de la nation, idée à laquelle d'autres lui préféreront celle d'une progression laïque. Ce ne sont donc pas les occasions d'extrapoler en quelque sorte sur des questions d'actualité et des préoccupations brûlantes qui auront manqué lors de la tenue de ce colloque.