La demande de liberté au profit de l'ex-secrétaire général du ministère des Travaux publics a été rejetée par la juge d'instruction de la 9e chambre, en charge de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, au niveau du pôle judiciaire spécialisé, près la cour d'Alger. En détention provisoire depuis plus de cinq mois, le prévenu compte, par le biais de ses avocats, faire appel auprès de la chambre d'accusation, apprend-on de source proche du dossier. Cette demande s'est imposée après l'inculpation et la mise sous mandat de dépôt, par le même juge, de Mohamed Khelladi, ancien directeur des nouveaux projets (DNP) au niveau de l'Agence nationale des autoroutes (ANA). Entendu à plusieurs reprises en tant que témoin, Khelladi, faut-il le rappeler, est en quelque sorte l'homme par qui le scandale de l'autoroute a éclaté. Il avait aidé les officiers de la police judiciaire du Département de renseignement et de sécurité (DRS) à lever le voile sur les pratiques de la corruption dans le secteur des travaux publics, en particulier dans les marchés de réalisation de l'autoroute Est-Ouest. Il avait gravement mis en cause Amar Ghoul, le ministre, mais également son plus proche entourage, à savoir son secrétaire général et son chef de cabinet, Mohamed Ferache, faisant l'objet actuellement des mêmes chefs d'inculpation, mais le premier est en détention provisoire et l'autre a été placé sous contrôle judiciaire. L'implication de l'ancien colonel de la Marine nationale, dans l'enquête préliminaire menée par les officiers du DRS et dans l'instruction judiciaire (en tant que témoin) n'a pas été sans suite. Le ministre lui a notifié sa mise de fin de fonction suivie, moins de deux mois plus tard, d'un dépôt de plainte à son encontre par le premier responsable de l'ANA, alors qu'à ce jour, celle-ci (ANA), ne s'est pas constituée partie civile pour préserver ses intérêts. Il a été inculpé pour « association de malfaiteurs, corruption, abus d'autorité, perception d'indues gratifications », puis placé sous mandat de dépôt. Entendu dans le fond, Khelladi a réitéré ses révélations et rejeté toutes les accusations portées à son encontre. Selon des sources proches du dossier, Khelladi aurait déclaré au juge avoir lui-même découvert qu'un groupe de personnes, contrôlant les marchés de l'autoroute Est-Ouest, avait été constitué en 2005. Et c'est Bassaïd, dit Sacha, Franco-Algérien, (en fuite à l'étranger pour une autre affaire), qui avait séjourné près d'une année à Pékin (2005), qui lui a révélé avoir été remplacé par Chani Mejdoub (en détention provisoire), pour représenter les intérêts chinois en Algérie. A en croire notre source, Khelladi a déclaré que le groupe en question « était constitué de l'ancien ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui, ses deux neveux, dont Réda, Mejdoub Chani, et un certain Kouidri, de Chlef, représentant du ministre des Travaux Publics, des responsables du groupement chinois Citic-Crcc, tous sous la direction de Pierre Falcon, double nationalité, franco-angolaise, (ndlr, condamné en 2009 pour un trafic d'armes à destination de l'Angola), chargé des intérêts de la Citic en Afrique ». Les informations collectées par Khelladi faisaient état du fait que sur chaque situation financière payée par l'Algérie, une commission de 20 à 30% est donnée à Pierre Falcon, domicilié à Pékin, qui distribue une partie de cette manne aux membres de son réseau dont Chani Mejdoub. Le prévenu a également confirmé la visite en Algérie de Pierre Falcon, « reçu à l'époque par Mohamed Bedjaoui, en tant que ministre des Affaires étrangères, sans passer par le protocole habituel, mais aussi par Amar Ghoul ». Huit millions de dollars pour chaque kilomètre d'autoroute Ces commissions sont en fait incluses dans les prix unitaires de la soumission présentée par les Chinois. Le prévenu a en outre démenti avoir une quelconque relation avec ces contrats, du fait qu'il n'a assisté à aucune étape de ces transactions. « La seule commission à laquelle Khelladi reconnaît avoir pris part, c'est celle instituée pour comparer les réalisations de l'autoroute Est-Ouest avec celles du monde. Il s'est avéré d'ailleurs qu'un tronçon d'un kilomètre coûte à l'Algérie 8 millions de dollars au lieu d'un maximum de 6 millions de dollars dans d'autres pays. Cette somme couvre l'ensemble des équipements nécessaires alors que le montant de 8 millions de dollars ne couvre en Algérie que la réalisation. Ce qui a confirmé la pratique de corruption dans les marchés », a noté notre interlocuteur. Selon lui, Khelladi ne savait pas que parmi le groupe impliqué dans cette affaire, se trouvait un colonel des services de renseignement ou de l'armée. Il a précisé que tous les actes de paiement des situations financières étaient avalisés par l'ANA et les bureaux de contrôle technique, choisis tous par l'ANA, et la plupart de leurs experts sont du MSP ou des proches des responsables de l'agence des autoroutes. Khelladi, a souligné notre source, ne pouvait être corrompu par les sociétés chinoises et japonaises, lui qui s'est opposé à la prolongation des délais de réalisation et insistait pour instaurer des pénalités financières contre les retards. Entendu sur ses relations avec le groupement chinois Citic-Crcc, le prévenu, a affirmé notre source, a nié toute gratification mais a reconnu avoir envoyé sa femme et ses deux enfants à Pékin pour des soins, financés par les Chinois et sur leur insistance, après avoir remarqué le handicap d'un de ses enfants et la maladie de son épouse. Notre source a relevé que Khelladi a rejoint les siens, toujours avec une prise en charge chinoise, après avoir informé le ministre, son chef de cabinet et son secrétaire général. Il a par ailleurs expliqué à propos du paiement d'une facture relative à des travaux supplémentaires au profit de Kojal, d'un montant de plus de 2 milliards de dinars, le prévenu aurait souligné que « toute situation qu'il adopte passe obligatoirement par l'accord des bureaux de contrôle technique, du groupement chargé de la réalisation des travaux, du directeur du projet, du directeur du tronçon, en clair, la situation passe par la procédure dite ''attachement contradictoire'', qui limite les montants et définit la facture. Ce qui a été fait pour la facture de Kojal, avalisée par la banque, mais refusée par celle-ci parce qu'il s'est avéré qu'il s'agissait de travaux supplémentaires, ce que Khelladi aurait déclaré ignorer. Les travaux supplémentaires ne peuvent être facturés que dans le cadre des avenants ou des marchés supplémentaire ».