La guerre du haschich fait rage en Egypte, les autorités se prévalent d'avoir porté un coup sévère contre cette drogue, dont la consommation était, jusque-là, plutôt répandue dans le pays. En une, le quotidien officiel Al Ahram a même cru pouvoir proclamer la fin des combats : « Le ministère de l'Intérieur impose son contrôle sur le marché de la drogue », a-t-il avancé samedi, notant qu'un « rapport de la sécurité générale confirmait (...) l'éradication complète du trafic de haschich en Egypte ». Mais dans un pays où, selon une enquête officielle de 2007, 8% des quelque 80 millions d'habitants consomment de la drogue — en premier lieu de la marijuana —, décréter une telle victoire paraît illusoire. « La lutte n'est jamais finie », confirme le vice-ministre de l'Intérieur. « Nous espérons pouvoir continuer à endiguer le trafic de drogue ». Depuis le début de l'année, les autorités égyptiennes ont mis la main sur plus de six tonnes de haschich (résine de cannabis), une répression sans égale ces dernières années, fait-il encore valoir. Cette statistique constitue un bon point pour le gouvernement auprès d'une population majoritairement conservatrice. Du point de vue du consommateur, la pénurie, elle, se fait sentir. « J'ai acheté pour 3500 livres égyptiennes (635 dollars environ) de haschich pour mon mariage. Il y a quelques mois, pour la même quantité, cela m'aurait coûté 2600 LE (470 USD) », se lamente un habitant du Caire. « Et cela m'a pris des mois pour en obtenir (...), ça m'a rendu dingue. Je l'ai finalement obtenu le jour de la cérémonie », ajoute-t-il. Selon lui, « tout le monde à présent dit qu'il n'y a plus rien ». Le haschich présent sur le marché égyptien est en grande partie importé illégalement du Maroc via les frontières poreuses entre l'Egypte et la Libye. Un autre consommateur a confirmé que se procurer cette drogue était devenu complexe au Caire, métropole de 20 millions d'habitants. En désespoir de cause, certains semblent s'être rabattus sur le bango, la marijuana locale, dont les prix ont aussi explosé. « Je préfère le haschich, le bango me rend fou, c'est trop fort », ajoute un consommateur régulier. Dans un pays où la méfiance vis-à-vis du pouvoir est grande, d'autres théories que la simple répression ont par ailleurs fait surface. L'une des plus répandues consiste à voir l'œuvre de responsables corrompus, qui organiseraient la pénurie actuelle afin de faire grimper les prix, rapporte un analyste politique, qui requiert l'anonymat, afin de ne pas voir son nom associé à un sujet — la drogue — toujours tabou en Egypte. « La police et le gouvernement sont d'une manière générale perçus comme corrompus. Il y a un manque total de confiance à leur égard », explique-t-il, signalant que l'incertitude actuelle entourant l'avenir du pouvoir égyptien est propice à l'émergence de toutes sortes de rumeurs et fantasmes. Agé de 81 ans, le président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981, n'a pas encore dit s'il serait candidat à l'élection présidentielle de l'an prochain. Son fils, Gamal, pourrait lui succéder. « Dans cette atmosphère d'opacité, les spéculations (les plus) folles iront toujours bon train », estime l'analyste politique.