« Une réussite ! » C'est le bilan des organisateurs de « la journée sans achats », une action de protestation pacifique contre l'inflation des prix des produits de large consommation. Le taux de suivi a atteint un « seuil satisfaisant », contraignant même certains commerçant à baisser rideau. Les initiateurs parlent de plus de mille citoyens qui ont refusé d'acheter les 14 catégories de produits, notamment le pain et les médicaments dans les wilayas de Sétif, Annaba, Oran, Tamanrasset, Adrar et Ouargla. Quant à la capitale, l'adhésion des Algérois a dépassé les 10 000 à avoir boycotté les produits concernés. L'initiateur de cette démarche, le journaliste Fadel Zoubir, ainsi que le président de l'Union nationale de protection du consommateur, Mahfoud Harzelli, qui s'oppose à l'initiative, expriment ici leurs divergences. Fadel Zoubir. Journaliste et initiateur de la « Journée sans achats » : Aucune association n'a dénoncé la flambée des prix Pourquoi avez-vous lancé la « journée sans achats », mercredi ? Cette manifestation est une initiative prise par un groupe d'intellectuels et universitaires qui ont adhéré au groupe que j'avais créé sur le réseau social Facebook. Nous avons appelé les citoyens à ne pas acheter, de 6h à 18 h de la journée du mercredi, 14 catégories de produits alimentaires dont les prix ont flambé d'une manière inexplicable ces derniers temps. Aujourd'hui, salarié ou chômeur, notre pouvoir d'achat touche le fond, et les autorités font fi du désarroi des citoyens face à la cherté de la vie. Cette manifestation appelle certainement d'autres dans les mois à venir, afin de dénoncer l'inflation des prix des produits nécessaires (produits alimentaires et médicaments) dans l'indifférence totale du gouvernement. D'autre part, l'objectif principal est de sensibiliser le consommateur algérien sur l'ampleur qu'a pris la spéculation afin de ne pas encourager ces pratiques. Avez-vous sollicité l'Union nationale de la protection des consommateurs pour participer à la « journée sans achats » ? Non. Je n'ai pas frappé à la porte des associations de protection des consommateurs, car le suivi aurait été très faible. Aussi, l'inflation des prix n'est pas quelque chose de nouveau, la situation empire, notamment au mois de Ramadhan. Mais aucune des associations n'a levé le petit doigt pour dénoncer le calvaire que vivent les pères et mères de famille. En revanche, la Fédération nationale des associations de protection des consommateurs a affiché son soutien à notre démarche, certainement pour s'approprier cette mobilisation. Mais je tiens à ce que la « journée sans achats » soit l'œuvre de citoyens n'appartenant à aucune association ni organisme de l'Etat, afin qu'il n'y ait pas d'intrusion. Notre démarche se veut apolitique, dans l'intérêt du citoyen. Ce dernier doit changer sa vie lui-même. Selon vous, pourquoi l'Union nationale de la protection des consommateurs (UNPC) n'a pas dénoncé la flambée des prix ? Je ne peux pas répondre à la place de son président mais une chose est sûre, « la journée sans achat » a fait des mécontents, à l'exemple des associations censées protéger le consommateur. Leur souci est de collecter des fonds, bénéficier du budget de l'Etat, si ce n'est organiser des rencontres pour avoir des subventions de l'Etat et le sponsoring de certains industriels. Ceci dit, c'est à la population de prendre conscience du problème de la spéculation dans notre pays et d'interpeller les pouvoirs publics. Votre démarche, est-elle soutenue par la société civile ? Nous avons eu l'adhésion d'un grand nombre de citoyens, notamment de la part de la communauté algérienne à l'étranger (France, Canada, etc.). En dépit du caractère apolitique de notre mouvement, nous avons reçu le soutien de certains partis politiques, à l'exemple du Mouvement démocratique et social (MDS), de la part de syndicats de l'éducation et de la santé. Cet assentiment n'est que le résultat de la cherté excessive de la vie et de l'incohérence entre les prix des produits de large consommation et la production nationale. Ainsi, depuis plusieurs mois, les prix des légumes et celui du sucre se poursuivent face à un pouvoir d'achat très faible, même si les prix sur le marché international ont leur effet sur certains produits comme le sucre, l'absence du contrôle en Algérie a eu aussi un effet néfaste sur les prix des produits consommables. C'est face à cette l'apathie des pouvoirs publics que la société civile doit dire non. Mahfoud Harzelli. Président de l'Union nationale de protection du consommateur : Cette initiative est illégale Que pensez -vous de l'initiative d'une « journée sans achats » ? Cette initiative n'a pas lieu d'être, car elle est illégale, d'autant plus qu'elle n'émane d'aucune association ni organisation reconnues par l'Etat. Qui sont ces gens ? Ont-ils le droit de se mobiliser et de médiatiser leur démarche ? Par ailleurs, je ne trouve pas de raison pour qu'une poignée de personnes interpelle les pouvoirs publics, placardent des affiches dans les rues d'Alger et appellent à la protestation. C'est à l'Union nationale de protection du consommateur de décider de lancer ce genre de manifestation. Si on vous a associé à cette démarche, vous y auriez participé ? Non, jamais. Pourquoi dénoncer la flambée des prix tant que cela est le cas même dans d'autres pays. L'inflation des prix des produits alimentaires est consécutive à la crise financière et aux lois du marché. Sur ce dernier, tout est régulé, et rien ne se fait au hasard. Cette inflation qui dérange tant les ménages est clairement justifiée. Il y a quelques années, l'Etat subventionnait les produits alimentaires dont les prix ont fortement augmenté ces dernières années. Aujourd'hui, la donne a changé, le marché n'est plus le même, ce qui contraint le consommateur à se contenter des produits nécessaires. Quel est alors le rôle de l'Union nationale de protection du consommateur ? L'UNPC est agréée par l'Etat depuis mai 2009. Notre rôle est de sensibiliser le consommateur sur les risques que peuvent présenter certains produits. Nous organisons régulièrement des caravanes d'information et de sensibilisation, notamment au mois de Ramadhan et en période estivale. Nous dénonçons également auprès des autorités la présence de produits contrefaits, périmés et tout ce qui menace la vie et la santé du consommateur. D'ailleurs, nous allons organiser une session de travail avec l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) ainsi qu'avec l'Union nationale des agriculteurs algériens (UNAA) afin de débattre de la situation des prix et trouver une solution à leur la hausse dans un cadre réglementaire qui satisfera toutes les parties. Collaborez-vous avec la société civile et le ministère du Commerce ? Nous travaillons avec tous ceux qui défendent l'intérêt du consommateur algérien. Dans le secteur public, nous nous associons avec le ministère du Commerce dans l'organisation des campagnes de sensibilisation, des meetings avec la population. Nous recevons également des plaintes de la part des citoyens qui signalent les anomalies concernant un produit quelconque, une différence considérable des prix chez plusieurs commerçant, la publicité mensongère que véhiculent certains produits. Leurs doléances sont prises en considération par les membres de notre bureau national, qui prend attache avec les concernés. Dans le cas où le commerçant ne se résigne pas à appliquer la loi, nos avocats saisissent la justice.